Al-Ahram Hebdo, Arts | La route qui vient
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 Semaine du 2 au 8 juillet 2008, numéro 721

 

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Arts

Cinéma. La comédie Ala ganb yasta (fin de parcours) de Saïd Hamed peint avec épure la singularité et l’exemplarité du regard d’un chauffeur de taxi sur le présent.

La route qui vient 

Ala ganb yasta n’est pas un film, c’est un personnage. Démarche souple ou heurtée, Salah (Achraf Abdel-Baqi), chauffeur de taxi, court quelle que soit sa vitesse dans le hasard des rues, l’urgence des avenues, comme la poursuite lumineuse épie les pas du danseur. Tapi dans son siège, patient et attentif aux gestes des clients, Salah connaît la violence, il y est parfois sujet. D’autres fois, il se noie dans son lyrisme naturel. Ailleurs encore, il se laisse porter par la rue cairote. Flexible, les portes lui sont ouvertes et peu de clients résistent à son désir de parler. Il ne raconte pas tant une histoire qu’il ne démontre les caractères de ses clients.

Entre deux phrases : « Tu es libre, chauffeur ! » et « arrête- toi sur le côté », se dessine une galerie de portraits des personnages avec leurs soucis et leurs occupations divers face à Salah présent comme un songe ou tout comme. Affichant une silhouette d’exilé, à peine rentre-t-il chez lui au lever du soleil pour retrouver sa femme et ses enfants que sa mère le renvoie sur les routes chercher son frère Mareï (Asser Yacine), égaré, absent. Mais Salah s’est construit ailleurs, avec d’autres images. Celles du témoin du quotidien où l’approximation d’une unique détermination sociale est évacuée. Cela l’aide à exister plus.

Au contraire de son frère Mareï, qui vit en ombre, dans un espace galvaudé de vols et de casses, il cherche son inspiration dans un espace collectif, et à bonne distance possible. Extérieur, il se contente d’observer le souffle de l’autre. Il ne transige pas avec ce qui élève son personnage et lui fait gagner son existence dans la dignité. Au lieu de jouer sur la reconnaissance, il fait spectacle d’un autre ordre, le pari de l’altruisme. Si sa tâche est la communication, autant le situer dans la quête du partage, de l’émotion. Sa course est moins une fuite qu’une recherche impatiente de ce qui explique la logique des conduites, des rapports. Il repère une prostituée à la tombée de la nuit, dont il défend l’honneur face à ses assaillants. En vue d’un éventuel acte héroïque, il aide Nour (Arwa Gouda), une cliente assidue, à se débarrasser du mari de sa sœur qui la harcèle pou lui enlever la garde de son fils. Lui aussi, il a droit à son épisode amoureux avec Nour, qui lui permet de retrouver son vrai visage, ses véritables émotions. C’est l’exigence de l’inversion du cliché du sauveur désintéressé, appliquée à la morale. Hésiter entre l’amour de Manar (Rogina), son épouse, et Nour, l’équilibre devient flottant. C’est la moindre des choses.

Est réussie aussi l’opposition classique que donne le cinéaste Saïd Hamed entre les deux frères Salah et Mareï qui cavalent dans le présent, qui détermine leur évolution, dans l’espace, les territoires que délimite leur champ d’action. Tous deux exilés de leur espace familial, l’un est rompu à la quête de gagner son pain et d’accompagner ses clients, qui devrait l’émanciper, l’autre est piégé par la bonne intention de vouloir voler aux riches pour aider les pauvres. Abondent ainsi, seuils, cadres et miroirs, suggérant le mirage de Mareï et le possible sobre de l’existence de Salah. Les ratés de l’apprentissage mutuel soulignent fréquemment la fragilité des approximations et des bonnes intentions. C’est depuis cette altérité que chacun peut souffler sur les pérégrinations de cette époque, où l’appropriation d’un espace de survie est aléatoire, sinon difficile, dans cette ville qu’ils peinent à reconnaître. Le statut d’exilé dont les deux frères sont affublés est convoqué pour garantir une certaine éthique, celle de renverser les logiques habituelles.

Le cinéaste tire sur la corde de l’humour fantaisiste qui sied au personnage de Salah. A chaque étape de son trajet, il lui consacre un chapitre de réflexion tantôt sur le nationalisme arabe, tantôt sur les accrocs entre la police et les islamistes. Des moments du film, où il s’accorde le luxe d’un regard ironique sur un îlot heureux d’aveuglement. Des fois, il intervient très intelligemment en véritable interlocuteur, capable de distribuer cartes et rôles dans ses échanges avec ses clients. S’il joue les passe-murailles, ce n’est pas en abusé, mais en pelé du quotidien, en recherche permanente du grand pont, du grand moment. Celui fluide et éphémère, où lui et ses clients, ceux qui l’entourent, s’entendent, où chaque geste arrive à bon port, jusqu’à, l’espace d’une seconde, ne plus avoir besoin du sol. Pour enfin être dans l’image. Et ça roule !

Amina Hassan

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