Banque Centrale d’Egypte.
Plusieurs mesures ont été entreprises par la Banque Centrale
d’Egypte (BCE) pour minimiser les effets de la crise et
relancer l’économie. L’auteur les passe au crible tout en y
jetant un œil critique.
La
gestion de la crise, un an après
La
crise financière s’est révélée aux Etats-Unis le 15
septembre 2008. Comme prévu, l’impact de cette crise a été
clairement ressenti en Egypte : une baisse des taux de
croissance du produit intérieur brut et une hausse du taux
officiel du chômage. Le surplus du compte courant en 2008
s’est transformé en déficit en 2009, il y a eu également une
baisse des revenus du Canal de Suez et du tourisme, ainsi
que des transferts des Egyptiens travaillant à l’étranger.
Sans oublier bien sûr la chute des prix des actions en
Bourse. Ces retombées générées par la crise nécessitent une
série de politiques économiques pour éviter une récession.
La
politique monétaire adoptée par l’Egypte pour faire face à
la crise a été essentiellement axée sur la réduction du taux
d’intérêt sur la livre égyptienne. Le taux relativement
élevé de l’inflation a cependant empêché une baisse
importante et effective des taux d’intérêts. Certes, le taux
d’inflation a baissé à environ 10 % en 2009, contre 20 % en
2008, il n’en demeure pas moins qu’il est relativement élevé
si l’on veut aboutir au développement économique en Egypte.
Un
regard sur la moyenne du taux d’intérêt nous démontre qu’il
a chuté à 7 %, ce qui signifie que le taux réel d’intérêt
(le taux d’intérêt annoncé par la BCE) a été négatif
d’environ 3 %. Ce qui est peu propice et ne peut pas être
durable d’autant plus qu’une politique monétaire saine exige
que le taux réel d’intérêt soit positif. Ainsi, il est
évident que la Banque Centrale a appliqué à l’excès la
politique du taux d’intérêt malgré la maigre marge de
manœuvre en raison du taux d’inflation élevé.
L’inflation et la politique fiscale
Le plus
grand bénéficiaire de cette baisse du taux d’intérêt a été
d’ailleurs le budget de l’Etat. Car la baisse du taux
d’intérêt de 1 % entraîne une baisse de 7 milliards de L.E.
de ce que paie le gouvernement en intérêts sur son
endettement intérieur. Cette relation nuit en fait à
l’efficacité de la politique monétaire visant l’inflation.
Car la réussite de cette dernière nécessite que la politique
fiscale ne prenne pas le dessus sur la politique monétaire.
Or, en cas d’un grand déficit budgétaire avec une énorme
dette intérieure, ce qui est le cas en Egypte, le risque que
la politique fiscale gagne du terrain face à la politique
monétaire devient un fait accompli. C’est pourquoi il faut
bien réviser la baisse du taux d’intérêt, notamment que les
taux d’inflation sont voués à la hausse, en raison de la
hausse des prix des produits alimentaires (qui constituent
50 % de la palette des articles en fonction desquels est
calculé le taux d’inflation). Les prémices se sont
effectivement fait ressentir dans la hausse des prix du
sucre, et du baril du pétrole qui a grimpé de 36 à 70
dollars.
Un taux
à réviser
Pour
toutes ces raisons, la BCE aurait dû avoir recours aux
autres outils monétaires dans ses tentatives de stimuler
l’économie. Le taux des réserves obligatoires, que les
banques doivent déposer auprès de la Banque Centrale, est
actuellement de 14 %. Il est vrai que ce taux a été réduit
pour les banques qui octroient des crédits aux petits et
moyens projets, au même rapport du montant de ces crédits.
Cependant, ce taux demeure en gros élevé. Alors qu’il fut
quasiment réduit à zéro ou presque dans plusieurs pays. La
Banque Centrale aurait dû réduire ce taux à moins de 5 %
afin de permettre aux banques commerciales d’augmenter les
crédits et les facilités de financement nécessaires au
lancement du mouvement commercial et financier.
Les
opérations du marché libre font également partie des outils
alternatifs afin de faire face au marasme. Et ce, par le
rachat des titres financiers excellents, afin de mettre un
terme à la détérioration de leurs valeurs qui a eu lieu au
début de la crise. Cette mesure aurait réalisé de grands
acquis lorsque les prix de ces titres financiers ont repris
la hausse après février 2009. Il semble que la BCE n’a eu
que très peu recours aux opérations de marché libre le long
de l’année dernière.
D’autre
part, le large déficit dans le compte courant de la balance
des paiements nécessitait que la BCE entreprenne des mesures
spéciales, surtout que le déficit de la balance commerciale
(les importations dépassent les exportations) a atteint
environ 25,1 milliards de dollars. L’une de ces mesures, qui
aurait remédié à ce déficit, était la baisse du taux de
change de la livre égyptienne face au dollar. Mais c’est le
contraire qui a eu lieu.
Le taux
de change de la Livre s’est en fait élevé dans les derniers
mois, passant de 5,65 L.E. à 5,46 L.E. le dollar. Et ce,
bien que la logique économique affirme que la baisse du taux
de change de la Livre mène à booster les exportations et
freiner les importations. Et donc dans ce contexte, il est
indispensable de réviser la politique du taux de change de
la livre égyptienne et entreprendre les changements requis
pour mieux gérer l’économie du pays.
Les
objectifs de n’importe quelle politique économique sont
essentiellement : la croissance, l’équité, la stabilité du
taux de change, la création d’emplois et l’équilibre dans la
balance des payements. L’objectif essentiel de la politique
monétaire selon la loi de la Banque Centrale est de
maintenir la stabilité des prix. Les autorités financières
ont déclaré en 2005 que la politique monétaire vise à lutter
contre l’inflation. A l’ombre de la crise actuelle, il faut
oublier cet objectif afin de réaliser des objectifs plus
utiles et prioritaires, à savoir la croissance, l’activation
de l’économie et la réduction du taux de chômage.
Partant
de cette logique, je propose que la BCE présente des
incitations afin d’accroître l’activité des petites et
moyennes entreprises, comme des crédits à des intérêts
réduits. Ainsi que le soutien des exportations, qui est en
conformité avec la valeur ajoutée à l’économie nationale et
la création de nouveaux emplois qui réduirait le taux de
chômage, actuellement estimé à près de 10 %, soit 2,4
millions d’individus.
Enfin,
d’aucuns douteraient de l’efficacité des politiques
monétaires face à une crise financière. Mais ce doute n’a
pas lieu d’être, car à la lumière du marché libre et
l’orientation vers le secteur privé, la politique monétaire
joue un rôle efficace dans la gestion de l’économie
nationale. Il faut cependant que cette politique soit
adéquate à la situation prédominante et à l’objectif prôné.
L’harmonisation des politiques financières, commerciales et
immobilières avec la politique monétaire est indispensable
afin de réaliser les objectifs de la politique économique.
Pour
finir, l’économie égyptienne est en crise et est menacée des
retombées d’une éventuelle hausse du taux de l’inflation
(lire page 4). Bien que l’économie mondiale soit en train de
sortir de son marasme, il n’en demeure pas moins qu’elle n’a
pas encore totalement guérie. L’administration économique en
Egypte doit donc continuer à recenser les changements
économiques et l’efficacité des mesures entreprises. Ne
serait-ce pour réaliser des taux de croissance élevés et
soutenus ?
Sultran Abou-Ali
Ancien ministre égyptien de l’Economie.