Al-Ahram Hebdo, Une | Loger dans le passé
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 10 au 16 Septembre 2008, numéro 731

 

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Dossier

Caire Islamique . Le ministère de la Culture a décidé de transformer quelques monuments islamiques en hôtels et restaurants cinq étoiles. Initiative qui a suscité un fort débat avec le risque d’une atteinte aux édifices historiques d’une ville plus que millénaire.  

Loger dans le passé

Vivre quelques jours comme un sultan mamelouk ou une femme du temps des Abbassides est sûrement un rêve non seulement pour des touristes, mais aussi pour les Egyptiens qui aimeraient se trouver dans la peau de leurs ancêtres, dans une atmosphère des mille et une nuits. Transformer quelques anciennes constructions du Caire islamique en des hôtels ou des restaurants est en fait la seule solution pour réaliser ce désir. En effet, la réutilisation des monuments historiques comme lieux d’hébergement touristique n’est pas une nouvelle idée. Plusieurs pays arabes et européens ont déjà transformé une partie de leur patrimoine architectural en projet touristique sans précédent. En Syrie, en Espagne, en France, en Turquie ... et dans beaucoup d’autres pays, l’idée a eu un grand succès. D’ailleurs, le fait de la réutilisation des monuments historiques n’est pas tout à fait nouveau pour l’Egypte.

Bon nombre d’antiquités égyptiennes ont été reconverties en des activités culturelles et artistiques. « Les sabils, ou fontaines publiques, figurent en tant que premier exemple de la réutilisation des monuments. Le sabil-kottab Qaïtbay de la rue Al-Saliba, dans le quartier de la Citadelle, a été aménagé pour abriter une grande bibliothèque consacrée à la civilisation islamique et le sabil Mohamad Ali, situé rue Al-Nahassine, sera bientôt transformé en musée de tissus et de tapis de différentes époques égyptiennes et le sabil Al-Aïni, annexé à la madrassa qui porte le même nom, a servi de centre pour l’enseignement de l’informatique aux étudiants d’Al-Azhar et aux habitants de la région », avance Sayed Ismaïl, directeur des antiquités de la zone d’Al-Azhar. Par la suite, d’autres monuments des époques islamique et moderne ont été aussi réutilisés en tant que musées et centres culturels. Citons Wékalet Al-Ghouri, devenue un centre pour la réhabilitation de l’artisanat traditionnel du Caire islamique, le palais du prince Amr Ibrahim à Zamalek qui abrite aujourd’hui le musée de la céramique islamique ... D’autres sites, par contre, servent de bureau d’inspection pour les fonctionnaires du Conseil Suprême des Antiquités (CSA).

Mais la conversion en hôtels de monuments islamiques de grande valeur est en fait une nouvelle idée pour l’Egypte, du moins en ce qui concerne le patrimoine islamique. Un restaurant, une résidence hôtelière, un centre de congrès ou de séminaires peuvent-ils trouver place dans un monument historique ? Si oui, à quelles conditions de sécurité et de rentabilité ? « Il ne faut pas transformer tous les monuments restaurés en des centres culturels. Ce serait ennuyeux. Des objectifs sociaux seront aussi nécessaires pour les gens. On peut les transformer aussi en des hôpitaux, des banques ... Pour garantir une bonne réexploitation des édifices historiques pour éviter qu’ils ne retombent dans l’oubli », suggère Salah Zaki, professeur d’architecture à l’Université Misr International et un des participants au projet de la réutilisation des sabils du Caire islamique.

 

Bazaraa, Qaïtbay et Mamay reçoivent les touristes

De façon générale, les projets de réutilisation doivent être financés par le CSA, en collaboration avec le Fonds de développement culturel. Mais cette fois-ci, le financement sera par l’intermédiaire de certains investisseurs. Cette démarche présente un double intérêt. D’une part, la préservation de ces monuments, fleurons de l’architecture islamique, et d’autre part, la sensibilisation de la population à l’importance de la richesse du patrimoine. Comme point de départ, le projet-pilote sera la transformation de trois monuments du Caire islamique : Wékalet Bazaraa du quartier Al-Gamaliya, Wékalet Qaïtbay à Bab Al-Nasr et le Maqaad (siège) Mamay, situé rue Beit Al-Qadi. Ces trois monuments ont été déjà restaurés dans le cadre du projet du réaménagement du Caire fatimide.

