Al-Ahram Hebdo, Visages | Réda Al-Wakil
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 1er au 7 avril 2009, numéro 760

 

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Visages

Après être passé par les plus grandes scènes de France, le basse baryton Réda Al-Wakil vient d’être nommé président de l’administration centrale et artistique de l’Opéra du Caire. Il met son expérience au profit d’un art raffiné que son pays connaît encore trop peu.

Les voies d’un maître

Sa formation faite en grande partie en France, ses airs de gentleman marqué par une culture européenne et son goût très prononcé pour l’art raffiné n’occultent pas son amour inconditionnel pour l’Egypte qui constitue un élément fondamental de vie pour lui. Pour le célèbre basse baryton, c’est au sein de l’Opéra du Caire qu’il aime accentuer sa présence en tant que chanteur bien ancré dans la mémoire de tous par ses innombrables performances depuis l’inauguration du nouvel Opéra du Caire en 1987. Désigné à la tête de la troupe de l’Opéra depuis huit mois, il vient aussi d’être nommé au poste de président de l’administration centrale et artistique de l’Opéra, point d’orgue de sa carrière, menée en partie dans le souci de veiller aux besoins et à la bonne prestation des artistes, pour pourvoir aux attentes du public en premier lieu.

Savoir bien apprécier et partager tout art raffiné n’était pas si loin d’un enfant dont le père, Mahmoud Fawzi Al-Wakil, général et chef d’état-major, a senti très tôt son goût pour la musique qu’il a vivement encouragé. « Un jour blotti dans les bras de mon père, j’ai touché à son instrument préféré, l’accordéon. Très lourd à porter pour un enfant de 8 ans, mon père en jouait pour moi. Cherchant la perfection, j’ai prouvé à mon père que je n’étais pas si petit et que je pouvais aussi en jouer. Il a fini par m’offrir l’accordéon pour récompenser mon courage », se souvient avec gratitude Al-Wakil. Son père le prédestinait à une vocation de commandant, non pas de l’armée, mais de l’art du chant.

Chanteur d’opéra, il a su avec persévérance et dextérité diriger tout un monde musical en Egypte. « J’avais envie d’être officier dans l’armée égyptienne comme mon père. Cependant, il voyait dans le chanteur d’opéra un futur plus prégnant que celui d’un militaire ». Les années 1970, où le père a pris sa retraite, étaient bouleversées par l’imminence de la guerre de libération, et le commandant préparait ses deux fils, Hassan et Réda, à remplir leur devoir de combattants. Mais les deux garçons, épris de musique dès leur tendre enfance, organisaient, depuis la véranda de leur appartement d’Héliopolis, un concert de musique assourdissante pour les voisins qui les entouraient. « Moi sur mon accordéon et Hassan sur sa percussion, nous improvisions une musique aux échos véhéments que supportaient à peine nos auditeurs », affirme Al-Wakil sur un ton plaisant.

Installé à son nouveau bureau, à l’entrée de l’Opéra du Caire, comment Al-Wakil se prépare-t-il aujourd’hui à diriger ses affaires ? Il se souvient des éminents principes de vie qui lui ont été inculqués par son père. « Mon père m’a appris les principes d’un général. Etre actif, honnête, minutieux, consciencieux, utile et surtout être le premier ». Loin de tout snobisme et orgueil, il jouit d’un caractère aimable et réfléchi. Sa manière de travailler avec son équipe l’atteste ostensiblement. D’abord soliste, il ne se préoccupait que de la perfection de sa performance. Depuis qu’il est nommé à la tête de la troupe de l’Opéra, il s’est attelé à la tâche de mieux réglementer les conditions de travail des artistes pour les faire jouir pleinement de leurs droits tout en assumant leurs devoirs. « Je fais partie de la troupe de l’Opéra du Caire en tant que chanteur depuis 20 ans. Cela m’a habitué à assister quotidiennement aux répétitions des autres troupes de danse et de ballet, pour toucher de près à leurs succès et à leurs préoccupations. Pour moi, l’émulation passe après la perfection, car le public n’est sensible qu’à l’harmonie de la performance », déclare Al-Wakil qui ne nie pas l’importance de la compétition entre artistes.

