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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 30 juillet au 5 août 2008, numéro 725

 

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Mounir Fakhri Abdel-Nour, secrétaire général du néo-Wafd, estime que la crise du parti relève d’une sorte de culture de l’Egypte d’aujourd’hui, faite de divisions, qui s’est imposée partout.

« Le Wafd doit rajeunir ses cadres, son image
 et son discours »

 

Al-Ahram Hebdo : Le néo-Wafd fait aujourd’hui face à une véritable crise, que s’est-il passé exactement ? Est-ce uniquement un conflit juridique entre l’ancien et l’actuel président ?

Mounir Fakhri Abdel-Nour : Il faut remonter dans le temps pour chercher les racines de ce conflit, plus précisément à l’automne 2005. Durant cette période, des dissensions évidentes ont été mises au jour. Parce que les différends étaient là mais plutôt latents. Des différends entre le président du parti à l’époque Noamane Gomaa et le haut comité du parti ainsi que la grande majorité des comités des provinces.

— Nous étions au lendemain des présidentielles et presque au moment des législatives ...

— C’est vrai et je pense que les présidentielles elles-mêmes étaient une des causes principales de la crise actuelle. Il y avait tout d’abord le comportement de Gomaa, qui s’est avéré au-dessous de nos attentes à l’égard d’un président de parti que ce soit au niveau de la forme ou du fond. La forme n’était pas des plus respectables, vous avez certainement entendu parler du discours électoral de Port-Saïd, lors duquel Gomaa n’a pas hésité à insulter un des participants au congrès. Sur le fond, on lui avait demandé d’étudier et de planifier ses discours et son message politique mais il a refusé en disant qu’il professe depuis une quarantaine d’années et qu’il peut parler pendant des heures sans aucune préparation.

— Donc ce comportement que vous venez de décrire était un des éléments déclencheurs de la crise ?

— C’est un comportement qui a été jugé inacceptable d’autant plus que Gomaa s’était révolté après les élections présidentielles en raison de son échec (Gomaa est arrivé en troisième position après le président Moubarak et Aymane Nour dans ce scrutin). Il nous accusait de l’avoir obligé à se porter candidat. Ce qui n’est pas tout à fait faux parce qu’en effet, on l’a en quelque sorte poussé à se présenter. Mais il nous a fait assumer la responsabilité des résultats surtout qu’il sentait les critiques qui s’adressaient à lui au sein du parti.

Les présidentielles ont été suivies par les législatives et là malheureusement, il a adopté une attitude tout aussi injustifiable. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il a usé de toute sa force pour faire échouer les candidats du Wafd aux législatives. Il a réussi à faire échouer Fouad Badrawi et moi-même, mais il n’a pas réussi à obtenir le même résultat avec Mahmoud Abaza (l’actuel président du parti). Imaginez-vous un président du parti qui met les bâtons dans les roues de ses collaborateurs.

— Mais avant ce paroxysme, les luttes intestines au sein du parti se laissaient entendre en dehors des locaux ?

—  Je crois que Gomaa gérait d’une manière dictatoriale. Le haut comité demandait des changements du statut du parti. Car, c’était un statut presque élaboré sur mesure pour le fondateur du néo-Wafd, Fouad Séragueddine. Celui-ci jouait un peu le rôle du père des Wafdistes et on lui accordait énormément de pouvoirs, notamment en raison de la différence d’âge et d’expériences. Et donc, il était temps de modifier ce statut pour qu’il soit adéquat ou convenable avec un président normal, un président élu. Les changements portaient sur deux points essentiels. Il s’agissait d’abord de limiter les pouvoirs du président du parti pour rendre les structures du parti beaucoup plus démocratiques, d’avoir un véritable dialogue à l’intérieur du parti et puis de limiter dans le temps le mandat du président. Il est impossible de réclamer au président de la République d’avoir un mandat limité alors qu’au sein du parti le mandat est pour une durée indéterminée. Donc, c’était sa gestion du parti, sa gestion du journal et puis son refus de modifier le statut et son piètre score durant les présidentielles.

— Plusieurs mois plus tard, les choses ont pris une tournure différente avec des bagarres durant lesquelles des armes ont été utilisées ?

