Farouk Hosni et le vilain voisin
Salama A. Salama
Depuis
les accords de Camp David, la politique égyptienne en ce qui
concerne les relations officielles avec Israël balance entre
normalisation et inconsistance. C’est-à-dire que d’un côté,
a été instauré un minimum de relations diplomatiques,
politiques, sécuritaires puis économiques. Et de l’autre, il
y a de la méfiance, du doute et de la patience, suivant le
proverbe égyptien qui dit : « Patiente avec le vilain
voisin, jusqu’à ce qu’il meure ou parte ! ».
Or, ce voisin ne va ni mourir ni partir dans un avenir
proche. Au contraire, il profite aujourd’hui d’un réseau
important de relations internationales et arabes, et d’une
forte influence mondiale. Ce qui lui permet de jouer un rôle
influent dans la plupart des problèmes et d’intervenir dans
le cours des événements sur la scène internationale. Or,
l’Egypte, suivie par de nombreux autres pays arabes, a
adopté avec ce voisin une politique caractérisée par une
ambivalence complexe. Cette politique distingue entre les
obligations de normalisation pour avoir à faire avec un
voisin qui ne cache pas son animosité ni son avidité visant
à violer le maximum de droits arabes. Et entre un refus
populaire spontané et naturel qui considère tout contact
avec le mauvais voisin comme étant un péché impardonnable.
Ce genre de complexité dans les relations entre les
communautés et les peuples, bien qu’il semble bizarre, se
répète beaucoup.
Entre la normalisation officielle pratiquée par l’Etat et
l’inconsistance pratiquée par les peuples qui refusent
toutes relations directes dans les domaines de l’art, de la
culture, de l’information et des sports, apparaît la
problématique du ministre égyptien de la Culture, Farouk
Hosni. L’Egypte a déposé la candidature de Farouk Hosni pour
le poste de président de l’Unesco, ce qui l’oblige à avoir à
faire avec tous les pays du monde, y compris Israël. Farouk
Hosni ne veut pas fâcher les intellectuels ni d’autres
couches de la société qui refusent la normalisation. Mais en
même temps, alors qu’il s’engage dans un combat acharné pour
un poste international, il ne doit pas tomber dans le piège
de faire ou de dire quoi que ce soit qui pourrait être
qualifié d’antisémitisme ou qui pourrait susciter le
mécontentement du lobby israélien. Il semble que ce sont les
déclarations du ministre concernant la mise à feu des livres
israéliens en Egypte, qui ont jeté l’huile sur le feu.
Aujourd’hui, les Arabes souffrent des politiques
contradictoires et ambivalentes qui ont un nombre sans fin
de facettes. Ces politiques pratiquent la normalisation et
la nient en même temps, s’engagent dans ses cercles et
prétendent l’éviter pour faire semblant d’être victorieuses,
alors que l’unique gagnant est l’ennemi.
Reste à dire que l’art et la culture ont toujours été une
auto-conscience et un choix volontaire qui ne peut être
imposé par des appareils officiels gouvernementaux, même
s’ils ont recours à toute forme de censure. Laissons donc
aux peuples le droit de lire ce qu’ils veulent et de
protester contre ce qu’ils refusent sans porter atteinte à
leurs droits de connaissance. C’est ainsi qu’il fallait
répondre aux provocations israéliennes. Il faut même
appliquer ce principe à notre production littéraire et
culturelle qui est également exposée à la censure et à la
confiscation. C’est quand cette ambivalence disparaîtra
qu’il n’y aura plus de problème.