Fouilles .
Aussi bien que la Méditerranée, le Nil cache de nombreuses
pièces submergées datant du temps des pharaons. Le CSA a pu
dégager un certain nombre au large d’Assouan, dont une
colonne de 27 mètres de longueur.
Trésors sous les flots
L’équipe
de plongeurs sous-marins du Conseil Suprême des Antiquités
(CSA) a entamé pour la première fois des travaux de fouilles
sous les eaux du Nil à la recherche et au sauvetage des
pièces coulées depuis le temps des pharaons. Le Nil, ce
fleuve sacré représenté par le dieu Hapy, était au centre de
la vie des Egyptiens d’où la possibilité, voire la certitude
qu’il recèle des trésors. Ces travaux, qui ont été annoncés
au début de l’année dernière, avaient fait un grand écho au
sein des archéologues, affirmant la présence d’un trésor
archéologique englouti sous les eaux du Nil. « Il est vrai
que les Egyptiens de l’Antiquité étaient très habiles dans
le taillage des pierres et ils étaient aussi habiles dans le
transport, mais des naufrages et des échecs auraient pu se
produire. On attend donc la mise au jour d’un nombre
estimable d’objets et d’antiquités de grande valeur. Au fil
du temps, beaucoup d’objets et de bateaux ont été engloutis
dans les eaux du Nil. Quelques objets ont été sauvés, mais
pour d’autres, il semble que la tâche était difficile »,
estime Alaa Mahrous, directeur de l’administration des
antiquités sous-marines à Alexandrie.
Les fouilles ont commencé au début de l’année 2008, après de
longues études pour pouvoir sélectionner les meilleurs sites
de travaux. La mission a alors décidé de commencer les
fouilles par Assouan. De toute façon, la première saison de
fouilles a servi de test. Les vraies recherches ont commencé
à 40 mètres de profondeur, sous le Nil, dans la zone située
entre le temple de Khnoum à l’île Eléphantine, au nord
d’Assouan et le Old Cataract Hotel. « L’équipe du CSA a
choisi Assouan comme point de départ puisque cette ville
était le principal pourvoyeur des pierres résistantes
destinées à la construction des monuments pharaoniques. Elle
renferme les quatre plus grandes et plus importantes
carrières de granit de l’Egypte. C’est ainsi qu’à partir
d’Assouan qu’avait lieu le transport des pierres depuis les
carrières à destination des sites des temples et des
pyramides ... », ajoute Mahrous.
La moisson mise au jour jusqu’à présent paraît
impressionnante : des reliefs taillés sur pierre concernant
le temple de Khnoum de l’île Eléphantine (devant lequel les
fouilles sont effectuées), des inscriptions colorées
remontant à la XXIVe dynastie (664–525 av. J.-C.), des
amphores, les vestiges de l’époque copte, des poteries,
ainsi que d’autres inscriptions pharaoniques, gréco-romaine
et copte. L’équipe du CSA a découvert également deux
colonnes en granit : le premier long de 27 mètres tandis que
l’autre est de 7 mètres. « La plupart des pièces découvertes
ont été sauvées. Les colonnes, quant à elles, on étudie ces
jours-ci la façon par laquelle elles seront dégagées. Les
objets récupérés des eaux du Nil sont actuellement en cours
de restauration dans les entrepôts des antiquités de la
ville d’Assouan », indique Alaa Mahrous.
Zahi Hawas, secrétaire général du CSA, affirme que les
pièces mises au jour ne sont qu’une partie minime d’un
trésor englouti dans les eaux du Nil. On prévoit ainsi la
découverte de plusieurs obélisques, grandes statues, sphinx,
pièces de monnaie, objets en poterie, pots et même des
bijoux, ainsi que les vestiges de quelques bateaux de
commerce ou de transport. « Le fond du Nil renferme, en
fait, beaucoup de secrets. A mon avis, c’est le seul lieu
archéologique de l’Egypte qui n’a pas encore été fouillé ».
Hawas euphorique
« On prévoit de très importantes découvertes. Des objets
insolites que l’on trouve rarement lors des fouilles
terrestres », ajoute de son côté Hawas. Ce dernier est en
fait très enthousiaste au point qu’il s’est chargé lui-même
de la direction de cette mission archéologique sans
précédent. La mission archéologique qui exécute les fouilles
fluviales est formée en fait d’une équipe de spécialistes en
différents domaines qui sont tous très qualifiés et ont déjà
participé à des travaux de fouilles dans la mer Rouge et la
Méditerranée.
Des appareils très modernes sont utilisés pour sonder le
fond du Nil et détecter les objets naufragés dont un sonar –
accordés par le service des antiquités sous-marines à
Alexandrie. Mais les appareils ne peuvent pas, par exemple,
localiser les pièces enterrées dans le limon. « Les travaux
de fouilles exécutés dans le Nil sont plus coûteux et plus
difficiles que ceux faits dans la mer. Les cataractes et le
courant rendent le travail beaucoup plus compliqués, voire
très dangereux. Ainsi, a-t-il été décidé de ceinturer les
plongeurs et les archéologues à l’aide de cordes pour qu’ils
ne soient pas entraînés par le courant », explique Alaa
Mahrous.
Après Eléphantine, les travaux de fouilles se poursuivront
ensuite dans le site de Gabal Al-Selséla, situé à une
soixantaine de kilomètres au nord d’Assouan. Puis, ce serait
le tour de la ville de Louqsor où les pharaons du Moyen et
du Nouvel Empire ont transféré plusieurs éléments pour les
temples édifiés sur les rives est et ouest du Nil. Ils
commenceront les fouilles d’abord au pied du temple de
Karnak puis à Abydos, au nord de Louqsor. Des archéologues
affirment qu’ils connaissent déjà l’endroit où un bateau
transportant deux petits obélisques datant de la XVIIe
dynastie a fait naufrage. L’histoire de ces obélisques
remonte à l’an 1869, quand le célèbre archéologue français
Auguste Mariette les avait découverts. Vingt ans après, il
voulait les transférer à destination du Caire, mais ils ont
coulé au fond du Nil, à 10 kilomètres au nord de la ville de
Louqsor, non loin d’un village dit Al-Hamoula.
Un relevé exhaustif
Le projet de fouille du fond du Nil vise de même, comme
l’indique Hawas, à faire une carte archéologique du Nil pour
mieux comprendre les relations entre l’histoire du fleuve,
l’infrastructure et les sites des carrières. On peut
s’informer donc des ports fluviaux et des anciennes
occupations donnant sur le Nil. « Le Nil était la seule
grande voie de communication en Egypte Ancienne. Personnes
et marchandises y ont été transportées. Le Nil était aussi
et surtout la seule voie de transport des gigantesques
pierres utilisées dans la construction des pyramides, des
grandes statues, des stèles, des tombes et des obélisques,
surtout celles taillées dans les carrières d’Assouan, au
cours des différentes dynasties. La plupart des grands
monuments pharaoniques étaient donc construits avec des
pierres que l’on extrayait de carrières proches du fleuve,
ce qui rendait possible leur acheminement sur des radeaux et
des chalands », explique l’archéologue Mohamad Al-Biyali.
Amira
Samir