De retour au drame télévisé ce Ramadan avec le feuilleton Asmahane, la
jeune actrice syrienne Soulaf Fawakherji rêve
de s’inscrire dans la lignée des plus imposantes figures de la profession, en
affichant d’autres cordes à son archet.
Porter bien son prénom
Elle
se sent enfin libre et fière de sa prestation dans le feuilleton Asmahane, qui
relate la biographie de la célèbre chanteuse et qui est diffusé durant le mois
sacré sur toutes les chaînes hertziennes et satellites arabes. Pendant quatre
mois, elle était enfermée dans les studios pour les besoins de répétition. «
C’était l’un de mes grands rêves artistiques de jouer dans une œuvre relatant
la vie de la grande diva arabe Asmahane et surtout dans un drame égypto-syrien,
où les conditions de travail étaient scrupuleusement respectées »,
affirme-t-elle sur un ton serein.
Elle a
fréquenté les plateaux de la télévision égyptienne pour la première fois pour
incarner « la chanteuse des princes et des princesses, explique-t-elle. C’est
l’une des grandes divas de la chanson arabe, dont la vie est inconnue de nous
tous, et j’ai l’honneur de participer à cette mission de représenter cette
grande chanteuse après ces longues années ». En effet, cette entrée
prestigieuse dans le drame télévisé, dans cette période privilégiée de l’année,
à travers une œuvre dont le fond et la forme s’articulent à merveille,
l’enchante à plusieurs titres.
Dans
la réalité comme sur l’écran, elle est Soulaf Fawakherji, réputée pour le jeu
de grands rôles romantiques dans les drames syriens. Son charme ravageur et son
naturel follement charismatique sont ses atouts les plus appréciés.
Née à
Latakieh, au nord-ouest de la Syrie, où son père travaillait comme critique de
cinéma, la petite Soulaf a passé son enfance entre cette ville et Damas où elle
faisait ses études scolaires. « Une enfance simple mais inoubliable aux accents
richement culturels et humains », se souvient-elle. Son père, un amoureux de
l’étymologie et des langues, l’a appelée Soulaf, qui veut dire le premier
résidu du jus de raisin, alors que son patronyme Fawakherji est celui d’une
grande famille en Syrie. Ce qui a rendu le nom et le prénom un peu étranges
pour certains.
Mais,
Soulaf porte très bien son prénom. Elle aime toujours aller aux sources des
choses, chercher les origines et les raisons. « Une habitude qui paraît parfois
fatigante, mais qui m’aide à mieux comprendre et savourer la vie ».
Captivante,
Soulaf imprime à son port toutes les lois d’une âme en soif d’absolu, parfois
trahie par la vie.
Il y a
chez elle cet aura, cette manière de s’imposer naturellement dans la peau du
personnage, toujours à la limite, entre rébellion et fragilité.
Dès
son plus jeune âge, elle a donc choisi le moyen d’expression qui allait devenir
son objectif dans son chemin artistique : le cinéma.
Etudiant
l’archéologie à la faculté des lettres, de l’Université de Damas, elle trouve
toujours un lien bien étroit entre ses études et son hobby qui s’est transformé
en carrière : l’interprétation.
« Pour
moi, l’interprétation et l’archéologie ont presque une même mission civile :
avec l’interprétation, on plonge des les différents caractères, et avec
l’archéologie, on étudie les différents monuments et leurs histoires pour le
bien de l’être humain. Donc, les deux nous aident à méditer et à mieux nous
sentir ».
Autres
talents ? Bien sûr. Elle a étudié la peinture et les beaux-arts à l’institut
Adham Ismaïl en Syrie.
Par un
beau jour de 1997, la chance lui a souri lorsque le réalisateur syrien Raymond
Boutros, ami de la famille, a rendu visite aux Fawakherjis qu’il a réussi à
convaincre de laisser Soulaf apparaître dans son film Al-Terhal (l’errance). «
Mes parents n’ont pas pu beaucoup résister, car ils savaient bien mon appétit
pour l’art et mon ancien rêve de devenir actrice. J’ai joué un petit rôle qui
m’a bien présenté pourtant sur la scène artistique syrienne. L’aventure a
commencé ».
Les
parents, acquis à la passion de jouer de leur fille, lui ont toutefois autorisé
à cette pratique uniquement pendant les vacances universitaires.
Son
physique, sa culture aidant, elle joue de petits rôles. Mais, elle devait
attendre quelques années pour rencontrer le succès foudroyant pour son rôle
dans le feuilleton syrien Al-Jabal (la montagne). Dès lors, son rêve était
d’être célèbre, ou pour le moins qu’on puisse dire distinguée et connue par les
passants des rues voisines.
Elle
campe plusieurs rôles dans un grand nombre de drames télévisés syriens des
années 1990, dont Al-Ayam al-motamarreda (les jours rebelles) avec le
réalisateur Haytham Haqqi, Asr al-jonoun (l’ère de la folie) de Marwan Barakat
et Al-Arwah al-mohagra (les esprits émigrants) de Chawqi Al-Majri.
