Faits Divers.
Cinq morts et 7 blessés, tel est le bilan de trois incidents
à relent confessionnel, mais qui ne semblent guère liés.
L’écho qu’ils ont fait témoigne cependant de l’existence
d’une certaine tension au sein de la société.
Des crimes qui préoccupent
Mercredi
dernier, vers 13h, la rue Zeitoun, dans le quartier
populaire du même nom, au nord du Caire, près d’Héliopolis,
avait rendez-vous avec un massacre horrible. La bijouterie
Cléopâtre, située au numéro 9, a fait l’objet d’une attaque
menée par deux assaillants déguisés et armés qui ont ouvert
le feu tuant 4 personnes, toutes coptes, dont le
propriétaire, et blessant deux autres. D’après les
témoignages des deux employés blessés, les assaillants
avaient comme but essentiel d’assassiner Makram Gamil,
propriétaire, plutôt que de procéder à un cambriolage. Après
l’avoir abattu, ils ont ensuite tiré sur les employés,
abattant Amir Mikhail, Boulos Helmi, et Hémaya Makram. Les
témoins, s’ils ont eu la vie sauve, c’est parce qu’ils se
sont cachés dans les toilettes.
Si l’affaire sent le roussi, c’est que les investigations
préliminaires de la police ont révélé que rien n’a été volé,
ni argent ni or, bien que cette bijouterie soit l’une des
plus luxueuses de cette rue. 48 heures plus tard, c’est à
Alexandrie, à 185 km au nord du Caire, et précisément dans
le quartier Labbane dans la zone de Manchiya, qu’une autre
attaque a eu lieu. La bijouterie Zaki Béchara située au
rez-de-chaussée d’un ancien bâtiment formé de deux étages a
été attaquée, toujours, à 13h par deux personnes déguisées
en femmes qui portent le niqab. Ici, heureusement, il n’y a
pas eu de morts. Le propriétaire a été légèrement blessé,
les assaillants étant armés de couteaux. Ils ont dérobé 140
000 L.E. Le fait que les bijoutiers attaqués soient coptes a
tout de suite suscité craintes et interrogations.
S’agissait-il d’incidents confessionnels ou de simples actes
de banditisme ?
Or, l’aspect confessionnel s’est trouvé tout d’un coup mis
en exergue avec des incidents qui ont eu lieu à Minya en
Haute-Egypte. Le lendemain, samedi, entre 17h et 6h, dans
l’entourage du couvent Abou-Fana dans le gouvernorat de
Minya, à 300 km au sud du Caire, une querelle a eu lieu
entre des coptes et des musulmans afin d’empêcher les
travaux effectués par les responsables du couvent pour
élargir sa surface. Résultat : un mort musulman Khalil
Mohamad et des blessés coptes Rafaat Zakariya, Bakhoum
Abou-Fana, Sawirès Abou-Fana et Vini Attalla Vini.
De mauvais souvenirs
Le
lendemain, quelques centaines de chrétiens ont manifesté,
critiquant la passivité des autorités face aux attaques de
musulmans dont ils se disent victimes.
Tension donc, car ces trois incidents ont tout de suite
rappelé des incidents qu’a vécus l’Egypte pendant les années
1980 et 90. A l’époque, les mouvements islamistes
attaquaient les bijouteries, surtout celles des chrétiens
pour avoir des sources de financement pour leurs attentats
terroristes. Ils se sont trouvés renforcés dans leurs
méfaits par des fatwas de certains de leurs théologiens
rendant licite de voler des coptes. Mais avec le
démantèlement et l’emprisonnement de la plupart des membres
de ces groupes, « on peut affirmer que de telles
organisations n’existent plus en Egypte », explique le
général Raouf Al-Ménawi, ex-porte-parole du ministère de
l’Intérieur à cette époque. Il faudrait chercher d’autres
pistes pour les affaires de vols.
De toute façon, la police a réussi à arrêter les auteurs du
cambriolage d’Alexandrie. C’est grâce aux témoignages
qu’elle a pu remonter la piste. D’après le propriétaire, les
criminels savaient qu’il gardait la somme la plus importante
dans un coffre spécial. C’est-à-dire que les lieux leurs
étaient familiers. Les témoins ont informé la police qu’une
voiture noire Nubira sans plaque d’immatriculation était à
l’attente des malfaiteurs pour s’enfuir. La piste suivie fut
donc les bureaux de location des voitures. Elle a permis de
remonter jusqu’aux criminels. Ces derniers ont basé leur
plan sur leur complice Hamza Mossaad, qui travaille dans la
même bijouterie. Il leur a donné toutes les informations
nécessaires, comme l’heure où la plupart des magasins
ouvrent leurs portes après la prière, afin de s’assurer du
moment où la rue est presque vide. De même, Hamza leur a
précisé le vendredi, car d’habitude, le propriétaire dépose
ce jour les revenus de toute la semaine dans le coffre-fort.
Là, les rideaux sont tombés pour déclarer la fin de
l’histoire d’Alexandrie qui s’avère sans lien avec celle du
Caire.
Quant à l’incident de Zeitoun, les voisins du propriétaire
assassiné, Makram, ont tous affirmé qu’il était très affable
avec tout le monde et qu’il aidait les pauvres. L’enquête se
dirige vers deux thèses, surtout que rien n’a été volé du
magasin plein d’or, de dollars et d’euros : une de ces
thèses est que le coupable serait un ex-employé que Makram
avait accusé de vol et qui a été condamné à cinq ans de
prison. Le mobile serait donc la vengeance. L’autre thèse,
c’est que le propriétaire, qui est originaire de Sohag, a
été assassiné pour une affaire de vendetta. Mais les
policiers sont dans une situation perplexe à cause de
quelques indices qui aggravent la situation. Par exemple :
les armes utilisées sont très sophistiquées et très chères.
De plus, le premier a avoir été assassiné a été le
propriétaire tué d’une seule balle au cœur. D’autres thèses
circulent : crime organisé, drogue ? Terrorisme ? Les
craintes reviennent donc. « Nous sommes très loin de cette
thèse », explique Amr Al-Shoubaki, spécialiste et chercheur
au Centre d’études politiques et stratégiques et s’occupant
des groupes islamistes. Il explique que ce n’est pas le
style des groupes djihadistes des années 1980 qui
déclaraient lors de leurs attentats leur responsabilité afin
de créer un état d’insécurité et de peur dans le pays. De
même, ces groupes avaient un but bien clair à réaliser :
fonder un Etat islamique. « Tandis que durant les 8
dernières années, l’Egypte affronte un autre genre de crimes
qui est individuel et informel », ajoute-t-il.
D’après des sources policières anonymes, ce genre de crime
est difficile à combattre, car il n’existe pas de groupes
constitués que la police peut surveiller ou des rencontres
et des communications entre associés qu’elle peut suivre.
Quant aux conflits de Mallawi, il relève de différends qui
se posent toujours quant à l’espace accordé aux lieux de
culte chrétiens. C’est plus donc un sentiment d’extrémisme
diffus.
Beaucoup de questions restent sans réponses. Coïncidences ?
Des faits divers banals ? Il est certain de toute façon que
c’est une tension latente qui s’extériorise.
Chérine Abdel-Azim