Désertification.
En 2008, la Journée mondiale pour lutter contre ce phénomène
plaide pour l’agriculture durable afin de combattre la faim
et la pauvreté. En Egypte, l’expérience du monastère de Wadi
Al-Natroune est devenue une référence.
Les moines de l’avant-garde
Changements
climatiques, flambée des prix des denrées alimentaires,
augmentation du taux de pauvreté dans le monde ... Le thème
de la Journée internationale 2008 de la lutte contre la
désertification, célébrée le 17 juin, ne pouvait être que «
Lutter contre la dégradation de la terre pour une
agriculture durable ». Il s’agit là d’une agriculture
préservée pour les générations à venir et qui assure la
sécurité alimentaire des populations. Bref, un développement
durable qui aborde les questions de l’agriculture, du
développement rural, de la terre, de la sécheresse et de la
désertification. La Convention des Nations-Unies pour
combattre la désertification (UNCCD) est un instrument
servant à prévenir, contrôler et enrayer la désertification
et la dégradation de la terre. Elle contribue en parallèle à
la réduction de la pauvreté et à la promotion de
l’agriculture durable. En Egypte, une agriculture dans le
désert qui remplit ces critères existe, et pourrait être un
exemple à suivre pour d’autres expériences agricoles dans le
désert. Elle est menée par le monastère copte Abou-Maqar, à
Wadi Al-Natroune (la vallée de Natroune).
Sur l’autoroute Le Caire-Alexandrie au niveau du Rest House,
des panneaux indiquent le « monastère Saint-Macaire » sur la
droite. Une fois franchi le grand portail, une étendue de
vert domine dans le jaune du désert. Bananiers d’un côté,
palmiers et oliviers de l’autre. Le tout parsemé de
bougainvillées aux couleurs diverses. Les visiteurs sont
accueillis par des moines, premiers hommes à avoir tenté
l’expérience de la culture du désert égyptien dans les
années 1970. Les moines de ce monastère sont quasiment tous
médecins, pharmaciens, ingénieurs, ou vétérinaires ... « Ce
monastère a été fondé au quatrième siècle. Le pionnier de la
bonification des terres est le père Mathieu. Il a décidé en
1969 de quitter la montagne qu’il habitait pour s’installer
dans le monastère. Nous étions à l’époque douze moines. Nous
avons commencé par la construction des bâtiments dont nous
avions besoin, puis nous avons acheté des terres autour du
monastère. En 1977, notre travail de culture consistait à
rendre arable 300 feddans (126 ha). En parallèle au
traitement du sol, nous avons creusé des puits pour avoir de
l’eau », se rappelle le père Jean.
Si à la fin des années 1970, on parlait de trois puits pour
les 300 feddans, la nouvelle génération de moines
compte en 2008 pas moins de 33 puits qui nourrissent 1 600
feddans. Pour transformer la couleur jaune du désert en une
couleur verte, les moines ont commencé par planter des
arbres fruitiers. « En fait, le père Mathieu a voulu dès le
début mener de manière scientifique tous les travaux.
Cultiver le désert est différent de la culture dans la
vallée. du Nil Nous avons commencé par les palmiers dattiers
et les oliviers. Nous avons réussi également à adapter des
plantes et des animaux aux conditions difficiles de la vie
dans le désert. De nouvelles variétés de plantes ont été
importées des pays occidentaux, ainsi que de nouvelles
espèces de bœufs, vaches et moutons. Notre objectif dans ce
travail est d’améliorer les caractéristiques de nouvelles
espèces afin qu’elles s’adaptent aux conditions désertiques
», explique le père Jean. Tout est basé sur la recherche
scientifique dans le monastère. Ces moines ont été les
premiers à faire pousser des betteraves fourragères pour
alimenter le bétail, faute de pâturages aux alentours.
La culture dans le monastère dépend de l’irrigation par
aspersion et d’engrais naturels. « C’est un vrai écosystème.
Les déchets des animaux et des volailles sont utilisés pour
fertiliser naturellement le sol. Notre production principale
consiste aux olives et aux dattes. C’est pourquoi nous avons
construit de petites usines, une pour produire les olives
marinées au vinaigre, l’autre pour faire de la pâte de
dattes d’une part, et en sécher d’autres grandes quantités,
de l’autre. Toute notre production est vendue sur le marché
égyptien et nous exportons aussi cette marchandise parce
qu’elle est conforme aux critères internationaux », indique
le père Cassian, pharmacien, qui a rejoint le monastère dans
les années 1980.
La révolution verte
Au fil des années et après des expériences réussies dans la
culture désertique et durable, ce sont les instituts de
recherches en Egypte qui sont venus coopérer avec le
monastère. « Nous avons réalisé de nombreuses expériences
avec le ministère de l’Agriculture et de la Bonification des
terres. Je dois mentionner que l’ancien ministre Youssef
Wali nous a beaucoup encouragés. Nous avons tenté de
cultiver des variétés de blé qui supportent les conditions
du désert ainsi que des variétés de coton et nous avons
réussi. Nous coopérons également avec le Centre National de
Recherches (CNR) et le Centre de Recherches Agricoles (CRA)
», affirme le père Jean. Les terres produisent désormais
pommes, bananes, pêches, mangues, carottes, navets et
nombreux autres fruits et légumes. Il y a trois ans, des
bassins de pisciculture ont été aussi construits.
Quant aux ouvriers employés des moines, ce sont des jeunes
venus de plusieurs gouvernorats d’Egypte, notamment de
Haute-Egypte. Le monastère assure l’hébergement et
l’enseignement pour les analphabètes. « On ne peut pas faire
venir des ouvriers de loin sans leur assurer les conditions
d’une vie normale. Je pense que le secret de la réussite
dans le désert repose sur la coordination entre les
différents acteurs, le suivi continuel, la bonne
planification basée sur la recherche scientifique et avant
tout : ne jamais perdre l’espoir de surmonter toutes les
difficultés », insiste le père Jean.
L’expérience des moines du monastère Abou-Maqar est ainsi
devenue une référence pour l’agriculture durable dans le
désert. Le défunt président Sadate n’a pas hésité à
surnommer cette expérience « la révolution verte » dans les
années 1970. C’est cette même révolution verte qui a été
revendiquée lors du récent sommet de l’Organisation des
Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO),
tenu à Rome. Il s’agit d’une révolution verte en Afrique
visant à aider les petits exploitants agricoles à se
développer pour qu’ils nourrissent plus de personnes sur
place. Selon les participants à ce sommet, pour combattre la
désertification, la faim et la pauvreté, il faut aider les
populations à développer des solutions de développement
agricole à long terme.
Racha
Hanafi