Une
fois la notoriété acquise, elle s’acharne à la défendre. « On me proposait
toujours le même rôle : la jeune belle fille riche et ambitieuse, ce qui me
faisait beaucoup peur d’être cantonnée dans une même étiquette. Néanmoins, je
ne pouvais décliner à l’époque la chance d’être connue par le public », se
souvient-elle.
Toutefois,
elle entame un virage décisif. « Grâce à des changements radicaux de registres,
je cherchais à me faire reconnaître comme une véritable comédienne et à casser
l’image de la jeune femme douce et séduisante », décrète-t-elle.
A
présent, on la voit se tourner vers des rôles plus nuancés. Le salut viendra
entre autres avec le feuilleton Saqf al-alam (plafond du monde) ayant pour but
de répondre à l’insolence de la presse danoise vis-à-vis du prophète Mohamad. Au
cinéma, le succès était aussi au rendez-vous, dans le film Halim de Chérif
Arafa, où elle a joué l’amante du rossignol. C’était avec Halim qu’elle a pu
réaliser son rêve de monter les marches de Cannes. « Je suis reconnaissante au
cinéma égyptien en fait de m’offrir l’opportunité de monter les somptueuses
marches du Festival de Cannes, que ce soit avec le film Halim en 2006 ou cette
année avec La Nuit du baby-doll, avoue la comédienne. Toutes mes expériences
ont défilé devant mes yeux, pendant ce laps de temps, me motivant à aller de
l’avant », proclame-t-elle.
Son
style inimitable et son énergie sont à la mesure de son talent. On a sans cesse
ce sentiment qu’elle laisse quelque chose d’elle-même, qu’elle risque quelque
chose, que ça n’a rien d’un jeu, car ce sont ses propres blessures qui
structurent ses rôles. « Chacun de mes rôles renferme l’un de mes propres
sentiments ou plutôt une partie assez chère de mon âme », dit-elle.
Soulaf,
la femme engagée dans l’art, ne craint pas de parler entre autres de la
difficulté pour un artiste de garder une certaine prestance. Sans paroles
superflues, sans fioritures, la femme simple, bien née et riche d’esprit,
avance qu’elle est « une personne modeste et qu’elle mène une vie normale loin
d’être milliardaire comme le prétendent d’aucuns ».
Dans
une liberté de ton, elle affirme que dans sa vie quotidienne, la famille est
toujours là, tout près. Elle porte un pendentif où est imprimée la photo de son
fils unique. « Il s’appelle Hamza, il a aujourd’hui sept ans, mais je le prends
pour un ami », dit-elle dans un grand sourire. « Parfois, j’annule des voyages
ou je change le programme de mon travail pour la simple raison qu’il me dit
qu’il a besoin de moi ou que je sens qu’il est fatigué ». C’est pourtant ce
jeune Hamza qui maintient la famille soudée. « Comme dans toute famille, les
problèmes conjugaux sont parfois là, mais c’était pour Hamza que tout est
résolu, et c’est là la magie des enfants ».
Heureusement,
sa vie privée est devenue au diapason de sa réussite professionnelle. Epouse du
fameux réalisateur syrien Waël Ramadan, Soulaf souligne qu’ils cherchaient
depuis toujours de former « un couple de deux amoureux et non pas de deux
artistes ». Elle n’a pas de poses, ni de « trucs », elle incarne le rôle et le
vit d’une manière presque spontanée. Il n’y a plus de frontières entre
l’actrice et son personnage, on le sent d’une manière bien claire.
C’est
avec joie qu’elle a accepté de devenir modèle dans le vidéoclip du chanteur
iraqien Kazem Al-Saher, car c’est une façon pour elle d’exprimer son côté
dynamique et son grand amour pour le style du chant d’Al-Saher. « J’avoue être
l’une des fans de Kazem Al-Saher, c’est pourquoi j’ai accepté de paraître comme
modèle dans l’un des vidéoclips de ses chansons. Avec Kazem, je ne me sentais
pas modèle mais participante à son œuvre. Une expérience dont je me réjouis,
mais que je ne répéterai plus ».
Finalement,
Soulaf Fawakherji est aujourd’hui une comédienne entière, avec derrière elle
une filmographie des plus impressionnantes malgré sa jeunesse. Ses nouvelles
œuvres témoignent une fois de plus d’un talent en constante évolution et
révolution et font garder l’éclat d’une comédienne pleine de ressources. Bref,
pleine de vie.
Yasser Moheb
Jalons
27 juillet : Date de naissance à Latakieh, en Syrie.
1997 : Première apparition sur l’écran à travers le film
Al-Terhal (l’errance).
2003 : Prix du Syndicat des artistes syriens.
2006 : Choisie par la presse syrienne comme meilleure actrice de l’année.
2008 : Sortie de son film
La Nuit du baby-doll.