UPM.
La plupart des pays arabes, la Libye exceptée, ont répondu
présent à l’invitation de Sarkozy dont le projet consacre
une acceptation de fait d’Israël.
Les Arabes et la realpolitik
Le
ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner,
a complètement exclu que le sommet de l’Union pour la
Méditerranée voulue par le président Nicolas Sarkozy puisse
se faire sans Israël. Telle a été la réponse française
intervenue face au grand débat qui a eu lieu dernièrement
autour de cette question. Effectivement, la participation
israélienne à l’UPM, qui doit être lancée les 13 et 14
juillet à Paris, en présence d’une quarantaine de chefs
d’Etat et de gouvernement des pays de l’Union européenne et
du sud du bassin de la Méditerranée et prévoyant la lancée
officielle du projet de Sarkozy, a suscité d’énormes
polémiques chez certains pays arabes, qui ont déclaré
refuser une chorégraphie du sommet qui donnerait
l’impression d’une normalisation de leurs relations avec
Israël. Ils ont même reproché à Paris d’avoir œuvré au sein
de l’Union européenne pour un partenariat renforcé avec
Israël.
Pour les spécialistes, il existe toujours un problème
concernant les relations entre les pays arabes et Israël,
que ce soit dans le cadre des relations ou des accords
politiques ou économiques. Emad Gad, rédacteur en chef de la
revue Israeli Digest, affirme que ces rapports assez tendus
sont dus au fait qu’aucun règlement politique n’a eu lieu
concernant la crise palestinienne. « Pour qu’il y ait des
chances de réussite pour cette union, il faut absolument
qu’il y ait une entente politique entre tous les pays qui en
font partie, sinon il serait donc préférable pour un Etat
qui a des problèmes de ce genre de ne pas adhérer à l’UPM,
comme il a été parfois le cas à l’Union européenne », lance
Gad, qui donne l’exemple de la Serbie qui n’a pas
adhéré à l’UE parce qu’elle n’a toujours pas résolu ses
problèmes en ce qui concerne l’indépendance de certaines
provinces comme le Kosovo ou la Macédoine.
Ce point de vue n’est pas partagé par tous les analystes.
Pour le politologue Saïd Okacha, la position des pays arabes
qui sont à l’origine de ce débat est inexplicable. Pour lui,
d’une part, Israël n’est pas un pays à prendre à la légère.
« C’est un Etat qui a son poids politique, militaire et
stratégique assez important ». D’autre part, ce projet
d’union méditerranéenne est dans l’intérêt des pays arabes.
« Au contraire, il faut que les Arabes profitent de ce
rapprochement pour tenter de résoudre le conflit
palestino-israélien ». Il faut donc essayer de montrer aux
Européens que nous sommes disposés à instaurer des relations
et des conversations avec Israël pour parvenir à une
stabilité dans la région. Et non pas le contraire. « La
solution n’est pas d’essayer d’éloigner Israël, mais au
contraire de l’accepter tout en exprimant notre avis contre
la colonisation », ajoute Okacha. C’est apparemment ce
principe qui a été suivi par la plupart des Etats arabes.
D’où, le fait que Paris assure ne pas craindre de vague
anti-UPM de la part de ses alliés arabes. Ni même la
répétition du front anti-israélien qui a paralysé le
processus de Barcelone.
Effectivement, les pays arabes se sont contentés de demander
des clarifications « sur les conséquences de l’entrée
d’Israël dans la future union » lors d’une réunion du Forum
de la Méditerranée, qui s’est tenu à Alger le 6 juin, puis
rien de plus. Bien au contraire, qu’il s’agisse de l’Egypte,
du Maroc ou de la Tunisie ainsi que de la plupart des pays
du Sud méditerranéen, ils ont favorablement accueilli la
proposition française.
A l’opposé, le dirigeant libyen Moammar Kadhafi n’a pas
hésité à dire publiquement tout le mal qu’il pensait du
projet de Nicolas Sarkozy. « Nous ne prendrons en aucun cas
le risque de déchirer l’unité arabe ou africaine », a lancé
le dirigeant libyen, dénonçant l’UPM comme « un appât » ou «
une forme d’humiliation ». Des déclarations qui n’ont eu
aucune influence sur le président français qui a affirmé que
« la Libye avait déjà refusé d’entrer dans le processus de
Barcelone parce qu’il faisait la part trop belle à l’Europe
et qu’il incluait Israël (...). Ce qui nous rassure, c’est
qu’aucun autre pays n’est sur la même ligne ». La plupart
des pays arabes ont donc confirmé leur présence au sommet du
13 juillet. Quant à la Libye, comme le pense Okacha, c’est
l’un des pays arabes qui n’a aucun poids politique et qui a
l’habitude de se rétracter le lendemain d’une déclaration.
Israël, une victoire silencieuse
Une réaction française qui a sûrement rassuré le côté
israélien qui, en revanche, a décidé de garder le silence
profond. En effet, un atout que ne possèdent pas les Etats
arabes, Israël a un statut bien avancé avec l’Union
européenne. En effet, l’Union européenne et les responsables
israéliens se sont retrouvés à Luxembourg le 16 juin pour
donner le coup d’envoi de l’intensification de leurs
relations économiques et politiques. l’année dernière,
l’Etat hébreu avait réclamé un rapprochement sur plusieurs
dossiers, notamment santé et environnement, ainsi que des
consultations politiques plus régulières. Un statut prouvé
par chiffres. Israël est l’un des trois partenaires
méditerranéens les plus importants de l’UE (la Turquie,
Israël et l’Algérie représentent ensemble 60 % du commerce
total de l’UE). De plus, l’Union européenne est le premier
partenaire commercial d’Israël. En 2000, les importations
des pays membres de l’Union à partir d’Israël étaient de
9,876 millions d’euros. En 1990, elles n’étaient que de
3,626 millions. Elles ont donc triplé en 10 ans. Elles
représentent un quart du total des exportations
israéliennes. La même année, les exportations des 15 vers
Israël s’élevaient à 15,693 millions d’euros, soit 43 % des
importations israéliennes.
D’un autre côté, la France soutient à fond sa cause et ne
penserait à aucun prix s’opposer à l’Etat hébreu. En effet,
les intentions françaises ont d’ailleurs été déclarées dès
le départ. Le président Sarkozy a reconnu publiquement que
la présence de tous les dirigeants arabes n’était pas
acquise, en ajoutant que « s’il devait en manquer un ou
deux, eh bien, nous verrons bien (...) mais ça
n’empêchera pas le train d’avancer », a-t-il lancé lors
d’une conférence de presse à Rome.
Normalisation ou pas, la réponse est claire. Les débats ne
cessent pas autour d’Israël. Mais la vérité est que les
Etats arabes ne se sont pas opposés au sommet. Même
l’Algérie, qui avait au départ pris position contre le
projet, a déclaré que l’UPM ne peut pousser les pays arabes
à entretenir des relations directes avec Israël. « Il y a
toujours la possibilité de travailler avec nos partenaires
tout en respectant les positions des uns et des autres », a
déclaré Mourad Medelci, ministre algérien des Affaires
étrangères.
Chaimaa Abdel-Hamid