La trousse de premiers secours du
gouvernement
Mohamed Salmawy
Au moment où le gouvernement a commencé à prendre
des mesures rigoureuses stipulant la nécessité que chaque voiture dispose d’une
trousse de premiers secours et a décrété la nouvelle loi du trafic sanctionnant
les automobilistes qui ne la possèdent pas, le récent incendie du Conseil
consultatif est venu prouver que le gouvernement même ne possède pas ce genre
de trousse pour sécuriser ses bâtiments en cas d’accidents. D’autant plus que
certains de ses édifices, dont le Conseil consultatif, sont connus non
seulement pour avoir une grande valeur historique, mais aussi pour être
d’importants bâtiments de souveraineté.
L’intransigeance
gouvernementale sur la nécessité et l’importance de cette trousse de premiers
secours dans chaque automobile se manifeste dans la clause qu’on retrouve dans
la nouvelle loi du trafic, qui stipule de ne pas délivrer le permis aux
automobilistes qui ne la possèdent pas. Puisque cette trousse magique est
inexistante sur le marché, le gouvernement a alors été contraint de donner aux
propriétaires des voitures un délai de trois mois pour l’obtenir.
D’habitude,
certaines voitures fabriquées à l’étranger sortent de l’usine en étant munies
de cette trousse, comme les Mercedes. Cependant, la loi allemande ne
conditionne pas la livraison du permis par la possession de cette trousse.
Chez
nous, la loi est plus sévère à tel point que les propriétaires des voitures
Mercedes n’ont pas pu renouveler leurs permis, même en possédant la trousse de
secours allemande. On leur a dit dans l’Organisme du trafic qu’elle n’était pas
conforme aux critères stipulés par la loi.
Ainsi,
le gouvernement a-t-il prouvé qu’il est plus rigoureux que le gouvernement
allemand. Cependant, cette rigueur n’est appliquée que sur les citoyens
uniquement. Alors que le gouvernement même a le droit de ne pas disposer d’une
trousse de secours ni de prendre de quelconques mesures préventives, ni avec
ses voitures qui errent dans certaines rues sans plaques ou bien dégageant de
leurs tuyaux d’échappement une fumée noire opaque. En tout cas, ces voitures,
ou bien elles transportent les épouses des hauts responsables chez les
coiffeurs, ou bien ramènent leurs enfants des écoles.
La
question ne réside pas dans l’incendie d’un édifice qui serait restauré
immédiatement pour être prêt pour la prochaine session parlementaire, mais dans
le fait qu’il s’agit d’un monument de grande valeur historique qu’on peut
difficilement remplacer.
Nous
sommes devant une cause de négligence gouvernementale inouïe qui pourrait
exposer la vie des citoyens au danger. Imaginons que ce bâtiment qui a pris feu
au centre-ville était la propriété d’un citoyen, comme le ferry Al-Salam, et
non pas celle du gouvernement. Ce dernier n’aurait-il pas remué ciel et terre
et un procès n’aurait-il pas été intenté contre lui pour négligence flagrante
ayant exposé la vie des gens à un danger dans l’une des zones les plus
encombrées de la capitale ? Ce citoyen n’aurait-il pas été considéré comme un
ennemi du peuple et aurait probablement quitté le pays fuyant la rage et la
colère des gens et les poursuites judiciaires qui pourraient mener à
l’incarcération, dans un autre cas que celui du ferry ? Le problème est qu’il
n’y a aucun compte demandé aux responsables, une mesure qui est censée en
général tranquilliser les gens et empêcher la répétition de la catastrophe.
D’ailleurs, d’habitude chez nous ce genre de catastrophe se déroule à
répétition, depuis l’incendie de l’Opéra en 1971 en passant par l’incendie du
Palais Al-Gawhara, ensuite Al-Mossaferkhana pour finir avec celui du Conseil
consultatif. Tous ces bâtiments ont une valeur et une empreinte historiques
incontestables et la perte de chacun d’eux est une catastrophe à tous les
niveaux, depuis la défaillance des systèmes d’urgence jusqu’à une léthargie de
la performance gouvernementale. La question qui s’impose et qui n’est pas
unique en son genre suite à cet incendie est la suivante : quelles sont les
mesures et les précautions prises par le gouvernement après les incendies
antérieurs semblables ? L’Etat a-t-il mis en place des règles strictes pour
éviter la répétition de telles catastrophes, lui qui applique ces règles
strictes aux citoyens ? Le gouvernement a-t-il sécurisé ses bâtiments
historiques importants ? A-t-il demandé des comptes aux responsables des
catastrophes précédentes pour qu’ils soient plus vigilants dans l’avenir ? Rien
de cela n’a eu lieu. Le bâtiment ne comportait pas d’appareil de pré-alerte
contre les incendies, semblable à celui que l’on retrouve dans les hôtels. Si
le bâtiment comportait un tel appareil primitif, il aurait été facile de
détecter le feu dès le départ avant que des heures ne s’écoulent et que le mal
n’ait lieu. Surtout que le bâtiment n’est pas assuré contre les incendies. Et s’il
l’était comme le reste des bâtiments publics de par le monde entier, la
compagnie d’assurance aurait assumé les sommes exorbitantes estimées à des
millions, évitant que le gouvernement ne les assume à partir des fonds publics
à des fins de rénovation. Et s’il y avait des comptes à faire dans les cas
précédents, de tels incendies ne se seraient pas répétés dans les immeubles
historiques de cette manière humiliante.
Ce qui
arrive prouve que le gouvernement se croit au-dessus du peuple et que ce qui
s’applique sur les citoyens ne s’applique pas sur lui. Le gouvernement
n’applique pas sur lui-même les mesures qu’il applique sévèrement sur les
citoyens. Nous espérons que cette fausse immunité du gouvernement aura disparu
avec les pertes et les endommagements résultant de l’incendie du Conseil
consultatif. D’autant plus que le peuple n’accepte plus cette immunité. Le
peuple, quant à lui, est devenu aussi rigoriste, exigeant du gouvernement de
posséder une trousse de premiers secours avant d’obtenir un permis de régir les
affaires des citoyens .