Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Le rendez-vous de la société Philharmonique
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 30 juillet au 5 août 2008, numéro 725

 

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Nulle part ailleurs

Loisirs . L’un avec son oud, l’autre avec son bouzouki et le troisième avec son banjo, c’est tout un orchestre, mais fait d’amateurs qui tiennent salon chez l’un d’eux pour s’extérioriser. 

Le rendez-vous de la société Philharmonique 

C’est dans sa maison qu’il a appris petit à petit dès sa plus tendre enfance à tomber amoureux de la musique en observant son père jouant du oud. Plus tard, à l’école, il a appris les premières bases de la note musicale et ne s’est pas empêché d’être fasciné par ses rythmes.

Mais si le destin l’a obligé à faire des études de médecine, le rêve de faire de la musique ne l’avait jamais quitté.

Aujourd’hui, Khalil Al-Diwani est un célèbre pédiatre. Mais, ce n’est pas sa seule préoccupation. Sa passion pour la musique l’a poussé à tenir chez lui un salon musical où se rassemblent des passionnés comme lui chaque deux semaines pour exercer leur hobby.

Un salon unique en son genre qui regroupe des gens occupant différentes professions. D’apparence, ils n’ont rien en commun. Mais, en assistant à leur réunion, on constate facilement ce qui les unit.

Leur rendez-vous régulier date depuis 15 ans. Et même s’il arrive parfois que des membres s’absentent et que d’autres les remplacent, cette réunion musicale est quasi sacrée.

L’idée revient en fait au Dr Al-Diwani qui a vu dans cette pause artistique une découverte des talents cachés. Ayant fait des études spécialisées de musique, il n’a pas hésité de joindre des orchestres assez connus comme celui de Sélim Sahab. D’ailleurs, son oud ne le quitte jamais.

Ces rencontres mi-mensuelles sont organisées le mardi vers 11h du soir. C’est l’heure à laquelle Khalil termine son travail à la clinique. Il ôte son manteau blanc et se précipite pour joindre les autres membres du groupe. Ils arrivent l’un après l’autre, chacun avec son instrument en main. Sans perdre une seconde de temps, ils s’installent et chacun occupe sa place habituelle.

Ismaïl arrive avec un grand cartable rectangulaire comprenant une dizaine de flûtes et essaye deux ou trois avant d’en choisir une. Saher, ex-responsable de sécurité dans une grande entreprise et actuellement à la retraite, arrive aussi avec son banjo. 

Parler un même langage

Ici, on ne s’échange pas beaucoup de paroles, juste un court salut et quelques petits commentaires sur la dernière répétition et sur ce qu’ils désirent jouer et écouter ce soir. « Pour moi, ce rendez-vous est sacré, je ne m’absente que dans les cas d’urgence. Il m’arrive souvent de fermer les portes de ma clinique pour ne pas rater la chose que j’aime le plus », explique Hani Al-Sobki, psychiatre et qui assiste à ce rassemblement depuis plus de 12 ans.

Lorsqu’il commence à mettre les doigts sur son oud, il oublie tous ses maux et se sent soulagé, se débarrassant de tous ses soucis et fatigues. C’est comme une séance de traitement qui lui donne la force de reprendre son travail.

En effet, Al-Sobki et Al-Diwani ne sont pas les seuls médecins dans ce salon. Dans cette rencontre d’amateurs, on trouve des spécialisations différentes. Pour eux, rien d’étrange si des médecins peuvent avoir un côté artistique. « Nous connaissons tous les  secrets du corps humain. C’est le plus bel exemple de la beauté et de la gloire de Dieu. Nous apprenons à admirer tout ce qui est beau dans la vie. Le métier de médecin est très fatiguant, ce qui augmente chez lui le besoin de briser le rythme stressant du travail et de trouver une percée », explique Al-Sobki.

Quelques moments plus tard, Alaa arrive. Dès qu’il s’installe, on lui demande de chanter, il prend son oud entre les bras, fait quelques gestes aux autres membres de l’ensemble et commence à chanter Touta.

Une chanson très ancienne comme toutes les autres performées dans ce salon. « C’est l’une des particularités de ce salon. Nous tentons d’écouter les choses qui nous manquent et auxquelles nous n’avons pas droit dans les chaînes de télé », commente Ahmad Mansour, le célèbre présentateur de la chaîne Al-Jazeera et qui révèle un autre visage de lui tout à fait différent du « sérieux provocateur que l’on voit sur l’écran de télé ».

Apportant avec lui un plat de basboussa, cette pâtisserie orientale très sucrée, ce dernier n’est pas là pour jouer de la musique, mais plutôt pour l’écouter.

