Corée du Nord.
Pyongyang a multiplié cette semaine les gestes visant à
prouver sa bonne volonté à se dénucléariser complètement.
Des gestes salués par la communauté internationale, mais
toujours avec « quelque méfiance ».
De la parole aux actes
Alors que la crise nucléaire iranienne semble acculée à une
impasse, une autre puissance nucléaire vient soulager la
communauté internationale, cette semaine, en prouvant sa
volonté de se dénucléariser complètement : la Corée du Nord.
Vendredi dernier, le régime stalinien a franchi une étape
importante vers la normalisation de ses relations avec la
communauté internationale, en procédant à la démolition
d’une tour de refroidissement de son réacteur nucléaire de
Yongbyon, épine dorsale de son programme nucléaire militaire
au lendemain de la déclaration détaillant ses activités
nucléaires, symbole supplémentaire de son engagement à se
dénucléariser. Yongbyon, situé à environ 100 km au nord de
la capitale nord-coréenne Pyongyang, abrite un réacteur de
recherche d’une capacité de 5 mégawatts et un centre de
traitement du plutonium.
Selon les experts, la destruction de la tour de
refroidissement est « hautement symbolique » dans la mesure
où ce réacteur a été déjà mis hors service en juillet 2007
pour afficher la bonne volonté du régime stalinien. A la
veille de la démolition, la Corée du Nord a remis à la Chine
une déclaration détaillant ses programmes nucléaires, un
premier pas vers un abandon de ses ambitions atomiques,
salué par la communauté internationale. D’emblée, la Chine a
transmis la déclaration nord-coréenne aux autres pays
participant aux négociations à Six sur le désarmement (les
Etats-Unis, la Corée du Sud, le Japon et la Russie),
précisant que le document fournissait la liste de « tous les
matériaux nucléaires, les matériaux fissiles et les
matériaux pour fabriquer des bombes ».
En effet, la remise de la déclaration constitue le premier
signe tangible de progrès depuis que la Corée du Nord a
arrêté mi-juillet 2007 son principal réacteur sur son site
nucléaire de Yongbyon. Analysant l’attitude de Pyongyang,
Mohamad Farahat, expert politique, souligne : « Le cas de la
Corée du Nord diffère complètement de celui d’Iran.
Pyongyang ne tient pas véritablement à son programme
nucléaire et il ne le considère pas comme une affaire de
dignité nationale comme c’est le cas de Téhéran. Pour
Pyongyang, le programme nucléaire n’est pas une fin en soi
mais un moyen de faire des marchandages avec la communauté
internationale, d’exercer le maximum de chantages possibles
pour collecter le plus de gains possibles. N’oublions pas
que la RDPC est un pays économiquement ruiné. Il compte sur
les aides internationales pour survivre, ce qui n’est pas le
cas pour l’Iran ».
La Corée du Nord est devenue une puissance nucléaire en 2006
en testant avec succès une bombe atomique. Mais en février
2007, elle a conclu un accord avec les Etats-Unis, la Chine,
la Corée du Sud, le Japon et la Russie, la Corée du Nord
visant à désactiver, puis à démanteler ses installations
atomiques contre une aide d’un million de tonnes équivalent
pétrole, vitale pour ce pays de 23 millions d’habitants
souffrant de pénuries chroniques. Pourtant, ces négociations
étaient dans l’impasse depuis six mois, Pyongyang ayant
laissé passer la date butoir du 31 décembre 2007 qui lui
avait été fixée pour fournir la liste de ses programmes et
désactiver complètement le complexe de Yongbyon.
Ces développements ont été fort salués par la communauté
internationale. Se félicitant des gestes nord-coréens mais
toujours avec « quelque méfiance », Washington a salué la
destruction de la tour, mais a souligné que le régime
communiste avait encore « beaucoup à faire ». Le président
américain George W. Bush a annoncé engager le processus de
levée de sanctions, tout en avertissant Pyongyang que ces
gestes restaient subordonnés à la poursuite du processus de
dénucléarisation. « C’est un premier pas, ce n’est pas la
fin de ce processus, c’est le début du processus », a ainsi
déclaré le président américain. M. Bush a aussi notifié au
Congrès américain son intention de retirer, dans 45 jours,
la Corée du Nord de la liste américaine des Etats soutenant
le terrorisme. La présence de Pyongyang sur cette liste
l’empêche de bénéficier d’aide américaine et bloque les
prêts d’organisations internationales. Quant à la Corée du
Sud, à la fois proche alliée de Washington et la voisine de
la Corée du Nord, elle a accueilli avec intérêt les gestes
positifs de Pyongyang. « La destruction de la tour de
refroidissement du réacteur nucléaire est un événement
symbolique politique démontrant sa détermination à
démanteler ses armes et installations nucléaires », a
déclaré Lee Dong-kwan, porte-parole du président sud-coréen
Lee Myung-bak.
Au dernier jour de leur réunion à Kyoto (centre-ouest du
Japon), les ministres des Affaires étrangères du G8 n’ont
pas oublié, vendredi, d’appeler la Corée du Nord et l’Iran à
renoncer à leurs programmes nucléaires. « L’important est
d’arriver à notre objectif final d’abandon des armes
nucléaires par Pyongyang », a déclaré le ministre japonais
des Affaires étrangères, Masahiko Komura.
En effet, ce scepticisme est partagé par un bon nombre
d’experts qui estiment que la démolition du programme
nucléaire nord-coréen prendra « encore des années et des
années et non des mois ». Moins optimistes, d’aucuns
estiment que : « la RDPC ne renoncera pas si facilement à
son programme nucléaire, source de marchandages et de
chantages qui lui pond des œufs d’or, surtout que ce pays a
toujours besoin d’aides internationales pour survivre. Il
faut maintenir la pression de temps à autre, créer des
crises de temps à autre pour collecter des aides
internationales de temps à autre », conclut M. Farahat.
Maha
Al-Cherbini