« Le choix de ces monuments n’est pas le fruit du hasard. Ceux-ci sont les mieux conservés du Caire islamique. D’autre part, l’architecture de ces monuments possède beaucoup d’avantages qui rendent sa réutilisation plus facile que d’autres édifices islamiques ; d’abord la structure des caravansérails qui aménage beaucoup de chambres et d’espaces vides, leur surface assez importante, ainsi que leur important emplacement dans des lieux très fréquentés.

Notons que ces caravansérails avaient autrefois presque le même but, puisqu’ils étaient élevés pour faire loger les négociants des pays islamiques et étrangers qui venaient vendre ou acheter des marchandises du Caire islamique ... Quant au Maqaad, il est construit à l’origine pour recevoir les invités de la maison ; le transformer donc en restaurant maintient sa vocation originale », explique Mohsen Sayed Ali, directeur général des affaires des antiquités islamiques au CSA. Les trois monuments choisis pour y entamer le projet du ministère de la Culture seront exploités pour une durée de 20 ans. Le groupe Eugénie pour l’investissement touristique ainsi qu’une compagnie d’investissement koweïtienne se sont présentés pour réaliser le projet des deux hôtels cinq étoiles dans les Wékalas de Bazaraa et de Qaïtbay. Alors que pour le projet du restaurant au Maqaad Mamay, un célèbre restaurant français s’est présenté pour le réaliser.

 

Une réutilisation critiquée

Quoique l’idée de réutilisation des antiquités paraisse originale et fructueuse, elle reste pour beaucoup très risquée. Cette réhabilitation comporte parfois des dangers. Elle constituera un va-et-vient continu dans l’édifice. Seront-ils préservés ou auront-ils besoin d’une nouvelle restauration ? « La régularité d’un tel projet contredit la loi numéro 117 pour l’année 1983 concernant la sauvegarde des monuments. Le projet adopté par le ministère de la Culture aura des effets catastrophiques qui, entre autres, diminuent de l’âge des antiquités », estime Dr Haggagui Ibrahim, professeur à l’Université de Tanta. De leur côté, les responsables au CSA indiquent que la réhabilitation de ces monuments doit être soumise à plusieurs critères, dont le fait que la nouvelle vocation devrait correspondre au caractère de l’édifice, son environnement et le style ancien du Caire islamique. Des activités qui doivent répondre aux attentes des habitants de la région et aux touristes, sans représenter de danger pour les bâtiments historiques. De quoi redonner un souffle de vie à ces monuments oubliés. « Par exemple, il est logique que la cuisine des deux futurs hôtels ainsi que du restaurant sera aménagée en dehors des antiquités. On a aussi choisi des monuments bien conservés qui peuvent subsister à la réexploitation. Il y a plusieurs conditions qui réglementent la réhabilitation des monuments », explique Sayed Ismaïl.

De son côté, Zahi Hawas, secrétaire général du CSA, s’étonne de ceux qui refusent l’idée de la réutilisation des antiquités. « Que faire d’un palais de l’époque médiévale, d’un caravansérail historique, d’une forteresse restaurée ? Quelle réutilisation pour notre patrimoine architectural ? Est-ce que vous voulez que l’on s’arrête à la restauration du patrimoine architectural, puis l’abandonner à son sort ? En tirant profit de ces monuments, on les conserve mieux. La réutilisation est une partie principale dans les étapes de conservation d’un monument restauré. On accepte de tels projets, après des études, tant qu’ils n’attaquent pas les antiquités et qu’ils font entrer un bon revenu au pays », annonce-t-il.

Les responsables au ministère de la Culture œuvrent à ce que ces lieux exceptionnels deviennent de nouvelles destinations touristiques hors pair. Toutes ces nouvelles idées dans la réutilisation des édifices donnent un cachet de renouveau et attireront un grand nombre de touristes. En cas de succès, cette expérience sera généralisée dans d’autres monuments islamiques restaurés. Les résultats ne sont pas toujours immédiats. Mais, le succès d’un tel projet vaut une forte couverture médiatique à l’échelle nationale et internationale (télévision, radio, journaux, Internet, affiche ...), sans oublier la formation et l’intégration sociale autour des monuments historiques sélectionnés .


