Détournement de Fonds.
L'arrestation de l'homme d'affaires égyptien Nabil Al-Bouchi
à Dubaï, pour émission de chèques sans provision, a mis au
jour une affaire de fraude de plus de 250 millions de
dollars impliquant des responsables publics.
Un scandale Madoff à l'égyptienne
Plus
d'une centaine de personnalités égyptiennes comptant
ministres, députés, acteurs et joueurs de football ont été
victimes d'une fraude de millions de dollars, menée par
l'homme d'affaires égyptien Nabil Al-Bouchi, directeur
général, membre du Conseil d'administration et détenteur de
20 % du capital de la société de courtage Optima Egypt
Securities Brokerage. Plus d'une centaine de Saoudiens,
Koweïtiens et Emiratis ont aussi été floués. Certaines
victimes ont déposé plainte en Egypte contre Al-Bouchi.
Quatre autres se sont rendus à Dubaï pour réclamer leurs
droits. Mais la majorité a préféré de ne pas agir, craignant
pour leur image. L'homme d'affaires égyptien, arrêté il y a
quelques jours à Dubaï, aurait détourné à ce jour plus de
250 millions de dollars, soit plus d'un milliard de L.E.
Cette affaire a été dévoilée le 4 février dernier, lorsque
Nachwa Mégahed, femme d'affaires égyptienne vivant à Dubaï,
ainsi que deux hommes d'affaires égyptiens, Wagdi et Emad
Cararah, se sont présentés à la police de Dubaï pour
dénoncer des chèques sans provision émis par Nabil Al-Bouchi.
Les frères Cararah étaient porteurs d'un chèque de 12
millions.
De quoi déclencher des inquiétudes chez d'autres personnes
ayant confié d'importantes sommes en dollars au financier,
dans l'espoir de réaliser d'importants profits en un minimum
de temps. « Ces investisseurs ont été trompés par
l'intelligence et la réputation d'Al-Bouchi qui disait
occuper des postes sensibles. Cette crise nous en rappelle
des similaires dans les années quatre-vingt et
quatre-vingt-dix, comme avec Achraf Al-Saad et Al-Rayan »,
commente Samir Sabri, qui assure qu'Al-Bouchi n'a pas
supprimé le nom du ministre Abaza du registre du commerce,
même après son départ du poste de PDG de la société, cela
afin d'attirer le plus grand nombre de clients. L'affaire
s'est compliquée quand il a cité le nom du ministre actuel
de l'Agriculture, Amin Abaza, PDG de Optima Egypt Securities
Brokerage jusqu'en juillet 2004, avant d'être désigné
ministre dans le gouvernement Nazif, mais gardant une part
de 38 % dans la société.
L'affaire a aussi pris de l'ampleur quand Al-Bouchi a créé
une autre société à Londres, du même nom de la première,
mais en ajoutant le mot « Global », accusant l'actuel PDG,
Fekri Badreddine, de détenir 20 % de cette nouvelle entité.
« Les documents des clients portent l'en-tête de cette
dernière », dit Sabri, ajoutant que cela a causé la
confusion chez les clients.
S'en tirer à moindre dégât
L'avocat
d'Al-Bouchi, Maher Milad Eskander, a déclaré sur la chaîne
de télévision égyptienne Dream qu'il remboursera ses
victimes émiraties avant de régler ses dettes en Egypte.
Mais de son côté, Samir, l'avocat des victimes, assure qu'Al-Bouchi
« ne remboursera pas les droits des plaignants émiratis afin
de rester en prison à Dubaï et ne plus revenir en Egypte ».
Sabri prévoit qu'Al-Bouchi tentera d'impliquer davantage le
ministre Abaza dans l'affaire pour s'en tirer à moindre
dégât. Le journal égyptien Al-Fagr a cependant publié des
informations sur la démission d’Abaza, bien que démentie par
ce dernier. Quant au conseiller juridique d'Optima Egypt,
Ahmad Mokhtar, il accuse Al-Bouchi de fraude bien qu'il ait
défendu Fekri Badreddine. « Al-Bouchi accordait à ses
clients des profits atteignant parfois 115 %. Il est
impliqué, puisqu'il a dû fermer ou suspendre le site de sa
société pour interdire aux clients l'accès à leurs comptes
», a-t-il déclaré sur la chaîne satellite Orbit.
De sa part, Moustapha Badra, analyste financier chez Trust
Securities, souligne que l'investissement boursier égyptien
ne rapporte que des profits variant entre 20 et 30 %. « Et
avec la crise financière internationale qui a fait chuter
les actions égyptiennes de plus de 50 %, l'investissement
boursier actuel ne peut réaliser plus de 5 % », note Badra.
Il ajoute qu'Al-Bouchi devait investir ces sommes à
l'étranger, puisqu'en 2006 et 2007, il a versé à ses clients
des profits atteignant 115 %. « Il investissait sans doute
via sa société Optima Global, située à Londres. Et cela car
la société Optima Egypt ne travaille que dans le domaine des
actions et obligations échangées en Bourse égyptienne. Et
cette dernière opère sur le marché sous le contrôle de
l'Organisme égyptien du marché financier », remarque-t-il.
Un haut responsable de l'Organisme égyptien du marché
financier, qui préfère conserver l'anonymat, a souligné que
le fonds de garantie des risques non commerciaux dépendant
de l'Organisme n'a pas reçu de plaintes contre Optima Egypt
concernant cette affaire. « Ce qui explique que le fonds ne
compensera pas les perdants, puisque les contrats des
transactions sont au nom des deux sociétés Optima Global
Londres et Global Dubaï », déclare-t-il. Après avoir examiné
les documents concernant la société Optima Egypt par
l'Organisme du marché financier, la Cour d'assises du Caire
a accepté la décision du procureur général, Abdel-Méguid
Mahmoud, d'examiner les comptes bancaires des deux criminels
Al-Bouchi et Fekri, créant un comité ad hoc.
Reste que le nombre de plaignants n'est pas définitif. Leur
nombre va en fait grandissant en Egypte, ce qui pourrait
contraindre les autorités émiraties à renvoyer Al-Bouchi au
Caire dans de brefs délais.
Avec des effets qui seront limités pour les victimes,
puisque le service égyptien des enquêtes des fonds publics a
découvert que tous les comptes bancaires d'Al-Bouchi étaient
vides.
Dahlia Réda