Ramadan.
Les institutions culturelles de l’Etat offrent cette année
un menu ramadanesque au grand public. L’Organisme général
des palais de la culture, l’Union des écrivains et les
hommes de lettres égyptiens animent des soirées exaltant la
culture à la Citadelle, tandis que l’Organisme général du
livre (GEBO) tapit la Corniche du Nil avec des livres à prix
réduits. Tour d’horizon.
La culture en plat principal
Tous
les ans, la culture est un leitmotiv du Ramadan égyptien, à
l’instar des veillées tardives et des pâtisseries riches en
calories. Chaque année, les activités artistiques et
littéraires, à l’initiative d’institutions culturelles
gouvernementales ou de structures privées, fleurissent aux
quatre coins du Caire, des rives du Nil au faîte de la
Citadelle, la culture n’hésitant pas à faire quelques
échappées remarquées vers des provinces plus reculées du
Delta. Trois institutions gouvernementales, l’Organisme
général du livre (GEBO), l’Organisme général des palais de
la culture et l’Union des écrivains, n’ont pas dérogé à la
règle et proposent cette année un programme orienté vers la
poésie, qui mêle avec brio de grands poètes, dont Ahmad
Fouad Negm, Abdel-Moeti Hégazi, Samir Abdel-Baqi, et jeunes
tisseurs de rimes encore tapis dans l’ombre de l’anonymat.
La période du Ramadan et l’enthousiasme culturel qui se
faufile entre les longues périodes de jeûne sont propices à
la présentation de projets novateurs, comme intégrer des
livres sur la rive est du Nil.
La Citadelle du Caire prête cette année ses hautes murailles
de pierres et sa vue nocturne imprenable à de nombreuses
manifestations culturelles issues d’une collaboration
étroite entre l’Organisme général des palais de culture et
l’Union des écrivains. Il faut tout de même préciser que la
Citadelle est un lieu qui a été choisi à maintes reprises
pour abriter des événements artistiques et culturels, mais
jamais auparavant pendant la période du Ramadan. « L’idée de
présenter des activités culturelles à la Citadelle en
période du Ramadan est nouvelle. C’est pourquoi l’affluence
n’est pas à son comble », explique Mohamad Al-Sayed Eid,
vice-président de l’Union des écrivains et ancien haut
fonctionnaire de l’Organisme général des palais de culture.
« Nous comptons sur le fait que dans les prochaines années,
le Ramadan se déroulera toujours en période estivale. La
Citadelle étant un lieu agréable et aéré, il devrait y avoir
davantage de monde », ajoute-t-il.
Il s’agit aussi pour l’Union des écrivains de présenter ses
nouveaux locaux nichés dans l’enceinte de la Citadelle à un
public plus large et plus populaire. « Nous avons élaboré ce
programme main dans la main, explique le vice-président de
l’Union des écrivains, et le choix d’un lieu commun permet
au public d’être libre de se promener à travers les
différentes activités et de profiter de chacune d’entre
elles ».
Le programme des festivités du Ramadan, comprenant des
expositions de peintures, d’art artisanal, place cette
édition sous le signe de la poésie. Chaque jour ou presque,
des écrivains, poètes ou anonymes férus de vers, de figures
de style et de prose se réunissent et lisent des poèmes face
à une assemblée pas toujours nombreuse, mais fort réceptive.
Le grand poète Mahmoud Darwich, récemment décédé, a été le
point d’orgue de la soirée poétique qui s’est déroulée lundi
dernier dans la salle de conférences de l’Union des
écrivains. Cette lecture poétique a réuni des passionnés, et
de rares badauds venus pour d’autres festivités à la
Citadelle qui, guidés par la curiosité, ont fait un crochet
plus intellectuel.
A
quelques kilomètres de la Citadelle de Saladin, sur la rive
est du Nil, un petit « Paris des bords de Seine » vient
d’être créé. Les bouquinistes qui fleurissent le long de la
Seine ont convaincu le docteur Nasser Al-Ansari, président
de Hayët al-kitab (GEBO), de reproduire la formule sur la
rive est du Nil. Hassan Sorour, chef de l’édition du
magazine culturel Fonoun chaabiya, a pris ce projet à
bras-le-corps, afin, dit-il, « de proposer aux badauds une
promenade culturelle, et de célébrer les atours du Nil tout
en le préservant ».
Le projet est soutenu par le gouvernorat du Caire qui a
alloué à ce projet de « bouquinistes sur les berges du Nil »
un tronçon de corniche, malheureusement assez peu facile
d’accès et éloigné des rives du centre-ville. Cet isolement
explique que l’endroit soit assez peu fréquenté, malgré la
pertinence de cette librairie en plein air qui propose des
tarifs préférentiels pendant la période du Ramadan. Tous les
livres disposés sur les étalages, en arabe, en anglais et
certains dans d’autres langues, proviennent d’institutions
liées au ministère de la Culture, et certains des
bouquinistes d’Ezbékiyeh. Le but de cette entreprise
culturelle est de mettre les citoyens en contact direct avec
la culture, sans limiter la fréquentation par l’achat d’un
ticket d’entrée comme cela se pratique lors de la grande
Foire du livre du Caire. Ce genre de projet, qui vise à
rapprocher la culture du citoyen, est original et mérite
d’être renforcé, afin qu’il se fasse discrètement une place
naturelle dans la vie de chacun.
Pacynthe Sabri
Louise Sarant