 

Les bâtiments sélectionnés

Les trois monuments choisis par le Conseil suprême des antiquités pour y loger deux hôtels et un restaurant sont en fait parmi les plus préservés du Caire islamique. 

Wékalet Bazaraa

La Wékala (caravansérail) de Bazaraa se dresse derrière de lourdes portes dans la rue Al-Tombakchéya dans le quartier de Gamaliya, juste à proximité de la superbe mosquée restaurée de Gamaleddine Al-Estadar. Il s’agit d’une magnifique wékala entièrement restaurée et inaugurée depuis 2001. Datant du XVIIe siècle, elle est un exemple impressionnant de ces nombreuses wékalas appelées aussi khans, qui faisaient jadis toute l’activité de ce quartier historique. C’était le City Stars du Moyen Age.

Une fois passées les lourdes portes cloutées, on entre dans une belle cour rectangulaire autour de laquelle s’ordonnent les vingt-deux magasins de la wékala. Les échoppes, surmontées d’un dôme, étaient plutôt petites et les commerçants installaient leur étalage sur la petite avancée qui précède chaque magasin. Jadis, la Wékala de Bazaraa était un grand centre commercial où les gens trouvaient des marchands de savon, tissu, café, thé, épices, bijoux et le plus souvent de denrées importées.

A l’étage, chaque négociant possédait un petit entrepôt souvent composé de deux pièces ouvertes l’une sur l’autre et qui permettait de stocker ses marchandises. Au-dessus des pièces de stockage se trouvaient les habitations où logeaient les commerçants. Les appartements en duplex étaient composés d’une pièce principale ornée d’un large moucharabieh qui permettait aux femmes de scruter l’extérieur sans être vues.

Les escaliers étroits et très raides donnent accès à la pièce supérieure puis aux terrasses. Au-dessus du bazar, il y avait des entrepôts et des appartements de différentes grandeurs.

On percevait la richesse du commerçant non seulement à la grandeur de son habitation, mais aussi et surtout à son orientation donnant à l’intérieur ou à l’extérieur de la wékala. Les appartements donnant sur la rue étaient les plus prisés, car plus frais et offrant une vue plus animée.

Wékalet Bazaraa se compose d’un dédale de couloirs, tantôt couverts, tantôt à ciel ouvert, d’escaliers étroits, d’ouvertures favorisant la lumière et les courants d’air qui assuraient une ventilation naturelle. Une visite à ne pas manquer, à exploiter en toute liberté.

Wékalet Qaïtbay

Construite en l’année 881 de l’hégire (1477), Wékalet Qaïtbay se situe juste avant d’arriver à la porte de la ville nommée Bab Al-Nasr (ou la porte de la victoire). Ce caravansérail du temps des grands négociants avait une grande importance historique. Il était une auberge médiévale réservée aux marchands qui dormaient autrefois dans les chambres à l’étage. La wékala aligne encore aujourd’hui sa rangée de vieilles échoppes. C’est l’une des œuvres les plus caractéristiques de l’architecture civile circassienne. La façade extérieure de la wékala a un aspect ordonnancé résultant de la répétition des travées identiques.

Bâtisseur prolifique, le sultan Qaïtbay fut le dernier chef mamelouk à exercer un réel pouvoir en Egypte. Il gouverna pendant 28 ans. Il a ainsi édifié un grand nombre de monuments au Caire islamique et dans d’autres gouvernorats.

Maqaad Mamay

C’est en fait le Maqaad (siège) du prince Mamay Al-Saify. Le Maqaad Mamay est le seul élément qui subsiste d’une grande maison construite à la fin du XVe siècle (environ 1496-901 de l’hégire). Elle se situe dans la place Beit Al-Qadi (ou la maison du juge). Al-Maqaad est l’un des plus jolis monuments architecturaux. Aujourd’hui, il n’en reste qu’une élégante façade avec cinq arcades et un portail en niche.

Il s’agit d’une salle rectangulaire : 32 x 7 mètres, d’une hauteur de 11 mètres avec un toit en bois coloré et doré. Restauré depuis quelques années, le Maqaad Mamay est aujourd’hui un élément isolé formé par une colonnade à cinq arcs et une porte d’entrée. Le grand porche à l’est de la place Beit Al-Qadi était l’une des portes de la maison d’autrefois .

 




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