Perspectives 2010.
Les Frères musulmans, un des principaux acteurs sur la scène
politique, font face à des différends internes. Le maintien
éventuel de leur cohésion ne sera confirmé qu’en 2010.
Ciel
couvert côté Frères
Fondée
en 1928, interdite par le gouvernement depuis 1954, la
Confrérie des Frères musulmans, qui représente à la fois le
plus puissant et le mieux organisé des mouvements
d’opposition d’Egypte, est plus que jamais divisée. C’est
suite à l’annonce du retrait de la scène politique de leur
guide suprême, Mohamad Mehdi Akef, que le déchirement
interne de la confrérie a surgi sur scène. Akef ne veut plus
se présenter comme candidat au poste du guide. Sa succession
a soudainement révélé au grand jour la division entre «
conservateurs » et « réformateurs ». Ils ne promettent donc
pas monts et merveilles pour l’an 2010.
La
confrérie a élu, lundi 21 décembre, les 16 membres de son
bureau d’orientation. Les conservateurs, qui prônent un
repli de l’organisation sur les aspects religieux
fondamentaux, attribuent à ce conservatisme leur succès et
le retour à la religion y occupe désormais une position
dominante. Quant aux réformateurs, suite à ces déconvenues,
ils ont déclaré leurs mécontentement face aux résultats,
élargissant ainsi de plus en plus le déchirement entre les
rangs de ses membres.
Comme
l’expliquent les spécialistes, les Frères musulmans ont été
dernièrement affaiblis par leurs divisions internes, ce qui
affectera leur participation dans la vie politique. Ainsi,
en raison de leurs désaccords, ils pourraient accuser un net
recul aux prochaines législatives. C’est d’ailleurs ce qu’a
affirmé Amr Al-Choubaki, analyste au Centre des Etudes
Politiques et Stratégique (CEPS) d’Al-Ahram, qui assure que
« les actuels désaccords au sein du mouvement des Frères
musulmans sont très sérieux » et d’ajouter que « la plupart
des membres du groupe sont des conservateurs ayant peu
d’expérience politique en dehors de celle de leurs pairs et
qui s’appuient sur des documents religieux pour dicter la
ligne politique. Les autres, dont Mohamad Habib et
Abdel-Moneim Aboul-Foutouh, ont appelé à plus de
participation dans la vie politique, ce qui a notamment
contribué à leur mise à l’écart », explique l’analyste.
Cela dit,
ce groupe est surtout divisé entre les partisans d’un
mouvement plus actif dans la vie politique et ceux qui
préfèrent le statu quo. Donc, sur le plan de la
participation politique en 2010, la situation ne s’annonce
guère meilleure. « La confrérie demeurera en tant que
mouvement réformateur et rien de plus. Mais en tant que
mouvement politique, son rôle a complètement pris fin »,
explique Al-Chobaki.
Il ne
faut peut-être donc pas s’attendre à ce que le guide soit un
réformiste. Et c’est sans aucun doute ce que veut le
gouvernement qui préfère avoir face à lui une organisation
conservatrice et si possible repliée sur elle-même, plutôt
qu’une confrérie réformiste et dynamique. Il a donc obtenu,
grâce à la répression, exactement ce qu’il voulait. C’est
d’ailleurs ce qu’a fait remarquer Joshua Stacher,
politologue américain de la Kent State University (Ohio),
pour lequel « l’Etat égyptien a en quelque sorte dicté le
genre de confrérie que nous voyons aujourd’hui ». Ces
divisions risquent d’affaiblir ce groupe pour les prochaines
élections législatives, prévues en novembre 2010. Les Frères
musulmans avaient fait une percée historique aux
législatives de 2005, remportant un cinquième des sièges au
Parlement avec des députés « indépendants ». Depuis, les
autorités mènent régulièrement des opérations contre la
confrérie, visant notamment ses dirigeants et en priorité
les réformateurs. Ainsi, deux des principaux cadres de cette
tendance, Abdel-Moneim Aboul-Foutouh et Khaïrat Al-Chater,
ont récemment été jugés pour « blanchiment de fonds » et «
appartenance à une organisation internationale » et
condamnés à sept ans de prison. Une manière habile de les
mettre hors jeu, cela d’autant plus qu’Al-Chater, un
important industriel, semblait, avant son arrestation, le
mieux placé pour accéder au poste suprême de la confrérie.
Perte de
crédibilité
Ce qui
est sûr donc, c’est que la confrérie accueille sa nouvelle
année avec beaucoup de faiblesse. Puisque même sur le plan
politique, elle a perdu une grande partie de sa crédibilité
au yeux de son public. En plein déchirement, certains
conservateurs, et à leur tête le guide Mehdi Akef, nient la
moindre présence de crise interne dans le mouvement. « Ceux
qui prétendent qu’il existe deux courants antagonistes au
sein de la confrérie ne connaissent rien, ni de la structure
ni de l’histoire des Frères musulmans », a-t-il annoncé.
Ce n’est
pas tout. Mais aussi ces divisions vont probablement
affaiblir le poids politique des Frères musulmans et réduire
leur participation aux élections parlementaires de 2010.
Chaïmaa Abdel-Hamid