Bidonville. Les habitants d’Istabl Antar vivant au cœur et au bas de la colline de Moqattam refusent de quitter les lieux, malgré les risques d’éboulement.

 

La peur au ventre

 

A la suite du drame de Doweiqa où des dizaines d’habitations ont été écrasées sous le poids de rochers énormes faisant un nombre de victimes qui reste à recenser, la question des zones sauvages a resurgi. Les efforts visant à accélérer les projets de développement de ces zones s’accompagnent de tentatives d’évacuation par la force, menées par certains exécutifs qui ne cherchent qu’à se laver les mains en se mettant à l’abri de toute responsabilité. C’est bien le cas d’Istabl Antar, ce bidonville du Vieux-Caire. Ici, des milliers de personnes vivent dans des conditions très médiocres dans les grottes et des baraques au-bas de Moqattam depuis les années 1950, ils (ou leurs parents) ont investi cette zone. A l’intérieur des habitations, des familles de 8 à 10 membres vivent entassés dans des pièces insalubres qui ne dépassent pas les 3 m2. Ils exercent des activités précaires, ils sont des ouvriers ou des chauffeurs journaliers.

Cela fait trois ans que les habitants d’Istabl Antar se sont habitués à voir des pierres de différentes dimensions tomber de la colline. On peut voir ces rocs partout dans les ruelles, ou même à l’intérieur des habitations. Pourtant, les habitants continuaient de vivre sans aucune crainte jusqu’à il y a 6 mois, lorsqu’un immense rocher s’est effondré sur le toit d’une chambre à coucher fabriquée en bois. « Nous nous sommes plaints auprès de la municipalité et du gouvernorat, mais personne n’a réagi car l’éboulement n’avait fait ni blessés ni morts. Pire, ils nous ont demandé d’arrêter de nous plaindre sous peine de faire évacuer toute la région », raconte Mohamad Mahmoud, un habitant. Démunis, n’ayant pas les moyens pour vivre ailleurs, les habitants ont dû se taire.

La peur de voir les fissures apparaître dans la colline ici et là tous les jours est encore plus faible que la peur de se retrouver sans abri. En effet, les eaux d’égouts infiltrées provenant des habitations d’un autre bidonville, Ezbet Khaïrallah, plus en amont de la colline, aggravent davantage les risques.

La situation a changé après la catastrophe du quartier de Doweiqa. Les habitants ont commencé à prendre le danger plus au sérieux. Plusieurs racontent que leurs enfants refusent même de se coucher à l’intérieur des habitations préférant passer la nuit dans la nature. « Je dors dehors pour pouvoir courir rapidement si la colline s’effondre », explique Maha, une fille de 6 ans.

 

Terreur et mince espoir

Les déclarations récentes du président Hosni Moubarak où il a mis l’accent sur l’importance d’accélérer les projets d’aménagement des zones sauvages ont représenté une lueur d’espoir pour les habitants d’Istabl Antar. « Enfin, nous allons figurer sur la liste des priorités du gouvernement. Tout ce qu’on veut, c’est de pouvoir vivre dans des logements plus humains. Peu importe leur superficie, mais qu’ils nous permettent de les payer à crédit », souhaite Oum Ibrahim, veuve et mère de six filles.

Mais les rêves des habitants se sont effondrés avec la visite, samedi, du président du quartier du Vieux-Caire, Ahmad Adel. « Nous avons reçu des instructions pour raser cette région le plus vite possible. Vous allez devoir quitter les lieux. Est-ce que vous voulez mourir et nous accuser de négligence comme ce fut à Doweiqa? », leur crie-t-il, sans oublier de préciser que s’ils refusaient, ils seraient évacués de force.

Le président du quartier affirme que les habitants seront relogés dans un centre de jeunesse dans la région proche de Aïn Al-Sira, où des tentes ont été installées pour les accueillir. « Ils vont y résider jusqu’à ce que le gouvernorat fasse son travail de recensement afin de leur construire des logements alternatifs », affirme le responsable.

« Cela peut durer une dizaine d’années », craint Fouad Zidane, père de cinq enfants, qui vient d’aménager une chambre pour marier l’aînée. Une entreprise qui lui a coûté 6 000 livres. Une somme. « Dans un mois, ce sera déjà l’hiver, comment le passer sous une tente ? Pour nous, trouver la mort sous la colline est beaucoup mieux. Au moins, les survivants auront la chance d’obtenir des appartements », conclut-il, en référence aux survivants de Doweiqa.

Héba Nasreddine