Producteurs de ciment .
Apprivoisés ? Pas encore. Le cartel reste même en très
bonne santé, malgré les multiples mesures gouvernementales
visant à le dompter. Explications.
Le vent toujours en poupe
Grâce
à une croissance extraordinaire de la demande locale, les
mesures prises par le gouvernement pour dompter ce marché
n’ont que peu d’incidences sur les producteurs. La plus
sévère des sanctions remonte au 25 août dernier, quand la
justice a condamné à une amende record neuf des douze
sociétés de ciment (voir encadré). Ce verdict est désormais
le dernier maillon d’une longue chaîne de réactions
gouvernementales que le cartel des douze a réussi à contrer
par des hausses successives des prix, afin de préserver
leurs importantes marges de profits. Et les affaires des
mois à venir s’annoncent tout aussi juteuses.
Une semaine avant le verdict, toutes les entreprises
affichaient des résultats très positifs pour le premier
semestre 2008. Ceci dit, Suez (Italcementi) et Béni-Souef
(Lafarge) ont enregistré une hausse remarquable de leurs
profits avec 661 et 99,2 millions de L.E. respectivement fin
juin 2008, contre 510,5 et 53 un an auparavant. D’autres ont
certes connu une stabilité ou une légère baisse des profits.
Mais en gros, les taux de profitabilité spectaculaire
restent caractéristiques du marché égyptien. Ghada Refqi de
la banque d’investissement CI Capital, note que la
profitabilité des producteurs de ciment en Egypte dépasse
celle des pays arabes comme l’Arabie saoudite et les Emirats
arabes unis. Avec un taux entre 49 et 67 % d’un côté, contre
32 et 43 % de l’autre.
Ces entreprises restent donc hautement performantes grâce à
deux piliers.
Le premier est leur pouvoir de faire répercuter toutes les
hausses des coûts de production sur les consommateurs. Omar
Mehanna, président de Suez Cement l’avoue : « La hausse des
prix du ciment a toujours été une réaction à la hausse des
prix de l’énergie ». Ainsi, entre novembre 2007 et juin
2008, les prix du ciment ont-ils augmenté de 40 %,
comme le note un rapport diffusé par EFG-Hermès le 27 août
dernier.
Quant au deuxième pilier, c’est la forte croissance de la
demande locale. Tout comme ces deux dernières années, le
marché local du ciment devrait croître de plus de 10 % en
2009, pour atteindre 42,5 millions de tonnes. Un rapport
diffusé en mars 2008 par la banque d’investissement EFG-Hermès
explique ce boom par un autre facteur : celui de la
construction et de l’immobilier, incité par le financement
immobilier, la croissance du tourisme et le lancement de
grands projets d’infrastructure.
Marché local difficilement équilibré
L’offre, en revanche, peinera à répondre à cette hausse de
la demande, avec une hausse de 5 millions de tonnes d’ici la
fin 2009. D’autant que la plupart des usines produisent à
pleine capacité ou presque et que les 14 nouvelles usines en
construction ne commenceront leurs activités avant 2011. Il
en résulte que le marché local sera difficilement équilibré
en dépit d’une importante baisse des exportations.
Des exportations que le gouvernement avait réussi à limiter
grâce d’abord à une taxe, puis par un gel temporaire pendant
6 mois, jusqu’au 1er octobre 2008, saison de la demande
locale record. C’est ainsi que les exportations ont
représenté 15 % seulement de la production en 2007, soit une
baisse de 25 % en un an. En 2008 et 2009, le phénomène
continuera, menant le rapport exportation-production à 14 %
en 2009.
La baisse des exportations est donc liée à une forte
consommation locale, ce qui a permis aux entreprises de
limiter l’impact du gel des exportations pendant les mois
d’été. « Nous prévoyons de terminer l’année avec une aussi
forte performance », estime Omar Mehanna président
d’Italcementi. La banque EFG-Hermès prévoit de son côté qu’à
court terme, la rentabilité de ces firmes pourra être
touchée, notamment celles qui dépendent fortement des
marchés extérieurs, comme Egyptian Cement ou Misr Béni-Souef.
Elles devront alors procéder à des baisses de prix sur le
marché local pour accroître leur part du marché. Cependant,
à moyen terme, « nous ne prévoyons aucun impact sur les prix
», dit Malak Youssef, auteur du rapport EFG-Hermès, grâce à
leur pouvoir de fixation des prix. Cynique ou pas, c’est
donc en haussant davantage les prix que les producteurs
pourront survivre aux coups du gouvernement déterminé à
apaiser le marché local, coûte que coûte.
Salma
Hussein et Dahlia Réda