Le
ministre iraqien de l’Intérieur,
Jawad Kazem Al-Boulani,
a assisté du 10 au 14 octobre à Charm Al-Cheikh à la 6e
Réunion des pays voisins de l’Iraq (voir la page 8). Il
s’exprime sur les problèmes de sécurité avec la Syrie,
l’Iran et la Turquie ainsi que sur la coopération avec
l’Egypte.
« Les
frontières avec nos voisins
menacent la sécurité de l’Iraq »
Al-Ahram
Hebdo : C’est la 6e Réunion des ministres de l’Intérieur des
pays voisins de l’Iraq à laquelle assiste le gouvernement de
Bagdad. Quel bilan faites-vous de ces réunions concernant la
sécurité de l’Iraq ?
Jawad
Al-Boulani :
Ce genre
de réunion nous aide à créer un canal de discussion avec
tous les pays voisins. A travers les rencontres avec les
ministres de l’Intérieur, on arrive à activer les mécanismes
sécuritaires dont le niveau d’application n’est pas
suffisamment actif ou efficace. Elles nous aident aussi à
régler les divergences entre les différents pays, surtout en
ce qui concerne la sécurité. Mais il faut dire que les
efforts sécuritaires ont toujours besoin de décisions
politiques au niveau des régimes de chaque pays,
c’est-à-dire que le pays qui veut aider l’Iraq dans le
domaine de la sécurité doit avoir au début la même volonté
au niveau de son régime. Et si on arrive à réunir la
décision sécuritaire et la décision politique, on pourra
lutter efficacement contre n’importe quel danger et on
pourra développer les mécanismes exécutifs de notre action.
— Le
gouvernement iraqien accuse la Syrie de laisser passer des
terroristes et des armes à travers les frontières communes.
Avez-vous des preuves pour étayer cette accusation ?
— Ce
genre de problème nous l’affrontons depuis 2003. Après
l’effondrement de l’ancien régime, les terroristes
s’infiltraient à travers les frontières des 6 pays voisins.
Mais la majorité venait de la Syrie, où des groupes et des
personnes offrent des facilités et du soutien à ces
terroristes. Nous avons toujours demandé l’extradition de
ces personnes. Actuellement, la situation s’est beaucoup
améliorée, surtout après les grands efforts effectués par
les forces iraqiennes afin de sécuriser les frontières et
les efforts de la Syrie qui a établi des points de contrôle
et a fermé plusieurs tunnels de contrebande. Nous continuons
la coordination avec Damas. Mais il faut dire que le dossier
des frontières avec tous les pays voisins reste ouvert. Il
touche non seulement la sécurité de l’Iraq, mais aussi celle
de tous les pays voisins.
— Mais
l’Iraq a accusé la Syrie clairement d’avoir accueilli, sur
son territoire, les auteurs de l’attentat meurtrier qui a eu
lieu récemment devant les ministères des Affaires étrangères
et des Finances dans la zone verte ultra-sécurisée,
provoquant des dizaines de morts et de blessés ...
— L’Iraq
n’a pas adressé d’accusation directe au régime syrien, mais
il y avait des preuves et des témoins qui indiquaient que
les auteurs de cette explosion résidaient en Syrie. Nous
n’avons pas accusé l’Etat syrien, mais les personnes qui
utilisent le territoire syrien et nous avons des preuves qui
affirment ce que nous avançons.
—
Pourquoi les autorités iraqiennes ne redoublent-elles pas
d’efforts pour sécuriser les frontières au lieu d’imputer la
responsabilité aux pays voisins ?
— C’est
ce qu’on a déjà fait, mais une question comme le terrorisme
ne se résume pas en une question de frontières. Pour y faire
face, il faut conjuguer les efforts politiques et
sécuritaires.
— L’Iraq
fait également l’objet de problèmes sécuritaires provenant
de l’Iran voisin. Cependant, Bagdad utilise un langage plus
conciliant vis-à-vis de Téhéran. Pourquoi ?
