Pakistan.
L’offensive pakistanaise menée cette semaine contre les
Talibans a fait avorter le processus de négociations
auparavant engagées pour calmer les tensions avec la milice
islamiste.
Un pas en arrière
En
riposte à la vaste offensive déclenchée en fin de semaine
dernière contre les Talibans à Peshawar, principale ville du
nord-ouest du pays en proie à l’instabilité, la milice
islamiste a rompu, le même jour, les négociations en cours
avec le gouvernement pakistanais visant à désamorcer les
tensions par la voie diplomatique. « Les pourparlers
resteront en suspens jusqu’à ce que le gouvernement cesse de
parler d’opérations et d’attaques contre nous. Celui-ci
utilise constamment la force contre nous. Mais s’il engage
des actions militaires, nous sommes également prêts au
martyr », a mis en garde le chef taliban Baitullah Mehsud,
ajoutant que les pourparlers resteraient gelés jusqu’à la
décision finale du conseil exécutif de son mouvement.
En effet, l’idée d’engager des négociations avec plusieurs
mouvements fondamentalistes dans les zones tribales, dont
certains sont considérés comme proches d’Al-Qaëda par les
Etats-Unis, était née avec l’arrivée au pouvoir du nouveau
gouvernement pakistanais de Yousuf Raza Gilani. Une idée
très mal vue par les Etats-Unis et l’Otan ainsi que par
certains responsables afghans.
Or, la question qui se pose est de savoir quels sont les
objectifs de la politique d’Islamabad. Comment dialoguer
d’une part et frapper de l’autre ? Est-ce une sorte de piège
tendu aux Talibans ? A ce sujet, les analystes estiment que
c’est la situation sur le terrain qui a poussé les autorités
pakistanaises à reprendre l’option militaire. En effet, bien
que le gouvernement ait annoncé qu’il préférait la voie de
la négociation pour désamorcer les tensions avec les
Talibans, la menace qui pèse sur Peshawar depuis deux
semaines a conduit l’armée pakistanaise à intervenir,
d’autant que Khyber est une route d’approvisionnement
stratégique pour les troupes américaines en Afghanistan. Il
y a quelques jours, des éléments de la milice
fondamentaliste en provenance de Khyber étaient alors entrés
dans Peshawar et avaient enlevé 16 chrétiens qui ont,
depuis, retrouvé la liberté. « La situation est telle que
les Talibans sont partout autour de Peshawar. Ils sont à
notre porte », a résumé Mahmoud Shah, ancien chef de la
sécurité dans la zone tribale. « C’est comme de l’eau qui se
déverserait dans un champ. Si rien n’est fait pour en
empêcher l’écoulement, nous allons tous nous noyer ».
De peur de voir l’influence des Talibans grandir de plus en
plus dans le nord-ouest du pays, les forces de sécurité
pakistanaises ont pilonné, samedi, au mortier des positions
supposées des Talibans dans le cadre d’une offensive
d’envergure lancée pour desserrer l’étau de la milice
fondamentaliste sur Peshawar, menacé si fort, depuis
plusieurs semaines, par les Talibans. Un couvre-feu
permanent a été alors décrété dans le secteur de Bara, qui
jouxte Peshawar, où d’importants contingents de militaires
ont été déployés et la route principale menant à Khyber
était totalement bloquée. L’opération en cours est la
première action militaire de grande ampleur engagée par le
nouveau gouvernement pakistanais arrivé aux affaires en
février contre les Talibans opérant dans ce secteur
frontalier avec l’Afghanistan. Selon Islamabad, l’offensive
gouvernementale, très controversée, visait à pacifier la
zone tribale frontalière avec l’Afghanistan. Elle semblait
notamment viser le dirigeant du Mouvement pour la promotion
de la vertu et l’éradication du vice, Haji Namdar, soupçonné
d’être à l’origine d’attaques contre des soldats de la
coalition internationale en Afghanistan et d’imposer sa
version de la charia, la loi islamique, dans la région.
Tension avec Washington
Outre la menace talibane qui plane sur le nord-ouest du
pays, un autre motif a probablement incité l’armée
pakistanaise à intervenir, à savoir calmer l’inquiétude des
Etats-Unis qui ont toujours accusé Islamabad de relâchement
vis-à-vis de la lutte antiterroriste et ont, par la suite,
vu de très mauvais œil l’engagement du dialogue avec les
Talibans. Cette semaine, le secrétaire américain à la
Défense, Robert Gates, s’était inquiété de l’incapacité du
Pakistan à contrôler les Talibans à la frontière et du
manque de pression exercée par le Pakistan sur les Talibans
à la frontière pakistano-afghane, alors que les attaques
dans l’Est afghan ont augmenté de 40 % pendant les cinq
premiers mois de 2008. « L’une des raisons de cette
augmentation est que davantage de gens passent la frontière
» vers l’Afghanistan, avait-il affirmé, en appelant à une
coopération renforcée entre Islamabad et les forces de
sécurité afghanes et internationales.
N’oublions pas aussi les menaces adressées par le président
afghan Hamid Karzaï au Pakistan mi-juin d’intervenir de
l’autre côté de la frontière pour y « détruire les repaires
de terroristes », qui menacent son pays.
Selon un rapport du Pentagone publié vendredi, les Talibans
seraient en mesure d’augmenter leurs attaques en 2008 et
vont probablement chercher à augmenter leur présence dans le
nord et l’ouest de l’Afghanistan, tout en poursuivant leur
insurrection dans le sud et l’Est, a affirmé le premier
rapport du Pentagone au Congrès américain sur la sécurité en
Afghanistan. « Malgré des revers infligés en 2007 aux
insurgés par les soldats de l’Otan et les forces de sécurité
afghanes, les Talibans sont susceptibles de maintenir, voire
d’augmenter, l’étendue et le rythme de leurs attaques en
2008 », estime le département américain de la Défense,
rappelant que la violence a augmenté en 2007, car les succès
remportés par les forces de sécurité internationales et
afghanes ont poussé les insurgés à augmenter leurs attaques,
faisant plus de 6 500 morts l’an dernier.
Maha
Al-Cherbini