Evénement. Quel sera l’avenir du Centre d’Etudes et de
Documentation Economiques, Juridiques
et sociales (CEDEJ) après la décision
de fermeture ? Saturé dans son emplacement actuel depuis 10 ans, le Cedej, qui abrite 40 000 ouvrages et des centaines de milliers d’archives, est menacé.
Dans la tourmente
Cela faisait des mois que les rumeurs enflaient sur l’éventuelle
fermeture du Centre de
documentation du Cedej. Le
8 décembre dernier, l’ambassadeur
de France en Egypte, M. Jean Félix-Paganon,
a mis fin aux ouï-dire, en annonçant la fermeture définitive de la documentation du
Cedej, ainsi que le licenciement des sept employés chargés
de son fonctionnement. Pourtant,
pour Marc Lavergne, directeur
du Cedej, « il n’a jamais
été question de se débarrasser
du fonds documentaire, qui est un outil fondamental, mais de l’héberger ailleurs ». L’air grave, il admet qu’«
il ne peut
pas y avoir de recherches
sans documentation » et ajoute que
« ce qui se passe au Cedej en ce moment est une mesure
de mise à plat ». Il explique que la documentation pèse extrêmement lourd au Cedej et que son emplacement actuel est de toute évidence
saturé depuis dix ans. « Les livres sont dans un état
lamentable, les étagères croulent
et les locaux sont poussiéreux et humides », ajoute-t-il, l’air consterné.
L’ensemble de la
documentation va donc
devoir être délocalisé et cela dans les mois
prochains, car le bâtiment
qui abrite le Cedej, le Consulat de France et le DEAC a récemment
été vendu. Les prospections pour trouver de
nouveaux locaux au Cedej dans le centre-ville du Caire n’ont
manifestement pas donné
grand-chose pour l’instant.
Après un certain nombre de démarches infructueuses, l’espoir de trouver un local assez vaste, on s’achemine de plus en
plus vers le scénario suivant : la bibliothèque et les
archives ont de grandes
chances d’être entreposées au Consulat
général de France d’Alexandrie,
tandis que l’équipe des chercheurs et les activités scientifiques du Cedej se maintiendront
au Caire. Toutefois, il est trop tôt
pour rejeter l’éventualité d’une délocalisation de l’ensemble des activités du Cedej à
Alexandrie car « le bâtiment
du Consulat, en plus d’être
somptueux, est presque vide », explique Marc Lavergne, qui semble être très tenté
d’utiliser ces locaux. D’autant plus que le MAE, en tant que dépositaire du local, l’encourage, car il souhaite remplir
ce bâtiment « d’activités prestigieuses et visibles comme celles du Cedej
», précise le directeur. Mais il y a un hic. Le CNRS, autre tutelle du
Cedej, est fermement opposé à une relocalisation
de l’ensemble des activités
du Cedej à Alexandrie, qu’il
considère comme une ville de province peu adaptée aux recherches du Cedej.
Marc Lavergne, lui, voit les choses différemment et affirme que cela aurait
du sens pour la
documentation d’être entreposée à
Alexandrie.
Iman Farag, sociologue et chercheuse au sein du Cedej, est
très pessimiste quant à l’avenir du
Cedej en tant qu’institution. « Partout dans le
monde, des centres de recherche
passent par des phases de régression
et de repli liés à des contraintes budgétaires. Pour le Cedej, la
documentation constituait la garantie
qu’en dépit de moments difficiles, l’infrastructure de
la recherche était toujours là » explique-t-elle.
« Si on ampute le Cedej de son centre de documentation, qu’est-ce
qui va rester ? », demande-t-elle, maussade. Car entreposée dans les sous-sols du Consulat
d’Alexandrie, la documentation va-t-elle
rester consultable, au moins
par les chercheurs ?
« Oui », répond Marc Lavergne, qui
envisage de mettre au point un système
de navette « fluide » entre Alexandrie et Le Caire pour transporter les ouvrages
jusqu’au Cedej. « Il y a
des navettes de l’ambassade
et du CFCC qui naviguent régulièrement entre Alexandrie et Le Caire et il me semble envisageable
de glisser certains ouvrages commandés par les chercheurs », explique le directeur du Cedej,
qui reconnaît toutefois que cette situation n’est pas idéale. La proximité avec la Bibliotheca Alexandrina est un aspect positif pour Marc Lavergne, qui est entré en contact avec le directeur
de la prestigieuse bibliothèque.
« M. Séragueddine est conscient de la valeur du fonds documentaire
du Cedej et veut nous aider
à valoriser ce trésor national égyptien devenu trop grand pour nous », explique-t-il, conscient des techniques de numérisation
ultraperfectionnées dont la
bibliothèque dispose. Car, au grand désespoir de Marc Lavergne, « le tournant technologique au sein du Cedej
a été pris trop tard et d’une façon
amatrice puisqu’il n’y a pas de compétences au sein du Cedej
pour maîtriser l’outil informatique ». Iman Farag est scandalisée,
car ses collègues « ont été informés
par l’administration que le
travail qu’ils ont déployé depuis des années n’est pas utile. En plus
d’être atterrés par la perte
de leur emploi, ils se sentent dévalorisés, pour ne pas dire autre chose », poursuit la chercheuse, visiblement durement éprouvée par les développements récents du Cedej. « Mes
collègues et moi-même nous gardons tout de même un petit bout d’espoir de voir le Centre de documentation et leurs
emplois conservés, et cet espoir se nourrit
des réactions de soutien que l’on a reçues
du monde entier », rapporte la chercheuse, d’un coup
ragaillardie. « Si un responsable des politiques culturelles quelque part en
Une partie du brouillard
qui entoure l’avenir du Cedej devrait
se lever vers la mi-janvier,
lors d’un Conseil scientifique en
Louise Sarant