Niqab.
Les étudiantes qui portent
ce
voile intégral
ont
manifesté cette
semaine à
l’Université de
Aïn-Chams pour protester
contre la
décision de la direction
d’interdire cette
tenue dans
la cité
universitaire. Les deux
camps se livrent
à une
bataille
dans les cours de
justice.
Bataille
judiciaire
«
Je suis
engagée
dans une
bataille pour
une chose
que je
considère
comme un
droit :
mon niqab,
qui est
censé me protéger, menace
aujourd’hui
mon avenir ».
C’est
avec ces propos
que Mariam,
étudiante en
quatrième
année de la faculté de
polytechnique,
à
l’Université de Aïn-Chams
exprime son avis.
Mariam, qui
porte le niqab
depuis 4
ans, fait référence
à la
récente décision
du ministre
de l’Enseignement
supérieur,
Hani Hilal, en
octobre dernier,
d’interdire le port
du niqab
(voile complet en noir,
ne laissant
apercevoir
que les yeux)
dans les
cités universitaires et
durant les
examens. Une
décision qui
touche des
dizaines de milliers de «
mounaqqabate »
dans les
universités publiques,
notamment au
Caire et
à Aïn-Chams.
Le
ministre
avait justifié
sa
décision par des
considérations
sécuritaires. «
Je ne
suis
pas contre le
niqab, mais
contre
certains usages », avait
affirmé
Hilal. Il assure
que
certaines étudiantes
ne portent le
niqab que
durant les
examens pour tricher
ou se
présenter à la place
d’autres
camarades.
La
décision du
ministre a
soulevé la colère des
mounaqqabate qui
protestent
contre ce
qu’elles
estiment être «
une guerre anti-niqab
». Durant les deux
dernières
semaines, plusieurs
manifestations ont
été
organisées dans les
universités
publiques. Les étudiantes
brandissent des banderoles
sur
lesquelles on pouvait
lire : «
Annulez cette
décision abusive », « Le
niqab est
la loi
d’Allah ». Elles
ont même
signé des
pétitions et
une
vingtaine d’entre
elles ont
intenté des
procès contre le
ministre et les doyens de
leurs
universités pour les obliger
à revenir
sur les interdictions
décrétées. Les «
mounaqqabate » font
valoir
l’article 40 de la Constitution qui
garantit la
liberté individuelle
et la
liberté religieuse
à tous
les Egyptiens. Le 13
décembre, la
Cour administrative a
autorisé les
mounaqqabate
à accéder
à la cité
universitaire,
estimant
que le port du
niqab
est
une liberté
personnelle
qu’aucune instance administrative
ne peut
restreindre.
Néanmoins,
l’Université de Aïn-Chams
a fait appel le 20
décembre de la
décision de la
Cour administrative.
L’Egypte
assiste
depuis quelques
mois à
une
polémique sur le
niqab.
L’imam
d’Al-Azhar, Mohamad
Sayed
Tantaoui, avait
décidé le 8
octobre dernier l’interdiction
du port du
niqab, aux
étudiantes et
enseignantes
dans les
établissements et les résidences
universitaires
d’Al-Azhar
réservés aux filles et
pendant les cours
auxquels
n’assistent que les
femmes. Il a
également exigé la
suppression du
niqab pendant les
examens. Le mufti Ali
Gomaa et
le ministre des
Waqfs,
Hamdi Zaqzouq,
ont ajouté
à la
polémique en affirmant
que cette
tenue
n’avait aucun
fondement
dans la loi
islamique et
qu’elle
pouvait plutôt
s’apparenter
à une
forme
d’extrémisme.
Ils
considèrent que
seul le voile, qui
couvre le corps
à
l’exception des mains et du
visage, est
une obligation religieuse.
Le
niqab s’est
sensiblement
répandu en
Egypte au cours des
dernières
années.
Un phénomène
qui inquiète
l’Etat qui y
voit un
signe d’extension
du
fondamentalisme. Les autorités
cherchent
une meilleure
façon de
traiter le problème, en
s’appuyant
sur Al-Azhar qui
est
une
référence religieuse pour
le monde sunnite.
Mais en
Egypte, elle
est
surtout
perçue comme
étant aux
ordres de l’Etat,
étant donné
que c’est
le président de la
République qui
nomme le
cheikh d’Al-Azhar.
Néanmoins, son interdiction
est
une violation
flagrante de la
liberté
individuelle et de la liberté
du culte,
garanties par la Constitution
(article 40). Il
est donc
difficile à
l’Etat de
l’interdire totalement.
Ainsi,
le port du
niqab est
interdit aux
infirmières
depuis 2 ans
dans les
hôpitaux publics, officiellement
pour des raisons d’hygiène.
Mais c’est
surtout
l’argument sécuritaire
qui est
mis en
avant. Les autorités
ont affirmé
à de
nombreuses reprises que
le niqab
avait servi
à perpétrer
des attentats,
comme ceux
du quartier
touristique
d’Al-Azhar et
d’Al-Hussein. En 2007, la Haute
Cour administrative
avait jugé
invalide
l’interdiction du port
du niqab
par l’Université
américaine au
Caire. «
Nous
refusons de nous
soumettre à
cette
décision abusive qui inclut
au fond des objectifs
politiques.
L’Etat
cherche à
limiter l’influence des
mouvements
politiques de tendance
islamiste en
interdisant
cette tenue.
Moi,
personnellement, je le
porte
car je
crois que
c’est un devoir
religieux, pas plus », se
défend
Manal, étudiante. Elle
affirme que
si la Cour
ne tranche
pas l’affaire en
sa
faveur,
elle s’inscrira
à une
université
privée. Avis partagé par
Aya,
étudiante à la
faculté des
lettres. « L’université
peut
prendre si
elle veut
les dispositions nécessaires
pour assurer la
sécurité et
lutter
contre la tricherie. Elle
peut nommer
une
employée pour vérifier
l’identité des
étudiantes qui portent le
niqab ou
bien
consacrer aux filles des
salles pour passer les
examens
sous la surveillance de
professeurs de sexe
féminin », lance-t-elle.
Du côté
de la direction de l’université,
on est
intraitable. On
ne peut
pas instaurer des
règles
spéciales pour un
groupe
d’étudiantes qui est de
surcroît
minoritaire, affirme-t-on
à la direction de
l’université. En attendant, la
bataille
entre les étudiantes
et la direction se
poursuit
dans les cours de
justice.
Héba
Nasreddine