Entretien.
Ismaïl Séragueddine,
directeur de la Bibliotheca Alexandrina, revient sur les 500
000 ouvrages français donnés récemment à la Bibliothèque, la
classant au 6e rang mondial.
« Ce
don fera de la BA la principale bibliothèque du livre
français dans la région arabe »
Al-ahram
hebdo : Quels exemples pouvez-vous donner des trésors que
possède la Bibliotheca Alexandrina aujourd’hui, sept ans
après sa création ?
Ismaïl
Séragueddine :
Toute jeune qu’elle est, en la comparant avec d’autres
bibliothèques du monde, la Bibliotheca Alexandrina abrite
des chefs-d’œuvre dans différents domaines, puisque nous
avons plus de 680 000 livres avec plus de 2 800 ordinateurs,
dont 40 consacrés aux visiteurs. Un véritable trésor est
celui des 70 000 rouleaux de l’ancienne Bibliothèque
d’Alexandrie, 5 000 anciens manuscrits, des photos très
rares du roi Farouq, ainsi que le livre du fameux
photographe Rio relatif à l’inauguration du Canal de Suez.
Côté arts, nous possédons l’oud du fameux musicien Sayed
Darwich avec des disques musicaux très rares, de même que la
bibliothèque complète du réalisateur égyptien Chadi
Abdel-Salam en plus de 900 000 peintures très importantes.
— 500
000 livres en langue française ont été récemment donnés à la
bibliothèque. Pourriez-vous nous donner plus de détails ?
— Ce don
s’est effectué dans le cadre des initiatives de coopération
méditerranéenne menées par le président égyptien et son
homologue français, Nicolas Sarkozy, d’une part. D’autre
part, j’entretiens des discussions ouvertes avec mes
collègues français qui ont aidé dans cette donation. C’est
la plus grande donation culturelle dans l’histoire des
bibliothèques, après celle de Marc Antoine pour Cléopâtre. A
ajouter que ce cadeau inclut l’ensemble des publications
parues en France entre 1996 et 2006 couvrant tous les
domaines de la connaissance : les sciences, les lettres,
l’histoire, la géographie, l’anthropologie, etc.
—
Comment évaluez-vous la valeur de cette donation culturelle
parmi le trésor existant déjà au sein de la Bibliotheca
Alexandrina ?
— Ce
cadeau va certainement classer la Bibliotheca Alexandrina à
sa juste place parmi ses homologues. Les quelque 40 000
livres en langue française qui constituent le patrimoine de
la Bibliotheca ont augmenté après cette offre pour atteindre
plus de 536 000 ouvrages en français. Ce qui fait de la
Bibliothèque d’Alexandrie la 6e grande bibliothèque
francophone dans le monde du point de vue nombre d’ouvrages
français, venant après celle de la Bibliothèque Nationale de
France (BNF), possédant 305 000 ouvrages, celle du Canada
365 000 ou la bibliothèque de New York. D’autre part, la
Bibliotheca Alexandrina sera la principale bibliothèque du
livre français dans la région arabe, devançant ainsi la
Tunisie, l’Algérie et le Maroc, ainsi que les pays d’Afrique
et d’Asie.
— Est-ce
que la Bibliothèque possède une politique de donation bien
précise ? Quels en sont les critères et les procédés ?
— Une
section consacrée à l’échange aux offres est chargée de
faire l’échange des productions de la Bibliothèque avec
d’autres publications de toutes les institutions dans le
monde depuis la Chine jusqu’aux Etats-Unis. De plus, nous
distribuons beaucoup de publications à travers le monde,
soit dans les universités et institutions ou dans les
bibliothèques nationales. Nous avons également réussi à
organiser une campagne en collaboration avec le Conseil
suprême de la culture et des particuliers pour collecter un
nombre de livres pour la nouvelle ville de Fès au Maroc dans
le cadre du soutien des bibliothèques arabes.
— Quand
est-ce que la réception des 500 000 ouvrages sera-t-elle
effective ?
— Une
cérémonie à l’occasion de l’envoi de la 1re cargaison s’est
tenue le 30 novembre au port de Marseille pour importer le
premier conteneur qui se compose de 34 000 caisses, environ
260 000 livres. La cérémonie était en présence du
représentant du président français, du ministre français de
la Culture, du président de la BNF, de l’ambassadeur
d’Egypte en France et moi-même comme invité d’honneur. En
février prochain, le restant des ouvrages sera livré lors
d’une autre cérémonie réunissant des personnalités
culturelles internationales.
— Où se
place la Bibliotheca Alexandrina aujourd’hui sur la carte de
la révolution numérique, notamment après le lancement de la
base de données numériques ?
— En
fait, de nos jours, être électroniquement relié au monde est
un des véritables défis relevés par la Bibliotheca
Alexandrina. C’est pourquoi nous avons tenu à créer la plus
grande bibliothèque numérique arabe dans le monde entier
depuis quelques mois. Nous avons réussi à numériser jusqu’à
présent plus de 130 000 ouvrages en langue arabe en
littérature, sciences, religion et géographie. Ces livres
sont surtout soit des livres très spécifiques, des livres
rares ou épuisés ou des ouvrages particulièrement anciens.
Aujourd’hui, cette série de livres est à la disposition du
lecteur sur le portail numérique de la Bibliotheca. Cela
garantit également la protection du patrimoine de la
Bibliotheca.
Propos recueillis par Samar Zaree