Afrique.
En accueillant le sommet de l’UA, l’Egypte confirme son
engagement dans le continent avec convergence tant des idées
que des intérêts.
Retour en Afrique
Depuis
que l’Union Africaine (UA) a été lancée en 2002, en Afrique
du Sud, avec pour ambition de devenir un outil
d’intégration, de stabilité et de développement plus
efficace pour le continent africain, c’est le premier sommet
qu’elle tient en Egypte. Le pays a abrité à trois reprises
le sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA).
L’Union africaine a succédé à l’OUA, fondée en 1963. S’il y
a souvent, au Caire, réminiscence de la première
organisation panafricaine, née suite à la lutte
anticoloniale, à laquelle l’Egypte a fortement contribué,
c’est que de nombreux analystes et observateurs estiment que
le temps où « l’africanité » était un pilier de la politique
égyptienne, est bien passé. S’agit-il d’une réflexion
nostalgique qui se réfère à un esprit révolu un peu partout,
et remplacé de plus en plus par le pragmatisme économique et
commercial ? On est à l’heure de la mondialisation, et les
intérêts politiques passent par ceux de l’économie et du
commerce. D’autres soulignent un choix plus accentué sur
l’arabisme, ou même sur une égyptiannité qui prône une plus
grande fermeture sur soi, suite à la discorde régionale.
La géopolitique a ses raisons
Pourtant,
l’Egypte est bien un pays d’Afrique et le géopolitique a ses
impératifs. « Malgré le caractère sensible du dossier du
Nil, à suivre la pensée politique égyptienne, on se rend
compte que les Egyptiens n’accordent pas l’intérêt qu’il
faut au continent d’où sort le fleuve » relève Sayed
Feleifal, ancien doyen du centre d’études africaines. Il met
en exergue, dans une recherche, les aspects historiques et
identitaires et un balancement entre nationalisme égyptien,
panarabisme et croyance musulmane, qui seraient devenus
prioritaires dans la pensée égyptienne. L’Afrique, selon
lui, n’est présente que chez les spécialistes. Au-delà de ce
langage intellectuel, il souligne que si « L’Egypte veut
préserver ses intérêts (...) selon ses besoins grandissant
en eau, elle devrait relancer son action africaine en
confirmant son identité africaine ». C’est donc une question
d’esprit autant qu’une question politique et
institutionnelle. L’Egypte s’est perdue dans les «
oubliettes du Proche-Orient, avec des dizaines d’accords
conclus » ajoute Feleifal.
Ce recul du rôle du Caire s’explique par l’importance donnée
à d’autres zones qui lui sont géographiquement proches, et
qui semblent concerner ses intérêts de manière plus
directe. « Le conflit israélo-arabe avait tellement attiré
l’intérêt égyptien qu’il a influencé négativement le
sentiment de l’appartenance africaine » relève Feleifal.
Pourtant, les intérêts égyptiens sont liés directement avec
ceux du continent, notamment la Corne de l’Afrique et la
région des lacs où le Nil prend sa naissance.
Cette absence a-t-elle été ressentie le plus au Soudan, un
pays voisin voire frère, partageant la même eau du Nil ?
Voire une certaine hostilité semble avoir régné entre les
deux pays. La crise avait éclaté avec le régime d’Al-Bachir,
depuis la tentative d’attentat contre le président Moubarak
à Addis-Abeba, commanditée et menée par des islamistes sous
la férule de l’ex-allié d’Al-Bachir, Omar Al-Tourabi.
Aujourd’hui, une sorte d’entente règne entre les deux pays.
L’Egypte craint pour sa propre sécurité toutes les idées de
division du Soudan suite au problème du Darfour et des
perspectives peu claires de la région du sud.
En plus, Le Caire s’est rendu compte de ses bévues, au
moment des discussions sur un éventuel siège de l’Afrique au
Conseil de sécurité. Là, il s’est trouvé complètement isolé
et traité comme une sorte d’intrus. Une sorte de zéro, comme
celui du Mondial 2010, acquis par l’Afrique du Sud.
On serait au bout de cette traversée du désert et ce sommet
le confirmerait avec des engagements égyptiens très clairs.
Dans ce contexte où le Caire tient à présent à rappeler
l’engagement égyptien au sein du continent, le ministre
égyptien des Affaires étrangères, Ahmad Aboul-Gheit vient
d’exprimer la volonté égyptienne de promouvoir la paix
et la sécurité sur le continent africain.
Le chef de la diplomatie égyptienne a fait remarquer que son
pays avait participé à tous les événements et activités en
matière de paix et de sécurité, tels que les réunions et les
rencontres en vue de mettre fin à des conflits dans la
région. A cette occasion, le diplomate égyptien a rappelé
que son pays était l’un des membres du Conseil de paix et de
sécurité de l’UA pendant trois années, dont le mandat a pris
fin plus tôt cette année.
Ce qu’il faudrait en définitive, c’est ce que recommande
Feleifal : « Mettre fin à la rivalité stratégique dans les
priorités de l’action extérieure de l’Egypte basée sur
l’illusion, que se concentrer sur l’Afrique compromettrait
les intérêts égyptiens au Proche-Orient ».
Ahmed
Loutfi