Al-Ahram Hebdo, Littérature | Le Pastoral
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 Semaine du 4 au 10 juin 2008, numéro 717

 

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Littérature

Dans ces poèmes inédits, la poète égyptienne Fatma Naoot multiplie les métaphores de l’échange amoureux ; les images bucoliques s’y fondent dans la complainte discrète des mal aimées.

Le Pastoral

 

Elle me brise et …

Comme une noix

Elle porte ses tentacules, son impulsion et ses fragments mouillés

Et s’apprête à la vie.

 

Elle m’élève

Comme une mûre qui ouvre son velours

Et fait don de son suc à un rustre villageois

Qui porte une pioche

Et un panier de raphia.

 

Il est dur le bois de la noix

Le nectar de la mûre est tendre

Et entre eux se trouve une jeune fille

Qui ne peut que t’aimer

Et qui n’a appris que la couleur de tes yeux

L’instant de la prière de la nuit.

 

Tu me dis :

Un nœud

Dont les fils se sont amoncelés par l’action des prêtres

Qui n’ont pas lu le Livre

Alors ils ont plié la tente

Et toi qui es une femme

Qu’on n’enlace pas,

Et moi le Pastoral

Qui t’a fait éprouver les peines.

 

Sous le grain de raisin-là

— Brodé de ses feuilles —

Je vais dénouer des enchevêtrements

Et des fils

Et des bourgeons

Qui se sont condensés autour de ton cocon,

Et je dis :

Mon cocon

Des chenilles de ver à soie l’ont fait jaillir

Des années, des décennies et des talismans

 

Et là-bas des épines dans les corolles

Alors sois prudent !

Et tu dis :

Mon doigt

Le mot de passe.

 

Le doux toucher de mon cou

Maintenant entre tes mains

Ne ressemble pas à la montagne que je porte dans ma jarre

Là où je vais,

Mais la montagne

Sait comment respirer

Ne serait-ce qu’une fois

Pour un païen

Qui s’habitue chaque jour à l’hérésie

Et une femme

Qui porte beaucoup de secrets

Et des tourments

Mais à la place du cœur

Il y a une perle de verre bleu.

 

Syrie, août 2007

 

 

 

J’abaisse le balcon pour que tu viennes

 

Ma fenêtre est baissée au matin

Je l’élève le soir

Et tu ne viens pas

Ta voix seule

Parvient

Elle ne dit pas viens

Mais :

Epie les étoiles dans le ciel

A chaque fois que s’éteint une étoile

Je franchis un mille

Vers toi.

 

Les étoiles

Se dotent chaque nuit

D’une étoile

Et la vaste maison

N’est pas immense

Seulement froide

C’est-à-dire

L’air dans ma maison

C’est trop pour un seul nez

Et je ne crains pas la solitude

Mais je suis occupée par la recherche des âmes évanescentes

Dans ma maison

Bien que je n’aie

Aucun moyen d’anéantissement

Et dans ma main il n’y a pas un bâton

Mais l’âme y manque !

 

Même la fourmi !

La fourmi cavalière

La paisible fourmi que j’ai appelée « intimité »

Qui paraît chaque nuit

De la fissure de la dalle de la cuisine

Pour me dire que ta soirée soit de sucre

Et je lui donne à manger un grain de sucre

Ne m’a pas visitée depuis deux jours !

 

Une étoile maintenant

Est sur le point de s’éteindre

Je vais abaisser le balcon

Avant qu’elle ne revienne sur sa parole.

 

Le Caire,

le 30 octobre 2007

 

 

Je crains la couleur blanche

 

A celle qui est partie

 

Et que vais-je faire des sacs de riz et de sucre

Et de petits pois secs

Et des têtes d’ail

Que j’ai trouvées dans ta cuisine ?

Et qu’est-ce que je fais de ton chat blanc

Accroupi dans le séjour

En silence il contemple la porte de l’appartement

Ses oreilles tremblent

Avec chaque pas dans l’escalier ?

