Al-Ahram Hebdo, Enquête | Une campagne fictive
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 18 au 24 novembre 2009, numéro 793

 

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Enquête

Pollution. Le quartier de l’Est de Madinet Nasr a lancé tambour battant une campagne d’assainissement pour préserver l’environnement. Mais la réalité sur le terrain n’a pas changé. Reportage.

Une campagne fictive

Il est 10h. Tout est naturel dans le bâtiment de la municipalité du quartier Est de Madinet Nasr qui vient d’annoncer le lancement d’une campagne d’assainissement qui durera deux semaines dans le but d’enlever les montagnes d’ordures et de poussières dans le quartier et apporter la propreté dans les rues. La campagne est organisée par la branche de l’Est de Madinet Nasr dépendant de l’Organisme général de la propreté et de l’embellissement du Caire.

En se dirigeant vers ce bureau, dans la rue Mohamad Youssef Moussa, une dizaine de balayeurs avec leurs balais et leurs sacs s’affairant à nettoyer.

L’état lamentable dans lequel étaient ces balayeurs laisse douter de leur capacité de venir à bout de cette tâche. Leurs uniformes étaient sales, ils ne portaient pas de gants et ils n’avaient pas de masques pour se protéger de la poussière grise de la rue.

La rue Mohamad Youssef Moussa est l’une des plus grandes artères de l’Est de Madinet Nasr. Sa longueur dépasse les 600 mètres et sa largeur est d’à peu près 50 mètres.

Des tas de poussière grise étaient accumulés partout, et le passage des véhicules les dispersait et laissait monter un nuage de fumée noire dans la rue.

« Je dois passer l’aspirateur deux fois par jour, car j’habite le premier étage et j’ai un enfant asthmatique ! », se plaint Mme Mona, une habitante de la rue.

En effet, les balayeurs n’étaient pas au courant et ne savaient rien à propos de la campagne de propreté lancée récemment dans ce quartier.

« Nous faisons partie du département du sauvetage central de l’Organisme général de la propreté et de l’embellissement du Caire. Nous sommes envoyés chaque jour dans un endroit différent : est, ouest, nord ou sud », avance Ahmad, un des éboueurs.

Ce groupe de balayeurs devrait travailler de 8h à 14h. « La plupart d’entre nous habite à l’extérieur du Caire, dans des gouvernorats comme Ménoufiya, Fayoum et Qalioubiya. On se réveille tôt et on rentre tard et nos salaires sont dérisoires », souligne un des balayeurs, qui affirme qu’il salirait la rue plutôt que de nettoyer, pour se venger de cette société qui le sous-estime.

Un autre enchaîne : « Ces rues très sales devraient être nettoyées par les balayeurs des compagnies étrangères. Ces derniers touchent 4 fois plus que nous et ce sont nous qui faisons le vrai travail à leur place. En plus, nous ne sommes jamais motivés ».

Un troisième souligne qu’au temps des zabbaline, au moins les rues des quartiers riches étaient propres ! « Ils disent que sous l’influence des compagnies étrangères, les ânes du chiffonnier traditionnel ont presque disparu des rues ! Maintenant, c’est nous qui poursuivons la tâche des ânes ! », se moque-t-il.

A propos des tas de poussières grises accumulés partout dans la rue et qui polluent l’air, les balayeurs ont expliqué qu’il n’est pas dans leurs moyens de les collecter. « Ces tas de poussières sont lourds, seul le tracteur est capable de les enlever », explique un des balayeurs.

Les responsables gardent le sang-froid

Dans les locaux de la branche de l’Est de Madinet Nasr, située dans la rue Moustapha Al-Nahass, le bureau du responsable était ouvert. Avant de parler, il nous montre un courrier reçu. L’ordre était clair et net : il lui est interdit de faire des déclarations aux médias.

Pourtant, il essaie de se défendre en disant qu’il est très difficile de sentir la propreté dans ce quartier de l’Est de Madinet Nasr pour trois raisons. Premièrement, il est situé près de la colline de Moqattam, ce qui fait que les poussières de cette colline tombent quotidiennement sur ce quartier. Deuxièmement, les décharges publiques sont à quelques encablures de ce quartier, ce qui fait que le vent le plus léger pourrait soulever la poussière et les ordures de nouveau vers le quartier. Troisièmement, la surface du quartier est de 88 km2, les rues sont longues et larges et le personnel insuffisant.

Pendant notre présence dans le bureau, un homme d’une quarantaine d’années se présente. « S’il vous plaît, je viens me plaindre, j’habite rue Al-Takka et les bennes ne sont pas suffisantes. Alors les habitants se débarrassent de leurs ordures sur le trottoir. Dites-moi : à qui je dois m’adresser ? », se demande le citoyen.

On lui indique un bureau dans lequel on collecte les détails, afin d’intervenir pour régler le problème.

« Notre grand problème c’est la disparition des bennes ! Nous avons fourni 3 600 bennes aux quatre coins du quartier, mais elles sont ou bien volées ou bien confisquées par les concierges des immeubles environnants. Ces derniers les cachent chez eux pour s’en servir personnellement. Ils font le travail du chiffonnier pour les habitants de leur immeuble », explique un responsable dans le bureau de dépôt des plaintes, préférant garder l’anonymat.

Un autre responsable prend la parole. « Le vrai problème, c’est le comportement des gens. En passant devant une benne, j’ai vu un homme jeter un sac d’ordures juste à côté de la benne vide et en lui demandant pourquoi il a agi de la sorte, il a tout simplement lancé : je suis désolé », raconte-t-il.

En fait, dans le bureau de l’Organisme de propreté, la compagnie espagnole FCC est montrée du doigt. « Il n’est pas logique d’avoir 130 balayeurs pour nettoyer 20 rues principales et 880 rues adjacentes ! ».

En sortant du bureau, vers 12h45, le chauffeur qui accompagnait le groupe de balayeurs dans la rue Mohamad Youssef Moussa était déjà là, annonçant qu’ils ont terminé leur travail dans cette rue, alors qu’ils devaient terminer à 14h. Le résultat est connu d’avance : ce groupe de balayeurs était dans cette rue pour faire preuve de l’existence de la campagne lancée en grande pompe dans la presse.

Une question reste sans réponse : jusqu’à quand les responsables continueraient-ils à donner des pièces de théâtre devant la presse ? Malheureusement, lorsque le rideau tombe tout d’un coup, la réalité reste la même. La propreté est absente et l’environnement est loin d’être sain.

Dalia Abdel-Salam

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