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Mobinil .
Le premier septembre a marqué le lancement de la 3G chez le
premier opérateur de téléphonie mobile du pays. Mais son
trône reste menacé. Explications.
Tout pour rester roi
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L.E. C’est, le 28 août dernier, le cours le plus bas
enregistré depuis un an par l’action MobiNil. Malgré la
hausse de la Bourse ce même jour. Cette action — une des 30
plus actives de la Bourse égyptienne — a perdu la moitié de
sa valeur en un an. Ce qui révèle les défis énormes auxquels
est affrontée la société actuellement. Le premier opérateur
de téléphonie mobile du pays, créé en 1998, dispose d’une
clientèle de 17,5 millions de personnes, soit la moitié du
marché. Vodafone, elle, s’empare de 47 % du marché et le
reste, 3 %, est chez Etisalat. Il n’a pas été facile à
MobiNil de maintenir sa place l’année dernière. Pour cela,
elle a sacrifié ses profits. Ainsi, ses profits nets ont
déjà chuté de 4 % pour atteindre 877 millions de L.E. au
premier semestre de 2008. « Cette chute est justifiée par la
pénétration des couches inférieures sur le marché »,
souligne la société sur son site Internet (voir 4
questions). Pire, il est prévu que la baisse se poursuivra
pendant le reste de l’année. Selon la société de courtage CI
Capital, MobiNil devrait terminer l’année avec des profits
de 1,7 milliard de L.E., contre 1,87 milliard de L.E.
l’année dernière.
Cette prévision à la baisse prouve la situation difficile de
MobiNil qui souffre d’une hausse de ses dépenses
opérationnelles : elles sont passées à 183 millions de L.E.
en juin 2008, contre 51 millions de L.E. seulement en juin
2007. Par ailleurs, ses dettes à long terme ont presque
doublé pour atteindre 3,4 milliards de L.E. Amr Al-Alfi,
directeur du département des recherches auprès de la société
de courtage CI Capital, explique que « MobiNil s’est trouvée
obligée d’introduire la 3G face à ses concurrents. Cela a
impliqué la modernisation de son réseau ». Ainsi, pour payer
la licence 3G au gouvernement (3,4 milliards de L.E.), la
société a emprunté 2,2 milliards de L.E. auprès de 4 banques
(Misr, HSBC, NSGB et CIB). « MobiNil finance d’habitude une
large partie de ses plans d’expansion par l’emprunt. Cela
peut désormais la mettre dans une situation difficile, vu
les 5 hausses de taux d’intérêt en six mois pour limiter
l’inflation », note un expert des télécommunications qui a
requis l’anonymat. Et d’ajouter que les revenus de la 3G ne
compenseront pas ses coûts. Car la société devra rembourser
2,4 % de ses revenus par an au gouvernement. « Tous ces
facteurs font pression sur la profitabilité de la société »,
dit-il.
Effet relativement compensatoire
Au fil des années, MobiNil a élargi sa clientèle grâce à un
ciblage des classes les moins riches, dénommées classes C et
D. Un aspect qui s’est renforcé au cours de la dernière
année. Cela a entraîné une chute du chiffre d’affaires
mensuel par utilisateur (ARPU). Ce chiffre ne cesse de
diminuer pour atteindre une moyenne de 47 L.E. lors du
premier semestre, contre 59 L.E./mois à la même période de
l’année dernière. Chez Vodafone Egypt, l’ARPU est de 62 L.E.
Cette vaste clientèle de MobiNil est donc en même temps son
talon d’Achille. Car ses nouveaux abonnés sont les plus
touchés par l’inflation. « Et donc ils sont susceptibles de
réduire leurs dépenses sur le portable à cause de
l’inflation qui a atteint 22 % en juin », explique Moustapha
Al-Gabal, un expert en télécoms. Un argument réfuté par Amr
Al-Alfi qui assure que jusqu’à présent « l’ARPU est resté
stable, alors que l’inflation n’a cessé d’augmenter lors des
deux premiers trimestres de 2008 ». Et d’ajouter que les
campagnes de publicité ainsi que la réduction du prix de la
minute de 35 à 20 piastres ont eu un effet relativement
compensatoire, entraînant une hausse des durées des appels.
D’ailleurs, il prévoit que si l’inflation continue à
augmenter, cela pourrait avoir un effet sur les revenus de
la société. Alors, il propose que la société révise sa
stratégie, en attirant davantage les catégories sociales les
plus riches en vue de compenser la chute de ses profits.
Gilane Magdi
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Alex Chalaby,
président de MobiNil,
successeur de Naguib Sawirès.
«
Le marché égyptien n’est pas encore saturé »
Al-Ahram Hebdo : Comment
justifiez-vous le recul de votre chiffre d’affaires mensuel
par utilisateur (ARPU) par rapport à vos concurrents ?
Alex Chalaby : Le recul de l’ARPU
se justifie de deux manières. Tout d’abord, nous accordons
une plus grande priorité au nombre d’abonnés qu’à
l’augmentation des profits. Et cela en attirant plus de
personnes des couches sociales inférieures. Par conséquent,
le revenu diminue avec chaque nouveau entrant, ce qui se
répercute sur l’ARPU. Ensuite, nos concurrents, Vodafone et
Etisalat, ont intégré la 3G un
an et demi avant nous. L’expérience a prouvé la réussite de
ces services dans les couches sociales supérieures et dans
les institutions. Ce qui a entraîné la hausse de l’ARPU de
ces sociétés par rapport à MobiNil.
— Mais pourquoi lancez-vous la 3G, alors que vous avez
assuré dans le passé que ce service n’est pas rentable
économiquement ?
— L’intégration de cette technologie nous permet d’offrir du
haut débit, ce qui nous rend concurrentiels dans ce domaine
et augmente nos revenus. Le taux de croissance des services
3G est plus rapide que les services ordinaires, alors que
son utilisation est très restreinte en Egypte. La proportion
des services non vocaux, y compris les SMS, par rapport aux
vocaux ne dépasse pas 5 % en Egypte, contre 25 % et 30 % en
Asie et en Europe.
— Ne craignez-vous pas que l’inflation pousse les gens à
réduire leurs dépenses de portable, ce qui se répercutera
négativement sur les revenus de MobiNil
?
— En matière d’abonnés, le marché égyptien n’est pas encore
saturé. Le taux de pénétration du portable en Egypte, de 58
% à la fin de cette année, reste inférieur comparé à
d’autres pays comme les Emirats, de 150 %, ou la Tunisie et
la Jordanie, de 70 %. Cela signifie que l’on peut augmenter
la base d’abonnés à travers les promotions.
— MobiNil a beaucoup emprunté
pour financer ses plans d’expansion. N’est-ce pas un trop
gros fardeau pour vous ?
— Il est certain que la hausse des taux d’intérêts nous
incite à beaucoup réfléchir avant d’emprunter. Si
MobiNil estime que le coût de
l’emprunt est supérieur à l’autofinancement, nous
financerons par nos profits. Mais la question ne se pose pas
encore.
Propos recueillis par G. M.
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