L’année 1994 reste mémorable à ses yeux, lui ayant glané des prix prestigieux, dont celui de l’estime de l’Etat de la littérature et de l’art, le premier prix de la compétition Placido Domingo de l’Opéra de Paris et même le premier prix du jury et du public dans la compétition internationale du chant d’opéra, à Toulouse. « En 1994, à Toulouse, j’étais très fier d’être l’unique représentant de l’Egypte dans une compétition internationale. C’était la dernière compétition internationale à laquelle je pouvais participer, car je venais d’avoir 34 ans. Age limite pour les productions d’envergure », considère-t-il. La qualité très rare de sa voix lui a bâti un rayonnement en France. « Les basses barytons sont très rares dans le monde. La texture grave est un registre de chant spécifique à certains rôles d’opéra particulièrement dramatiques ou héroïques. Cette voix possède grande autorité et est généralement associée à des personnages divins, puissants ou autoritaires », affirme Al-Wakil. Pour lui, les personnages du grand prêtre « Ramfis » dans l’opéra Aïda, le « roi Philippe » dans l’opéra Don Carlo et encore « le gentilhomme » dans l’opéra Don Giovanni sont les rôles les plus favoris. Dans tous ses rôles en solo, il sait à la perfection, avec son ton sérieux, posé, mélodique et surtout divertissant, dominer les planches de n’importe quel théâtre sur lequel il se produit et recueillir par la suite l’admiration du public. Il sait aussi s’investir dans la production en duo avec des voix féminines aussi fortes. « Ma collègue, la soprano égyptienne Iman Moustapha, jouit d’une voix très forte. Avec Iman, ma voix est libre de transmutation. Nous formons ensemble un parfait duo, capable de satisfaire notre public ». Plaire au public égyptien est sa plus grande préoccupation. Il a renoncé à interpréter le Barbier de Séville à l’Opéra Comique de Paris pour participer à la 9e Symphonie de Beethoven avec l’Orchestre symphonique du Caire. Comment pouvait-il abandonner cette présence en tant que seul représentant égyptien auprès de l’Orchestre symphonique du Caire ? Son directeur artistique lui a conseillé de ne pas annoncer sa décision de partir pour l’Egypte au directeur de l’Opéra Comique de Paris, Pierre Médecin, afin de conserver son contrat. Mais il a préféré être franc avec ce dernier qui s’est opposé à son voyage. Et l’appel de l’Egypte a triomphé.

