Tchad.
Cinq mois après la tentative de renverser le régime d’Idriss
Déby, la rébellion relance l’offensive et se déclare décidée
à prendre N’Djamena.
La menace ravivée
La
tension est montée d’un cran cette semaine au Tchad, où des
combats ont à nouveau éclaté et où la rébellion se dit
décidée à prendre N’Djamena. Une ambition que la rébellion a
maintes fois tenté de concrétiser et qu’elle ne semble pas
près de laisser tomber. Cependant, sur le terrain la
situation reste confuse. Samedi, les rebelles ont brièvement
occupé Goz Beida, ville dans l’Est du pays entourée de camps
de réfugiés et située à 75 km de la frontière soudanaise. «
Nous avons pris Goz Beida après 40 minutes de combats. Les
rescapés de l’armée tchadienne ont pris la fuite », a
affirmé samedi Abdelwawid Aboud Makaye, un chef rebelle
membre de l’Alliance nationale qui avait atteint N’Djamena
en février et failli renverser le président Idriss Déby Itno.
Selon lui, la rébellion n’a subi aucune perte et s’est
emparée de 20 véhicules des forces gouvernementales. Les
rebelles affirment également qu’ils contrôlent toujours le
secteur de cette ville et qu’ils poursuivent leurs combats.
En revanche, le gouvernement affirme avoir chassé les
rebelles et assure que ses forces contrôlent la ville. «
L’objectif des rebelles était de faire du désordre et de la
publicité. Cette guerre n’est pas une guerre de position
mais une guerre de mouvement », a commenté le ministre
tchadien de la Communication, Mahamat Hissène. « Le calme
est revenu, l’armée est en train de sécuriser la ville.
Quant aux éléments de l’Eufor, ils sécurisent les
humanitaires et les réfugiés », a conclu le ministre, en
ajoutant que l’armée tchadienne est à la poursuite des
rebelles. « Une colonne de mercenaires a opéré un coup de
main sur Goz Beida avant de s’enfuir vers l’est où ils sont
poursuivis par les forces de défense et de sécurité », a
affirmé le ministre, également porte-parole du gouvernement
en commentant le départ rapide des rebelles. En effet, cette
offensive a commencé par la chute d’un hélicoptère jeudi
dernier par les rebelles et depuis ce temps les rebelles
bombent du torse affirmant rouler vers N’Djamena. Leurs
affirmations sont contredites par des observateurs. Mais ils
insistent. « Notre objectif est N’Djamena. Nous voulons la
prendre avant la fin du week-end », clame désormais M. Aboud
Makaye.
Une crise qui dépasse les frontières
Goz Beida, dans un secteur de collines, est un pôle
important dans le sud-Est. Pas moins de 80 000 déplacés
tchadiens sont concentrés sur une dizaine de sites autour de
la ville, alors que 36 000 réfugiés du Darfour, province du
Soudan voisin, vivent dans deux camps proches. Mais, lors
des derniers combats, des soldats de l’Eufor — la force
européenne déployée au Tchad et en Centrafrique pour
protéger les populations civiles — ont été pris à partie par
des éléments armés non identifiés. Une action qui a
préoccupé la communauté internationale surtout la France.
Paris, qui a soutenu M. Déby en février, a mis en garde les
rebelles : « Toute action armée visant le Tchad et ses
institutions ne peut qu’être condamnée par la France et la
communauté internationale ». Paris a demandé aux
protagonistes de « trouver une solution politique ». Les
rebelles avaient demandé à la France, qui entretient depuis
1986 un dispositif militaire au Tchad, de cesser ses
missions d’observation aérienne au profit de l’armée
tchadienne, la menaçant de tirer sur elle.
Mais, un porte-parole des rebelles a déclaré que la guérilla
était prête à renoncer à son offensive si la France et
l’Union européenne contraignaient Déby à accepter la tenue
d’une table ronde de négociations sur l’avenir politique du
Tchad. Tandis que les autorités tchadiennes refusent ces
négociations en accusant le Soudan d’être derrière
l’offensive rebelle. Le Tchad et le Soudan s’accusent
régulièrement de soutenir les rébellions en lutte contre
leur régime respectif. Entretenant depuis cinq ans des
relations très tendues et tumultueuses, les deux pays ont
signé en mars 2008 un énième accord à Dakar prévoyant
notamment que chaque pays cesse de soutenir les groupes
hostiles à son voisin. Malgré la signature de cet accord,
ils ont rompu à la mi-mai leurs relations diplomatiques
après une attaque menée près de Khartoum par un groupe
rebelle soudanais du Darfour.
Maha
Salem