Cela fait quatre ans seulement qu’il fréquente ce salon, et aujourd’hui, il est l’un de ses fidèles. Il ne rate ce rassemblement que lorsqu’il est hors du pays. « Peut-on avoir une telle compagnie de personnes aussi raffinées et cultivées, et de surcroît qui jouent de la musique et rater cette occasion ? », s’interroge Mansour, dont le sourire ne quitte pas son visage. Il fait de temps en temps bouger ses jambes et sa tête pour exprimer sa joie.  

Et des auditeurs aussi

D’autres mélomanes ont décidé de joindre ce salon. Ils sont là pour apprécier la musique. D’après Saher, la présence de ces auditeurs est très importante car elle enrichit le salon et nous encourage à faire mieux. « Ils viennent avec des demandes précises de chansons que nous tenons à leur présenter ».

Le plaisir devient plus fort lorsqu’ils jouent en présence d’une audience, et le spectacle peut durer pendant des heures. « Je me suis éloigné un peu à cause du travail, mais une fois à la retraite, je me suis donné corps et âme à ce salon qui représente pour moi la plus grande source de joie », confie Saher qui est aussi un membre fidèle dans d’autres salons artistiques qu’ils fréquentent au cours de la semaine. D’après lui, ces rassemblements sont beaucoup plus intéressants que ceux des cafés où il perd son temps à parler de choses inutiles.

« Endama yaäti al-massä » (quand la nuit tombe), une chanson ancienne de Abdel-Wahab que Alaa décide de chanter pour répondre aux demandes de l’audience.

Il répète des parties et fait quelques retouches à sa manière, pour susciter l’enthousiasme des autres qui expriment leur satisfaction par applaudissements. Alaa, comptable et propriétaire de projets privés, a toujours voulu être musicien ou chanteur. Il a joué des instruments musicaux depuis l’âge de dix ans. Mais son père, ingénieur, l’a obligé de devenir ingénieur ou d’entrer dans le monde du business. Ne voulant pas sacrifier son talent, il a trouvé un compromis, celui de pratiquer la musique en tant que hobby. Au cours de ces quarante ans, il n’a raté aucune chance pour profiter de son talent. Il a même été accrédité par la radio en tant que chanteur.

Mahmoud rejoint le groupe avec son violon et Khalil laisse son oud pour jouer du bouzouki. Réda, médecin spécialiste de foie, reprend le chant avec une voix mélodieuse et aussi belle que celle de Alaa. Pourtant, il se considère simplement comme un amateur. Entre son travail universitaire et sa clinique, Réda fait tout pour trouver un espace de temps pour la musique. « J’assiste à des rassemblements pareils depuis l’époque de Hamada Madkour, le médecin ayant fondé le premier salon du genre en Egypte. Depuis cette époque et jusqu’à ce jour, une harmonie regroupe les assistants, puisqu’il s’agit de personnes du même niveau culturel et social et des amateurs qui pratiquent un loisir et ont un talent commun », confie Réda.

Pourtant, les artistes professionnels commencent dernièrement à envahir ces salons, ce qui contredit le but et l’idée de leur création. « Ce sont des personnes qui ont un mode de vie et qui adoptent un comportement très différents des nôtres », s’indigne Réda qui considère ces quelques heures comme son unique détente.

Graduellement, il a décidé de se retirer de ce salon et est allé à la recherche d’autres rassemblements du genre. Mais, la présence des professionnels ne semble pas gêner tout le monde. D’après Saher, il s’agit bien d’une preuve que leur talent peut être comparé à celui des professionnels. Il s’agit aussi d’un échange d’expérience et d’une ouverture sur les dernières évolutions du monde artistique, ce qui rend l’expérience plus utile et plus fructueuse.

Les heures passent et les gorges commencent à se sécher et se fatiguer. Les regards se dirigent vers la table située au milieu de la salle sur laquelle des boissons chaudes sont servies. Khalil avait tout préparé à l’avance et quelques invités ont apporté des mets avec eux. Le pharmacien Salah Fawzi adore servir les autres. Il est l’un des fidèles de ce salon depuis quatre ans, et confie que le jour où il est venu ici pour la première fois, suite à l’invitation de Khalil, a fait découvrir en lui cette passion. « Même si je ne joue pas, j’ai vécu ce plaisir d’écouter de magnifiques pièces. De plus, j’ai appris à mieux comprendre et goûter la musique à travers l’échange de commentaires », dit Salah.

Les autres l’appellent le baromètre du salon. C’est selon ses gestes et ses regards qu’ils constatent si leur spectacle jouit de son admiration.

Par des invitations personnelles comme a été le cas avec Salah ou du bouche à oreille, le salon a fait des échos.

Ici, ils se rassemblent tous, vivent cette harmonie et parlent le même langage, celui de la musique.

Avant de quitter, Ahmad, lui aussi médecin, est là pour écouter de la musique. Pendant toute la soirée, il s’occupe d’enregistrer le show et vient de leur annoncer que la prochaine fois, il leur offrira la première cassette qui servira de souvenir.

Hanaa Al-Mékkawi

 




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