Egypte-Algérie,
le hooliganisme
médiatique
Ahmad
Bensaada
Nous
parlons
d’éliminatoires pour la qualification
à la phase finale de la Coupe
du monde de
football, et le vainqueur
entre ces
deux pays sera
l’heureux
élu. En cas
d’égalité
entre les deux
égyptienne et
algérienne
dans les matchs «
aller » et «
retour », un match de
partage aura lieu
dans un pays
neutre. Le plus
remarquable
est
probablement la tempête
médiatique
féroce qui entoure
cet
événement sportif.
Jamais, de
mémoire d’Algérien,
un
bouillonnement médiatique
aussi
ordurier n’a
accompagné
une quelconque
compétition sportive.
Un florilège
d’insultes,
d’accusations et de méchancetés
gratuites.
Du fiel
et du
venin
distillés dans
l’encre, les
ondes et les pixels.
L’escalade
verbale et
le jeu avec les sentiments des
auditeurs par
certains
présentateurs égyptiens
sont d’une
efficacité
redoutable dans la
dissémination de
l’intolérance
envers tous
les Algériens. La
déformation de
l’Histoire
et son utilisation
à des fins
belliqueuses et malveillantes
n’honorent en
rien ces
apôtres de
l’aversion qui construisent
leur
notoriété sur les
cendres des
feux qu’ils
ont allumés.
De
l’autre
côté, le comportement
médiatique
algérien n’est pas en
reste
: formulations cinglantes,
réponses
irréfléchies et montées
au créneau hostiles.
Dans un
journal, c’était un
joueur
algérien affublé d’un
costume de gladiateur qui
trônait
triomphalement en première page.
Il est
vrai que
les spectacles des combats de
gladiateurs déchaînaient
la violence des spectateurs de
la Rome antique. Mais
sommes-nous encore en
antiquité sans le
savoir ?
Sur
le plan informatique, les
hostilités
ne se sont pas fait
attendre.
Des hackers
égyptiens se sont
pris aux sites d’un journal et
de la télévision
algérienne. En guise de
représailles, les hackers
algériens
ont attaqué des sites
égyptiens
: la présidence, le
ministère de la
Défense et le plus grand journal
égyptien.
Pourtant,
les peuples
algérien et
égyptien se
sont toujours
estimés et
admirés, surtout en
matière de sport. Le
peuple
algérien a été
un des premiers supporters de
l’Egypte
lors des deux
dernières
éditions de Coupe d’Afrique
des nations. Les Abou-Treika,
Zidan et
Amr Zaki
étaient
autant égyptiens
qu’algériens. Des
scènes de
liesse accompagnaient
chacune de
leur victoire
et les cœurs
des Fennecs vibraient pour les
Pharaons.
En
ce
qui me concerne,
chacun de
mes voyages au pays de Naguib
Mahfouz me
réconcilie avec le genre humain.
Je
suis
toujours agréablement
surpris par la
fraternité, la
générosité et la
chaleur de
l’accueil du
peuple
égyptien. Du fort de
Qaïtbay à
Alexandrie, au Khan Al-Khalili
du Vieux
Caire, en passant par
Deir Al-Bahari
à Louqsor
ou dans
les rues grouillantes de
Naama Bay à
Charm Al-Cheikh, les
portes
m’ont toujours
été grandes
ouvertes et
mon pays admiré : «
Balad el-milioune
chahid » (le pays
du million de martyrs).
Mais où
se cache donc la
haine dont
parlent ces
médias
?
Quand
on pense
que la Turquie et
l’Arménie
cherchent à
enterrer la
hache de guerre et à
oublier un
génocide autour d’un
match de football, on doit
sérieusement se poser des
questions sur
ceux qui
veulent la déterrer
entre
l’Algérie et l’Egypte !
Après le
tirage au sort des
matchs de barrage de la zone
Europe, voilà
ce que
titrait, il
y a quelques
jours, un journal
irlandais à
propos de la prochaine
rencontre France-Irlande
: « Ce duel
représente un challenge
énorme. (...)
N’importe
quelle
équipe qui réunit des
joueurs
comme Thierry Henry, Franck
Ribéry ou
Karim
Benzema peut poser
toutes
sortes de problèmes ».
Le président de la
Fédération
irlandaise de football s’est,
quant à lui,
prononcé
sur les supporters : «
Pour nos supporters,
c’est très
excitant de pouvoir
revenir à
Paris, au Stade de France.
Ils
viendront
nombreux.
Ils
sont très
bruyants
mais très
bien élevés
». Quelle
différence avec les propos
incendiaires de
nos médias
arabes qui
sont aussi
très
bruyants, mais
malheureusement
très mal
élevés
!
Contrairement
au hooliganisme des supporters,
celui des
médias est
sournois,
insidieux, perfide et
beaucoup plus dangereux.
Alors que
le hooliganisme des
supporters
brise des équipements,
celui des
médias casse les
esprits. Le
hooliganisme médiatique
falsifie
l’Histoire, transforme
des ouï-dire en
vérité
absolue, crée de la
haine qui
dépasse le cadre du sport
et la
perpétue bien au-delà
des événements
sportifs. Pour tout
cela,
il
est impératif de le
combattre avec
autant de
vigueur que
tous les
autres maux
dont
souffre le football.
Quant
à nous,
amoureux du
ballon rond,
nous
suivrons les pas de Madjer
et d’Abou-Treika
: même
si nous
aimons nos
pays par-dessus tout,
nous
supporterons l’équipe qui
aura mérité de se qualifier
à la Coupe
du monde.