Qu’est-ce que je fais

Des photos de famille sur le mur blanc ?

Des portes blanches

D’un rideau blanc immobile

Parce que les persiennes sont fermées ?

De la vieille voiture blanche

Qui n’est plus en bas de la maison ?

D’une serviette de bain blanche qui porte ton odeur

D’une touffe de tes cheveux blanche

Accrochée au peigne

D’un châle de soie blanc

Qui a uni tes épaules accablées de peines ?

De ma mélancolie

De ma peur ?

Est-ce que je la vends et je me procure des cachets de somnifères ?

Est-ce que j’échange son prix contre un vieux père

Dont j’ai oublié les traits,

Et une mère

Qui ne voyage pas pour une cure

Et me laisse seule ?

Suffit-elle ?

Retourne

Et épargne-moi la moitié du prix.

 

Le Caire, le 27 mai 2007

 

 

L’idiote du village

 

J’ai besoin de pleurer

Oui !

Moi la fille

Qui confond les rues

Et se trompe dans les comptes et le calcul

La fille qui rit tout le temps

Et qui avale les sourires des passants

Lorsqu’elle ne sait si c’est de la dérision

Ou de la pitié

Elle porte son chat sur la poitrine

Elle parcourt les chemins du village avec sa djellaba élimée et ses cheveux ébouriffés

Et de sa poche déchirée

Tombe l’écorce des fèves

Et les bouts de pain sec

Ses dents sont tombées à force de rire

Alors elle les a avalées

Car elle n’a pas de mère pour lui apprendre le rituel du soleil

« Soleil, ô Soleil »

Et parce qu’une vieille femme

Qui s’assoit à Bab El Khalk

Lui a appris

Qu’avaler la dent

Fait pousser une autre

Pour cela elle ne s’est pas débarrassée des morceaux desséchés

Et ronger ses ongles jaunes a été repoussé

Jusqu’à la saison des dents.

 

Seule

Esseulée

Sans famille

Sans amis

Et les gens n’ont pas réussi à l’aimer

Elle chante

Malgré sa mauvaise prononciation

Et malgré la disparition du sîn, du chîn, du thâ et du sâd.

Un homme l’a crucifiée sur la noria du village

Et lui a fait un enfant

Elle l’a nourrie de son pain dur

Alors elle est morte

Elle n’a pas de famille et pourquoi les gens ne peuvent pas l’aimer ?

A la fin, elle a pensé pleurer

Oui

L’idiote du village a besoin maintenant de pleurer

Sur ton épaule à toi

Toi qui ne la grondes pas

Lorsqu’elle se trompe en comptant ses doigts

Et qui n’épies pas sa cuisse

Quand l’habit est remonté

Devant l’embrasement du four.

 

Le Caire, décembre 2006

 

Traduction de Suzanne El Lackany

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Fatma Naoot

Elle est née au Caire en 1964. Poétesse et architecte de formation, elle a déjà publié 10 œuvres entre recueils de poèmes, traductions et écrits critiques.

Son 5e recueil de poèmes Qarouret samgh (flacon de colle) a reçu le premier prix du poème arabe à Hong Kong en 2006, et a été ensuite traduit vers l’anglais et le chinois en 2007.

Parmi les recueils de Naoot qui se classe sous le label du poème en prose, Naqrat isbae (claquement de doigt, GEBO, 2002), Qétae touli fil zakera (bande verticale dans la mémoire, GEBO, 2003), Heykal al-zahr (structure de roses, Dar al-nahda al-arabiya à Beyrouth, 2007).

Parmi ses traductions Machgoug bi faës (fendillé par une pioche, l’Organisme général des palais des cultures, 2004), qui est une anthologie de poèmes américains et anglais. De même que Poches alourdies par les pierres, autour de Virginia Woolf, dans le cadre du projet national de traduction, en 2005.

 

 

 




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