La
rébellion houthie
Les
rebelles chiites du nord du Yémen pourraient être tentés
de marcher sur les traces du Libanais. C’est ce qui
ressort des derniers épisodes de l’insurrection de ces
combattants zaïdites, en lutte depuis 2004 contre le
pouvoir central. S’interrogeant sur les objectifs réels
de la rébellion, des analystes yéménites évoquent la
perspective d’une formation politique flanquée d’une
aile militaire avec un noyau d’administration locale.
Sur le terrain, les rebelles dégradent en effet tous les
symboles de l’Etat et tentent en même temps de créer le
noyau d’une administration locale avec des juges, une
collecte de l’impôt et la protection des civils zaïdites.
Du
point de vue historique, le réveil des chiites au Yémen
ressemble à celui des chiites du Liban, même si les
Houthis ne sont pas une création de l’Iran, comme ce fut
le cas avec le Hezbollah. Le zaïdisme, branche du
chiisme, a commencé à se politiser lorsque le premier
chef de la rébellion, Hussein Al-Houthi, a lancé une
réinterprétation des textes religieux de sa communauté
pour leur donner un contenu revendicatif. Ses petits
fascicules, largement diffusés, ont dessiné un projet
politique articulé autour de la défense de l’identité
zaïdite et de l’hostilité à l’Occident. Allié du pouvoir
pendant la période d’ouverture démocratique des années
1990, Al-Houthi a commencé à déranger par son activisme
croissant, et c’est une opération pour arrêter cet
ancien député qui a déclenché la rébellion en 2004. Cet
activisme, le fait d’un groupe appelé « les jeunes
croyants », une aile dure créée par Al-Houthi au sein du
parti zaïdite modéré Al-Haq, s’est manifesté par un
accueil houleux réservé au président Ali Abdallah Saleh
lors d’une visite dans le nord en 2003. Il a culminé
avec une manifestation monstre et violente dirigée
contre l’ambassade américaine à Sanaa en protestation
contre l’invasion de l’Iraq la même année.
La
rébellion yéménite est différente du Hezbollah libanais
à bien des égards. D’abord idéologiquement, les Houthis
ne vénèrent que cinq imams, alors que les chiites
libanais en vénèrent douze. La géostratégie ensuite
n’est pas la même : les Houthis peuvent difficilement
justifier leur combat par la résistance à Israël, comme
le fait le Hezbollah. Enfin, plusieurs surestiment la
force des Houthis là où il faut plutôt parler de la
faiblesse de l’Etat, dont les projets de développement
ont été freinés par les rivalités entre tribus
puissantes, faisant le lit de la rébellion. Dans ce
cadre, il se peut que les Houthis cherchent à contrôler
une partie du territoire pour pouvoir négocier une
portion du pouvoir. Le pays chiite yéménite, négligé et
où l’Etat est peu présent, ressemble en ce sens à la
zone chiite libanaise, mais personne ne peut prétendre
que les Houthis ont les capacités du Hezbollah ou son
organisation.