— Ce
n’est pas vrai. Notre comportement est le même avec les deux
pays. Par exemple, lors des explosions de Bassorah, nous
avons accusé et dénoncé l’Iran, car il avait joué un rôle
dans le financement et le soutien des milices et dans
l’infiltration des armes. Mais les circonstances de 2005 et
2006 sont différentes de la situation actuelle. Celle-ci
s’est améliorée et nos organismes sont plus performants
qu’avant, car nous sommes capables de faire face aux
infiltrations à travers les frontières. Mais je répète que
nous avons toujours besoin de l’aide des pays voisins.
— Les
problèmes de l’Iraq avec son voisin iranien ne concernent
pas seulement les frontières, mais également le fait que la
République islamique s’immisce dans les affaires intérieures
de l’Iraq. Qu’en pensez-vous ?
— Moi je
ne parle que du niveau sécuritaire. Il faut toutefois
admettre que les pays qui veulent vraiment aider l’Iraq ne
doivent pas s’ingérer dans ses affaires intérieures. Il
existe une ingérence politique et sécuritaire iranienne dans
les affaires de l’Iraq, mais on souhaite que personne ne se
mêle de nos affaires ni soutienne une partie contre une
autre.
— L’Iraq
souffre d’empiétements réguliers de la Turquie sur sa
souveraineté à travers ses incursions militaires dans le
nord du pays contre les militants du Parti des travailleurs
du Kurdistan (PKK). Que faites-vous pour mettre un terme à
ces violations ?
— C’est
vrai que la Turquie intervient militairement dans le
Kurdistan iraqien. Nous œuvrons à remédier à cette situation
et travaillons pour prévenir ses agissements après la
conclusion d’un accord stratégique avec la Turquie. Je pense
que l’amélioration des relations entre l’Iraq et ses voisins
doit être basée sur le respect de l’Etat et des frontières
de l’Iraq.
— Vous
parlez des problèmes sécuritaires de l’Iraq avec ses voisins
d’une façon très diplomatique ...
—
Peut-être, mais je dis la vérité et je ne l’embellis pas,
même si je parle seulement des relations sécuritaires et pas
politiques avec nos voisins. Aussi, j’ai appris après une
longue expérience que les déclarations incendiaires ne
mènent qu’à nuire aux relations de l’Iraq avec ses voisins.
—
Comment expliquez-vous la participation de l’Egypte aux
conférences de l’Iraq avec ses voisins alors qu’elle ne fait
pas partie géographiquement des pays limitrophes ?
—
L’Egypte est toujours présente dans les réunions qui
concernent l’Iraq pour lui apporter le soutien nécessaire,
non pas dans le domaine de la sécurité seulement, mais aussi
dans les différents domaines de la vie. Cette participation
reflète la volonté des services de sécurité, voire du
gouvernement égyptien à développer la coopération
bilatérale. En outre, l’Egypte a un poids aux niveaux arabe
et régional que tous les participants respectent.
— Quel
type de coopération sécuritaire entretient l’Iraq avec
l’Egypte ?
— Il
existe un mémorandum d’entente et un protocole entre les
deux pays, et l’Egypte continue à former des forces de
sécurité iraqiennes.
— Les
auteurs des actes de violence en Iraq soutiennent que leurs
actions se justifient par la présence des troupes
américaines dans le pays. Qu’en dites-vous ?
— C’est
un mensonge utilisé par les terroristes qui essaient
d’empêcher les efforts de reconstruction de l’Etat et de
retarder le développement de ses institutions. Ce mensonge
n’a plus de raison d’être. L’Iraq a réussi à signer un
accord équilibré avec les forces américaines et à transférer
le dossier de la sécurité aux mains des forces iraqiennes.
Malgré cela, ces terroristes ne cessent de répandre des
mensonges. Et c’est toujours l’Iraqien innocent qui paye le
prix.
— L’Iraq
prépare actuellement les élections législatives qui auront
lieu en janvier prochain. Etes-vous confiant dans la bonne
organisation de cette consultation cruciale pour l’avenir
politique du pays ?
— On a
déjà prouvé notre réussite durant les élections municipales.
L’Iraq est aussi prêt pour les élections législatives, car
la situation dans le pays va de mieux en mieux.
Propos recueillis par Chérine Abdel-Azim