L’Union pour la Méditerranée est-elle
en faveur des Arabes ?
Mohamed Salmawy
Le plus grand acquis dont bénéficieraient les Arabes, d’après Dr Boutros
Boutros-Ghali, est que l’Union Pour la Méditerranée (UPM) de Sarkozy a replacé
le Moyen-Orient en tête des priorités de
l’Europe. Après de longues années, au cours desquelles la priorité de l’Europe,
allant de l’intérêt politique jusqu’au soutien économique, fut tournée vers les
pays de l’Europe de l’Est.
En
passant en revue les dix dernières années, nous verrons effectivement que
l’Europe a connu un recul au niveau de l’intérêt porté au Moyen-Orient, que ce
soit au niveau du dossier du conflit arabo-israélien, ou celui de la question
méditerranéenne. Notons aussi que depuis la naissance de l’Union européenne, la
Méditerranée était une préoccupation majeure, surtout pour les pays du sud de
l’Europe.
Au
cours de la dernière décennie, l’Europe n’a pas joué un quelconque rôle dans la
question du règlement de cette paix, bien qu’elle en fut la principale promotrice,
que ce soit à travers Madrid, ou plus tard, Barcelone. Par la suite, l’intérêt
s’est porté sur l’Europe de l’Est sortante du camp soviétique à l’issue de la
chute du mur de Berlin, et venant frapper aux portes des pays de l’Europe
occidentale pour revendiquer l’entrée au sein de l’Union européenne.
En
conséquence, les Etats-Unis se sont accaparés, à eux seuls, le dossier du
Moyen-Orient. Les pays de l’Europe ne faisaient qu’afficher, de temps à autre,
leur bonne volonté, chaque fois que l’occasion s’offrait à eux.
Lorsque
les Etats-Unis ont décidé de ne pas s’engager dans un règlement laissant à
Israël le soin de faire cavalier seul, les tentatives de règlement ont été
gelées, et aucun pas n’a été réalisé.
Ainsi,
l’intérêt aux pays du sud de la Méditerranée,
principales parties dans le conflit arabo-israélien, qui a commencé à
regagner du terrain, ne se réalisera qu’en trouvant un règlement au conflit du
Moyen-Orient. C’est-à-dire l’Europe se doit d’assumer son rôle auquel elle a
renoncé. Ce rôle censé être assumé par les Etats-Unis, et qui a été gelé tout
au long des dernières années.
Ce
nouvel intérêt porté au Moyen-Orient s’est manifesté depuis le lancement du
projet de l’Union pour la Méditerranée. Nous avons vu la France, l’initiatrice
du projet, intervenir afin de réaliser le règlement des différends entre la
Syrie et le Liban. D’ailleurs, durant la réunion du sommet, il a été annoncé
l’accord entre les deux parties syrienne et libanaise, prévoyant le retour des
relations diplomatiques entre elles et l’échange des ambassadeurs. Nous avons
également vu la France intervenir afin de proclamer la disposition des
Israéliens et des Palestiniens à relancer des négociations sérieuses, en vue
d’un règlement final du conflit palestinien.
La
présence des pays arabes au grand complet au sommet de l’UPM a contribué à la
réussite de cette manifestation qui a lancé le projet ambitieux de Sarkozy. Seuls
les rois du Maroc et de la Jordanie étaient absents. Et ceci n’était point un
signe d’objection, mais à cause d’autres engagements.
L’absence
du Colonel Kadhafi était intentionnelle, d’autant plus qu’il n’a pas caché, dès
le départ, des réserves quant à l’idée de l’union. L’opinion qu’il a affichée
est que l’UPM affaiblira l’Union africaine ... Mais ceux qui connaissent
Kadhafi savent bien qu’il n’a jamais abdiqué au panarabisme, même s’il a cessé
d’en parler, en raison de la déception des dirigeants arabes, tout au long des
dernières années. Dès lors, il a décidé de remplacer le panarabisme par le
panafricanisme.
Kadhafi
ressentait que l’Union pour la Méditerranée déchirait les liens arabes déjà
existants à travers la Ligue arabe et affaiblissait le poids de l’union arabe,
ainsi que l’Union africaine. Cette réserve est toujours de mise dans de
nombreux cercles arabes depuis le lancement du projet, tout de suite après la
victoire de Sarkozy aux présidentielles françaises. Cependant, nous n’avons
pris aucun pas pratique pour contrer cette réserve.
Il
était possible de remédier à cette division qui pourrait atteindre le système
arabe et que d’aucuns craignent, et ce à travers plusieurs mesures. L’une
d’elles consisterait à considérer l’Union comme non cantonnée aux seuls pays
arabes riverains de la Méditerranée. Pour les tenants de cet avis, il est
question d’inviter toutes les parties arabes, en tant qu’une seule entité, pour
en faire partie. Ainsi, ce serait une reconnaissance de la part de la rive nord
de la Méditerranée, d’un monde arabe unifié, que la nouvelle union ne cherche
pas à dissoudre.
Si la
participation de tous les pays arabes dans cette nouvelle union fait face à des
obstacles, il sera alors possible que la Ligue arabe dispose d’un membership à
part entière, d’autant que la plupart de ses pays sont riverains de la
Méditerranée.
Mais
j’ai remarqué que le résultat du sommet de lancement de l’Union était à
l’opposé de nos attentes. Les pays non riverains de la Méditerranée n’y ont pas
été invités, à l’exception de la Jordanie, pour des raisons inconnues. La Ligue
arabe a été considérée comme un hôte permanent à l’Union. Alors que, d’un autre
côté, nous avons vu la chancelière allemande Angela Merkel s’opposer avec
insistance à l’idée de l’effritement de l’Union européenne, en la divisant
entre pays méditerranéens et non méditerranéens. Elle a appelé à la nécessité
de grouper toute l’Union européenne au sein de la nouvelle union. Effectivement,
sa demande a été acquiescée et tous les pays de l’Union européenne sont devenus
membres de l’Union pour la Méditerranée, de la Lituanie, à l’est, jusqu’à la
Finlande, au nord.
Ainsi,
cette nouvelle union pourrait-elle être une perte pour les Arabes parce qu’elle
ne les considère pas comme une seule entité ? L’opinion de Kadhafi à propos de
l’Union serait-elle alors correcte et l’opinion de Merkel aurait-elle pris le
dessus ?
Si
nous mesurons les choses selon l’opinion du Dr Boutros Boutros-Ghali, qui
considère que cette union replacera l’intérêt que porte l’Europe de l’ouest à
la région arabe, il va sans dire que le fait d’annexer tous les pays de l’Union
européenne, non riverains de la Méditerranée, sera bénéfique pour les Arabes. Ainsi,
l’Union représenterait un intérêt européen complémentaire à l’égard de la
région arabe. Cet intérêt qui fait défaut voilà des années ne sera pas limité
aux seuls pays du sud de l’Europe. Probablement, le premier signe de cet
intérêt est l’adoption par l’Union européenne de l’initiative de paix arabe qui
conditionne la conclusion d’un accord de paix avec Israël au retrait total
jusqu’aux lignes de 1967.