— C’est parce que le haut comité devait se réunir tous les mois, mais Gomaa a commencé à faire entendre qu’il ne respecterait pas cette nouvelle mesure et le jour prévu de la réunion, on arrive et on trouve des gens qui ne sont pas membres du haut comité occuper la salle de réunion. C’était un mélange de partisans de Gomaa et des hommes de bras qui venaient empêcher la réunion. Donc, nous nous sommes réunis dans une autre salle, en l’absence de Gomaa, et avons décidé de le limoger de son poste conformément à l’article 5 du règlement du parti. C’était une décision prise à la grande majorité, seuls 3 membres du comité ont voté contre. On avait épuisé tous les moyens et les choses traînaient depuis 6 mois. Vous connaissez le reste de l’histoire. Il a continué à venir au siège et quand il s’est rendu compte que le courant de la réforme est plus fort que lui, il est parti et allé se jeter dans les bras de quiconque, en dehors du Wafd, pour le soutenir. Il a réussi ainsi à obtenir une décision du Parquet lui permettant de retourner au siège comme si le problème était celui d’une possession de propriété. L’assemblée générale a confirmé la décision de limoger Gomaa et décidé d’élire Moustapha Al-Tawil, nouveau président. L’assemblée s’est réunie de nouveau pour modifier le statut du parti. Depuis, les prérogatives du président ont été restreintes, le mandat a été limité à 4 ans, renouvelable une seule fois. Il a été également décidé d’élire un nouveau président en juin 2006, date de l’élection d’un nouveau haut comité.

— Par la suite, Mahmoud Abaza a été élu nouveau président du parti mais en même temps Gomaa a obtenu plusieurs décisions de justice en sa faveur, l’affaire ne s’est-elle pas transformée en conflit purement personnel qui va à l’encontre du parti ?

— Gomaa a eu recours à la justice en faisant des manigances vraiment magnifiques. Il a obtenu plusieurs jugements administratifs qui, je crois, n’ont aucune importance. Le plus important, c’est le verdict émanant du tribunal civil, qui qualifie d’illégale son expulsion du parti. On a fait appel et on attend la décision de justice ce 30 juillet.

— Si Gomaa réussit à confirmer le jugement en sa faveur, que va-t-il se passer au sein du Wafd ?

— C’est absurde. Le Wafd est un parti qui a une structure, une base populaire, plusieurs milliers de Wafdistes, une assemblée générale constituée de 2 500 membres, on n’est pas dans le vide. Dans les pays où le droit règne, l’assemblée générale des partis est maîtresse de ses décisions. Au Wafd, elle se réunira le jour du procès pour reconfirmer ses décisions. Je ne vois pas comment on peut lui imposer une autre décision. Même si le verdict est en faveur de Gomaa, concrètement comment sera-t-il appliqué ? Il va pouvoir entrer au parti, mais comment va-t-il gérer ? Il y a un haut comité élu, qui le rejette, il va le limoger et travailler avec l’ancien comité qui l’a limogé !

— Comment donc sortir de cette impasse ?

— Aujourd’hui, il y a trois possibilités. La première est que le jugement sera en faveur de Gomaa et là encore, franchement, je ne vois pas comment il pourrait être appliqué ou applicable. La seconde possibilité est que le jugement ne sera pas rendu, c’est-à-dire le déférer à un spécialiste, à un comité pour l’examiner, c’est-à-dire qu’entre guillemets : le tribunal ne veut pas se prononcer. Et dans ce cas, il faut tourner la page et participer au débat politique en cours en Egypte et laisser ces différends de côté. La dernière possibilité serait un jugement en notre faveur et donc le dossier sera clos.

— Mais où se situe le néo-Wafd sur la scène politique, ne serait-il pas injuste d’imputer l’échec aux législatives à la seule mauvaise gestion de Gomaa ?

— C’est très pertinent. Je pense que le pays a besoin d’une alternative convaincante et objective au PND. Le Wafd devrait se poser comme cette alternative, crédible et objective. On devrait être là pour combler ce vide mais pour le faire, il faut remplir plusieurs conditions. Il faut être jeune, paraître jeune et parler jeune parce qu’on a affaire à une population jeune. L’histoire a donné au Wafd les valeurs et les principes, c’est un tracé de chemin mais ce n’est pas suffisant. Il faut avoir de nouvelles idées pour les nouveaux problèmes et la nouvelle audience.

