Parlement.
La session qui s’est achevée jeudi fut caractérisée par
l’adoption de lois visant à augmenter les ressources de
l’Etat pour aider les plus pauvres aux dépens des moins
riches.
L’équation des gros poissons qui mangent les petits
«
C’est une session qui a suivi les orientations du
gouvernement, surtout en ce qui concerne la perception
d’impôts, souvent à travers des lois injustes qui étouffent
les citoyens modestes », résume, sous le couvert de
l’anonymat, un député que l’appartenance au Parti National
Démocrate (PND, au pouvoir) n’a pas empêché de se démarquer
de la majorité parlementaire.
Beaucoup voient dans les lois adoptées durant cette session
parlementaire clôturée jeudi les mêmes orientations du
libéralisme économique prôné par le gouvernement. Ainsi, la
réduction de la subvention des produits de première
nécessité et de l’énergie est allée de pair avec des
législations peu exigeantes à l’égard de ceux qui occupent
le sommet de la pyramide socio-économique.
« Cette session n’est en rien différente de celles qui l’ont
précédée. Notre Parlement reste, comme toujours, le
serviteur obéissant du gouvernement et nos députés peuvent
changer de position tous les jours suivant les ordres qu’ils
reçoivent », lance le politologue Wahid Abdel-Méguid.
Toutefois, un nouveau trait de caractère se fait, selon lui,
de plus en plus visible au Parlement et ce sont « les
pressions de certains hommes d’affaires dans le sens de
leurs intérêts ».
La hausse des prix, dont les files d’attente devant les
boulangeries constituent l’image la plus frappante, a poussé
le chef de l’Etat à décider une augmentation salariale de 30
% dont les sources de financement restent à trouver. Un
cercle vicieux : le lendemain de l’annonce de cette
augmentation, l’Assemblée du peuple a voté une augmentation
des prix des produits énergétiques pour justement tenter de
financer ladite augmentation. La perception d’impôts a été
l’autre solution toute prête. Deux hommes s’en sont chargés,
le ministre des Finances, Boutros Ghali, et celui de
l’Industrie et du Commerce, Rachid Mohamad Rachid. Le
premier en proposant la loi sur les impôts fonciers et le
deuxième, la loi anti-monopole.
Le principe de collecter un impôt sur les appartements, qui
ne sont pas une source de revenu pour leurs propriétaires
qui y vivent, est nouveau en Egypte. Mais, toujours au nom
de la « justice sociale », un pourcentage de 10 % du loyer
supposé pour toute unité de logement dont la valeur dépasse
les 500 000 livres reviendra au Trésor. Vu la flambée du
marché immobilier, un appartement d’un demi-million de
livres n’est plus une preuve de « richesse » pour ceux qui y
habitent. Du coup, ceux qui vont pâtir de cette loi, ce sont
les moins riches. Les riches, eux encore une fois, s’en
sortent bien.
Pareillement, dans sa version initiale, le projet de loi
anti-monopole prévoyait une amende de 15 % sur la totalité
du chiffre d’affaires de l’entreprise inculpée de pratiques
monopolistiques, une proportion qui aurait été traduite par
des milliards de livres dans un cas comme celui du grand
magnat du fer à béton, Ahmad Ezz, qui est également
président de la commission du plan et du budget à
l’Assemblée du peuple. Rien d’étonnant alors si dans la loi
adoptée les sanctions financières ont été limitées à un
plafond de 300 millions de L.E.
Dans une première réaction, la présidente de l’Organisme de
lutte contre le monopole, Mona Yassine, a accusé Ahmad Ezz
d’avoir « vidé de son contenu » la loi anti-monopole. La
dernière version de la loi n’a d’ailleurs également pas plu
au ministre Rachid, et a fait courir les rumeurs sur son
éventuelle démission. En déplacement privé à l’étranger, il
n’avait pas pris la peine de se faire représenter lors des
débats parlementaires. Selon les rumeurs, Rachid qui luttait
pour l’adoption de cette loi, s’est senti trahi par
l’Assemblée. Mais après des jours de silence, celui-ci a
déclaré samedi à la presse sa « satisfaction » du fait que
le Parlement ait retenu « 80 % du projet de loi initial »,
estimant que c’est « un pas sur le bon chemin ».
« En tant qu’investisseur, Ahmad Ezz a le droit de défendre
ses intérêts, mais il n’a aucun droit de mélanger ses
propres intérêts avec les prises de positions du PND, à
moins que ce parti n’ait changé de veste pour devenir le
défenseur du monopole », matraque l’éditorialiste Makram
Mohamad Ahmad.
Ainsi, dans un cas comme dans l’autre, le gouvernement
libéral s’est retrouvé « à gauche » d’un lobby d’hommes
d’affaires au libéralisme peu amène.
Chérif Albert