Il a chanté presque dans tous les Opéras de France. A l’Opéra de La Bastille, d’Avignon, de Montpellier, de Nice ... Et même dans la plupart des églises de France, au Palais des congrès à Montparnasse et à la Sorbonne. « Je dois avouer que je rêvais d’accéder au chant d’opéra dans les théâtres de France. A chaque production, la chance me souriait. Cependant, rien ne pouvait m’empêcher de chanter dans mon pays », proclame Al-Wakil. Chance mais aussi compétence. Une compétence bien ressentie depuis longtemps par ma professeur Samha Al-Khouli qui occupait dans les années 1970 le poste de doyenne du Conservatoire du Caire. Elle a saisi dans la voix du jeune étudiant de 14 ans une certaine particularité qui le distinguait du reste de la chorale du Conservatoire. « De joueur de contrebasse à chanteur d’opéra. Ma professeur Samha Al-Khouli m’a demandé de passer par un examen d’audition avec mon professeur Gihane Ratl qui m’a appris le chant. Par la suite, j’ai continué dans la classe de chant d’opéra avec ma troisième professeur, Violette Maqqar. Grâce aux efforts de mes chères professeurs, une bourse à l’Ecole normale de Paris m’a été octroyée en 1992 », évoque-t-il avec gratitude. C’est avec le soutien de Caroline Dumas que le jeune boursier a obtenu son diplôme solennel de « Concertiste », le diplôme le plus prestigieux en France dans le domaine du chant d’opéra. Dans ce pays, Al-Wakil a participé à plusieurs opéras internationaux : La Bohème, Thaïs, L’Elixir d’amour, Carmen, Rigoletto, Madame Butterfly … et aux requiems symphoniques de Verdi, Mozart, Brahms, Haendel, Beethoven, Puccini … En dépit de son succès en France, l’Egypte berçait toujours sa nostalgie. « Même mes répétitions étaient dans des lieux clos, pour me détacher de la grisaille ambiante qui m’exaspérait ». Il reproche cependant aux médias égyptiens de ne pas promouvoir assez l’opéra auprès du public potentiel en Egypte. « Aux Opéras de France, il n’y a jamais de chaises vides. Peu d’Egyptiens savourent les chants d’opéra. Les médias en Egypte ont le devoir d’y sensibiliser le public. En Europe, il existe des chaînes spécialisées dans la diffusion de soirées de chant d’opéra à tout public », estime Al-Wakil.

Il considère aussi que soutenir les artistes financièrement est un élément constituant de leur succès. Il déteint indéniablement sur leurs performances. En Europe, mille dollars est le salaire minimum garanti par jour pour un chanteur d’opéra. En Egypte, un chanteur d’opéra étranger est beaucoup mieux payé qu’un national. Comment donc pourraient-ils vivre dans ces conditions ? Al-Wakil n’hésite pas à inviter les troupes d’opéras étrangères et les artistes de renom pour diversifier et mieux étoffer les programmes de l’Opéra jusqu’à ce que les artistes égyptiens puissent dépendre de leurs propres efforts. D’autre part, pour pouvoir mieux rémunérer les artistes, en même temps que parvenir à attirer progressivement plus de public vers l’Opéra, Al-Wakil pense intelligemment augmenter le nombre des soirées de musique arabe au prochain Festival de la Citadelle, prévu du 10 au 20 août prochain. « Les soirées de musique arabe sont très rentables. Elles sont bien accueillies par le public égyptien. Je pense dès lors leur ajouter quelques concerts de chant d’opéra et de musique classique. Autre manière de diffuser petit à petit l’art raffiné en Egypte et faire comprendre au public du Festival de la Citadelle, qui n’est pas obligé de se plier à une tenue vestimentaire, que l’opéra n’est pas exclusif à une élite », estime Al-Wakil. Il s’emploie aussi à arabiser quelques opéras comme Le Mariage de Figaro qui sera présenté du 14 au 17 avril prochain, à l’Opéra.

Tous ces projets en gestation et ces responsabilités à la tête de l’administration ne lui font pas oublier son rôle de chanteur d’opéra. Il se prépare actuellement à interpréter le rôle de « Fernando » (grand soldat de la garde) dans l’opéra Al-Trovadore de Verdi, qui sera prochainement donné à l’Opéra du Caire. Entouré de ses appareils sonores, de son ordinateur et de son carnet musical, Al-Wakil passe par des moments de doute, mais aussi d’émerveillement, en pensant à ses trois enfants issus d’un premier mariage « inapproprié ». L’artiste sait aussi dissimuler ses peines pour donner libre cours à des émotions fortes qui structurent ses puissantes prestations.

Névine Lameï

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Jalons

1960 : Naissance à Héliopolis.

1984 : Diplôme de chant d’opéra du Conservatoire du Caire.

1997 : Mariage avec la pianiste française Pascale Rosier.

2008 : Directeur de la troupe de l’Opéra du Caire.

Mars 2009 : Président de l’administration centrale et artistique de l’Opéra du Caire.

 

 

 




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