— A vous entendre, on voit que le parti est riche en « idées jeunes », qu’est-ce qui empêche donc le parti de représenter cette alternative ?

— Vous connaissez déjà la réponse. Il y a des entraves de partout. On n’a pas les mains libres pour travailler. Ce n’est pas une coïncidence, ce n’est pas par pur hasard que toute la société fait face à des problèmes de ce genre. L’Ordre des avocats, le club Zamalek, la Fédération de handball, le syndicat des commerçants, les médecins ... partout il y a des divisions. Je crois qu’il y a une main invisible qui s’ingère partout pour, excusez mon langage « foutre le bordel », soit c’est un phénomène qui est devenu une sorte de culture de l’Egypte d’aujourd’hui : une culture de divisions, de sécessions, de scissions qui s’est imposée partout.

— Le néo-Wafd est-il aujourd’hui un parti vieux ?

— C’est un parti historique qui doit rajeunir ses cadres, son image et son discours. Le Wafd n’est pas assez jeune et je ne suis pas assez jeune non plus.

— Beaucoup font porter cette responsabilité de vieillissement des partis au régime, est-il possible de le pousser à agir autrement ?

— On est certainement à la croisée de chemins, à la veille d’un changement quelconque. J’espère qu’il sera positif. On s’approche très rapidement du terme d’un mandat. Il y a une génération qui doit passer la relève à une autre. Il existe d’énormes problèmes économiques et sociaux qui ne peuvent pas ne pas aboutir à des changements. Rien qu’à lire l’histoire socio-économique de l’Egypte au XXe siècle pour comprendre qu’à chaque fois qu’il y a eu une inflation, il y a eu un changement. A la fin de la première guerre mondiale, à cause de l’inflation et l’augmentation des prix, c’était la Révolution de 1919. A la fin de la seconde guerre mondiale, toujours à cause de l’inflation et ses conséquences, c’est-à-dire l’écart entre les riches et les pauvres, les mouvements sociaux qui se relèvent et se multiplient, on a eu le coup d’Etat de 1952. Aujourd’hui, nous vivons une période économiquement riche en changements, qui ont un impact social énorme et l’on s’en rend pas compte. Personne ne gère ces problèmes et je crois que quelque chose va avoir lieu.

— Et vous avez des solutions à ces problèmes ?

— Certainement. Il faut avant tout rassembler le peuple. Les problèmes sont tellement compliqués qu’ils ne peuvent pas être résolus que dans le cadre d’un accord national, un consensus national, car les solutions sont pénibles et il faut savoir partager socialement cette peine. Et pour aboutir à un consensus, il faut avoir un dialogue national. Malheureusement, on a affaire à un régime et un gouvernement qui s’imaginent avoir le monopole du savoir, de l’expérience et de la justice.

— Vous contestez la manière dont le gouvernement gère l’économie du pays ?

— Ce gouvernement gère l’économie avec le seul objectif d’augmenter la croissance et je crois que c’est un faux pari, puisqu’il n’est pas accompagné d’une politique sociale. Parier sur une politique appelée le consensus de Washington est une erreur grave, parce que là où elle a été appliquée, elle a eu exactement le même résultat : c’est-à-dire un taux élevé de croissance et une énorme disparité des biens et des revenus avec un dualisme social.

— N’est-ce plutôt un discours proche du socialisme ?

— De parler de justice sociale ? Appelez-le le communisme même. Peu importe les étiquettes. Le Wafd est le premier parti politique qui a fait entrer dans le dictionnaire politique égyptien l’idée de justice sociale. On la retrouve dans le discours de Makram Ebeid en 1936. C’est également le Wafd qui a créé les syndicats ouvriers. Si en Egypte aujourd’hui, on ne se prend pas la peine de parler de justice sociale et de la mettre à la tête des priorités de la politique économique, c’est qu’on est inconscient de la réalité. Il faut aller à la campagne pour se rendre compte combien c’est pauvre et à quel point ils ont besoin de tout.

Propos recueillis par Samar Al-Gamal

 




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