La commissaire européenne à l’agriculture et au
développement rural, Mariann
Fischer Boel, analyse les causes de la crise
alimentaire, et met en relief les relations de l’UE avec
l’Egypte.
« Il faut aider à créer un potentiel agricole
dans les pays en développement »
Al-Ahram
Hebdo : Quelles sont à votre avis les causes de la hausse
vertigineuse des prix des produits alimentaires à travers le
monde ?
Mariann Fischer Boel :
Il y a 2 raisons structurelles et d’autres à court terme
pour les récentes hausses des prix. La première est la
grande augmentation de demande de la part des économies
émergeantes comme la Chine et l’Inde. Les habitants de ces
pays mangent actuellement plus de viandes. Pour avoir un
kilogramme de viande, il nous faut 4 kilogrammes de céréales
et pour avoir un kilogramme de viande de volaille, il nous
faut 2 kg de céréales. La tendance des populations qui
dépasse un milliard de personnes dans ces pays à consommer
plus de viande a un impact énorme sur les marchés des
denrées alimentaires.
La deuxième raison est le changement climatique et son
impact sur la production. En 2006, le mauvais climat a
affecté la production des céréales aux Etats-Unis, dans
l’Union européenne, au Canada, en Russie, en Ukraine et en
Australie.
En 2007, c’était la même chose, à l’exception des
Etats-Unis. Il n’y a donc pas d’offres suffisantes et par la
suite, il n’y a pas eu de baisse dans les prix. Evidemment,
d’autres influences ont lieu, par exemple, plusieurs pays
exportateurs ont imposé des restrictions sur leur
exportation. Les spéculations sont aussi un facteur dont il
est difficile de déterminer l’impact, mais de toute façon,
il a joué un rôle.
— Certains accusent la Politique Agricole Commune (PAC) de
l’Union européenne d’avoir aggravé la crise alimentaire
mondiale...
— J’ai lu des commentaires de certaines personnes qui
pensent que la PAC est dans une certaine mesure accusée de
contribuer à la crise, mais je suis complètement persuadée
du contraire. Je suis convaincue qu’actuellement, la PAC ne
fait pas partie du problème, mais de la solution. Nous avons
pu prendre, grâce à la PAC, un nombre de mesures pour
augmenter notre production et par la suite l’offre. Nous
avons pu éliminer les quotas du lait, et ne pas établir de
lien entre la production et la subvention pour rendre les
paysans plus libres à poursuivre les indices du marché.
Nous avons cessé le recours au dumping de nos exportations
pour les pays en développement. Nous allons mettre fin aux
subventions de nos exportations d’ici 2013. Nous avons
ouvert nos marchés aux pays les plus pauvres. Et nous
espérons aboutir à un accord équilibré dans le cadre des
négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)
pour relancer le commerce des aliments et des produits
alimentaires et réduire les barrières tarifaires.
— Pourquoi donc ces mesures n’ont-elles pas pu alléger la
crise ?
— Il n’y a pas un problème d’insuffisance d’aliments dans
l’Union européenne, mais il s’agit d’une grande hausse des
prix par rapport à la période où nous avons joui des petits
prix de longues années. Et en même temps, on n’a pas de
surplus. Au contraire, quelques pays en développement
envisagent une vraie situation critique. C’est pourquoi nous
voulons tendre la main aux pays qui ont en besoin. Nous
avons pris toutes les mesures pour qu’on puisse augmenter
nos apports. Nous avons déployé tous nos efforts pour
faciliter le commerce aux pays les plus pauvres.
Par exemple, nous avons octroyé un accès total à nos marchés
aux pays les moins développés. Nous négocions sérieusement
pour conclure un accord ambitieux et équilibré dans le cadre
du cycle de Doha des négociations de libéralisation du
commerce.
Un tel accord est en mesure de libérer le commerce des
aliments au profit des pays en développement. Nous avons
besoin de contribuer aux efforts globaux, on veut accorder
de l’aide à court terme pour les peuples qui souffrent du
manque d’aliments. Nous avons également besoin de solutions
à long terme, en concentrant nos aides sur le développement
afin d’aider à créer un potentiel de production agricole
dans ces pays. Nous devons aussi offrir non seulement
l’argent, mais également la technologie et le savoir-faire.
— La commission européenne consacre un grand budget pour la
PAC qui s’élève à 43 milliards d’euros, et vous avez proposé
de présenter le reste du budget aux agriculteurs des pays
tiers. Comment ?
— Nous allons réduire le budget de l’agriculture cette année
partiellement à cause de la hausse des prix. On va consacrer
moins d’argent pour les mesures de support du marché. J’ai
proposé qu’une partie de cet argent soit octroyée aux
projets de l’agriculture dirigés par des organismes
internationaux dans les pays en développement. Cette
proposition est en cours de discussion à la commission
européenne.
— Quelle est la nature des relations agricoles entre
l’Egypte et l’UE ? Des accords bilatéraux sont-ils envisagés
?
— Les relations agricoles entre l’Egypte et l’Union
européenne se font dans le cadre de l’Accord
euro-méditerranéen d’association, par lequel les deux
parties se sont mutuellement octroyées des concessions
tarifaires.
Les exportations de produits agricoles égyptiens vers
l’Union européenne sont en progression régulière depuis
2002, atteignant 616 millions d’euros en 2006.
L’Accord d’association est entré en vigueur totalement en
juin 2004, la partie commerciale ayant fait l’objet de
mesures provisoires applicables depuis le 1er janvier 2004.
L’Egypte bénéficie déjà aujourd’hui d’une couverture
préférentielle appréciable pour ses produits. En effet, 42 %
des importations communautaires originaires de l’Egypte
entrent dans le territoire communautaire sans droit de
douane nul. Si l’on considère les droits de douane nuls
octroyés par la Communauté, la proportion des exportations
égyptiennes bénéficiant d’une exemption de 81 %.
A l’inverse, 11 % des exportations de l’Union européenne
vers l’Egypte sont entièrement libéralisées, et 12 %
bénéficient de réductions tarifaires dans le cadre de
quotas, dont le volume est souvent inférieur au commerce
traditionnel.
Dina
Ibrahim