Patrimoine.
Situé rue Al-Moez, en plein cœur du Caire islamique, Beit
Al-Khorazati devient un centre de documentation numérique de
la mémoire de l’Egypte.
Un haut lieu du folklore
A
l’instar du CULTNET, dont la mission est de documenter
toutes les richesses tangibles et intangibles de l’Egypte,
la maison Khorazati, après être restaurée par l’architecte
Assaad Nadim, devient un centre de documentation de la
mémoire de l’Egypte. « Aucune ressemblance ni redondance
quelle qu’elle soit avec le projet de documentation du
CULTNET. C’est un projet tout à fait indépendant », explique
M. Ahmad Ali Morsi, initiateur du projet. Si la
documentation numérique du CULTNET s’intéresse aux
différents aspects du patrimoine tangible et intangible, la
documentation de la maison Al-Khorazati ne s’intéresse, en
fait, qu’à un seul aspect du patrimoine : celui de la
tradition populaire ou plutôt le folklore typiquement
égyptien. Pour bien longtemps, la tradition populaire
égyptienne s’est vue résumée dans les troupes de danse
folklorique telles les troupes des danses populaires des
gouvernorats ou la troupe de Réda. « Ce résumé a bien
certainement nui à la tradition populaire. En principe,
cette dernière couvre toutes les connaissances populaires
dans les différents aspects de la vie quotidienne des
Egyptiens au cours des différentes époques historiques »,
tient à affirmer Ahmad Ali Morsi. D’après lui, cette
tradition bien ancrée au tréfonds des simples Egyptiens
constitue, en réalité, la vraie personnalité de l’Egypte,
écrasée actuellement sous l’effet de la mondialisation.
Cette tradition dispersée tout au long de la vallée du Nil
exige un personnel hautement qualifié et en parfaite
connaissance avec le sujet qu’il traite. « La maison Al-Khorazati
envoie son personnel, dont la plupart sont gradués du Haut
institut des arts populaires, aux différents villages dans
le but de se mêler aux habitants et d’enregistrer, le plus
fidèlement possible, la tradition en question », souligne M.
Ihab Rached, du Conseil Suprême des Antiquités (CSA) et l’un
des participants à la documentation numérique de la maison
Al-Khorazati. En effet, la tradition populaire se divise en
plusieurs branches : nourriture, vie conjugale, hospitalité,
connaissances médicales, culture de la mort et de
l’enterrement. Il est à noter que la tradition populaire au
Delta et aux villages côtiers diffère en grande partie de
cette même tradition en Haute-Egypte. D’où la nécessité de
documenter non seulement la tradition populaire en tant que
telle mais d’enregistrer la même tradition à la fois au
Delta et en Haute-Egypte. « C’est à travers cette façon de
documentation que l’on peut peindre une image exacte le plus
possible de la vraie tradition populaire », estime M. Ahmad
Morsi. En effet, l’importance du projet de documentation
numérique de la maison Al-Khorazati gagne de l’ampleur après
que l’Unesco eut lancé plusieurs appels quant à la
préservation du patrimoine intangible des différentes
nations. « La tradition populaire de la nourriture
égyptienne a été volée. Le Japon a enregistré la moloukhiya
égyptienne en tant que nourriture japonaise et les juifs ont
fait de même pour les boulettes de fèves », souligne Ihab
Rached, un des participants au projet. Ce qui se passe pour
la nourriture peut très bien se passer au domaine des
médicaments. Les grandes firmes de fabrication de
médicaments envoient toujours une équipe scientifique aux
régions encore vierges, comme chez les bédouins. En prenant
connaissance des différentes herbes médicales locales et la
façon de leur fonctionnement, l’équipe scientifique rentre à
son pays et sa firme fabrique le médicament dont le secret a
été volé et gagne des milliards. « La Chine gagne
annuellement plus de 4 milliards de dollars uniquement à
travers ses herbes médicales. Quant aux Etats-Unis, son
industrie numéro un qui porte la moitié du revenu national
est l’industrie de la préservation de la tradition populaire
», tient à expliquer M. Ahmad Morsi, mettant l’accent sur
l’importance de la documentation de la tradition populaire.
Et de conclure qu’il faut, le projet de documentation
terminé, signer un contrat des droits de la propriété
intellectuelle avec l’Unesco et les autres institutions
internationales pour préserver la mémoire populaire du pays
et, par conséquent, sauver son identité nationale.
Nada
Al-Hagrassy