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 Semaine du 25 février au 3 mars 2009, numéro 755

 

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Opinion


L’Occident et les musulmans

Ahmed Bensaada

La crise financière actuelle a non seulement fait surgir le spectre du protectionnisme, mais a aussi déterré les vieux démons de la préférence nationale dans l’embauche. La situation socioéconomique des immigrants en Occident, en particulier celle des musulmans, qui posait déjà problème en période de vaches grasses risque de faire les frais de ces temps de disette. Mais quel est le portrait de ces musulmans en terre d’Occident ?

 L’islam est la deuxième religion la plus pratiquée dans le monde après le christianisme. Elle regroupe environ 1,2 milliard de fidèles principalement en Asie, en Afrique et en Europe. Il est très difficile de connaître précisément le nombre de musulmans en Occident, mais des estimations sérieuses peuvent le chiffrer aux alentours d’une vingtaine de millions très inégalement répartis. Ainsi, on remarque que quatre pays, en l’occurrence la France, les Etats-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, regroupent plus des deux tiers des musulmans d’Occident. Le reste est disséminé dans les autres pays.

 A quelques exceptions près comme la Grèce ou l’Espagne qui comptent une population musulmane séculaire, les musulmans des autres pays sont essentiellement issus d’une immigration plus ou moins récente dépendamment des pays. Contrairement à la place démesurée qu’ils occupent dans les médias occidentaux, la communauté musulmane ne représente qu’environ 3,5 % de la population totale de l’Union européenne, et moins de 3 % de celle de la totalité des pays occidentaux.

 De nombreux événements ont contribué à mettre les musulmans d’Occident sous les projecteurs : les attentats du 11 septembre 2001 à New York, ceux de Madrid et de Londres, les caricatures du prophète Mohamed, les péripéties du conflit israélo-palestinien, la publication de certains ouvrages controversés, la controverse sur le voile islamique en France, l’occupation de l’Iraq ou le récent problème nucléaire iranien. D’autre part, les médias ont toujours tendance à monter en épingle les moindres incartades qui ont pour effet de stigmatiser les sentiments islamophobes. A cet effet, le dernier rapport de l’EUMC (Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes) note que : « Les musulmans sont souvent victimes de stéréotypes négatifs, phénomène qui est par moments renforcé par le portrait négatif ou sélectif que véhiculent les médias ». Ce même rapport fait état de centaines d’incidents à caractère islamophobe recensés dans les années 2004-2005 dans tous les pays de l’Union européenne. Aussi, la récente « grande enquête sur la tolérance au Québec » de la firme Léger Marketing qui a fait couler beaucoup d’encre a montré qu’un Québécois sur 2 avait une mauvaise opinion sur les Arabes. Comme les Occidentaux ne font pas nécessairement la différence entre la notion d’Arabe et celle de musulman, les deux mots peuvent être considérés comme interchangeables dans le sondage. Ici aussi, ce sont les Arabes qui ont l’apanage de la perception la plus négative, perception 5 fois plus élevée que celle envers les Asiatiques.

Cette islamophobie grandissante en Occident ne se manifeste pas uniquement dans des sentiments négatifs ou des actes violents. Elle a des répercussions sur l’employabilité des personnes issues de cette communauté. Citons les exemples de la Belgique où le taux de chômage des Marocains et des Turcs est 5 fois plus élevé que celui des Belges de souche. En Grande-Bretagne, des informations détaillées montrent que les musulmans ont le plus haut taux de chômage parmi les hommes, 3 fois plus élevé que celui de la population en général. Plusieurs expériences de demandes d’emploi avec des candidats fictifs ou des noms occidentaux remplaçant un nom arabo-musulman ont été tentées dans plusieurs pays occidentaux.

 Les chiffres du chômage dans certains pays occidentaux qui recensent ce type de données en fonction de la religion ou de l’appartenance ethnique sont autant d’indicateurs éloquents en matière d’employabilité des musulmans. En Irlande et en Grande-Bretagne où des statistiques basées sur la religion sont disponibles, on constate que les taux de chômage chez les musulmans sont respectivement 3 et 4 fois plus élevés que ceux des chrétiens.

 En Irlande, le taux de chômage des musulmans est près de 3 fois plus élevé que celui de la population en général, alors qu’en Belgique le chômage touche 5 fois plus les Turcs et les Marocains que l’ensemble de la population. Au Québec, de récentes statistiques ont montré que la communauté maghrébine subissait un taux de chômage plus de 4 fois plus élevé que la moyenne, très loin derrière la communauté noire africaine, avec un chiffre de 8 points supérieurs. Pourtant, le pourcentage des immigrants provenant de l’Afrique du Nord possédant des qualifications universitaires est nettement supérieur à la population québécoise en général.

 Cette discrimination à l’emploi est, de loin, la plus insidieuse car elle freine l’intégration des musulmans au marché de l’emploi, bloque l’accès à une qualité de vie décente et nuit au sentiment d’appartenance à la société d’accueil.

 Quelles mesures ont été prises pour remédier efficacement à cette islamophobie omniprésente en Occident ? En 2008, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne a publié un rapport dans lequel elle fournit des exemples de projets, d’initiatives et de pratiques exemplaires mises de l’avant par plusieurs villes européennes afin de favoriser l’intégration des immigrants, en particulier ceux de confession musulmane dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et de la participation à la vie sociale. Ce document qui s’adresse aux décideurs politiques et aux praticiens impliqués dans la lutte contre le racisme et la discrimination se veut un outil de travail dont tous les responsables locaux du monde occidental devraient s’inspirer. Malgré ces efforts louables, un récent sondage, réalisé au printemps 2008 dans le cadre du Pew Global Attitudes Project (18), révèle toujours un indéniable accroissement de l’hostilité envers les musulmans dans de nombreux pays occidentaux.

L’islamophobie est un phénomène réellement grave dans les pays occidentaux et sa progression est indéniable. Son ampleur affecte la structure et l’équilibre des pays membres surtout si l’on considère qu’un nombre croissant de musulmans de deuxième et troisième générations sont des citoyens occidentaux à part entière. Une éducation à la citoyenneté et à la diversité sociale doit être obligatoirement insérée dans le cursus officiel des écoles et des positions politiques claires et courageuses sont indispensables afin de juguler ce fléau social. L’empathie et l’ouverture à l’autre sont des gages de la bonne santé d’une société moderne, égalitaire et résolument tournée vers l’avenir.

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