Hassan Saqr,
président du Haut Conseil national du sport, ancien joueur
de handball, analyse les chances de l’Egypte aux JO de
Pékin, et fait état de ses réalisations et projets à venir.
« Notre mission ne sera pas facile à Pékin »
Al-Ahram
Hebdo : Beaucoup croient que vous n’êtes pas gâté, car vous
venez juste après un ministre de la Jeunesse sous lequel le
sport égyptien a remporté 5 médailles olympiques à Athènes
2004, après une absence des podiums olympiques qui a duré 20
ans ...
Hassan Saqr :
(Il sourit) ... Vous avez raison. Je ne suis pas chanceux
car la barre a été placée très haut. En plus, à Athènes nous
avons remporté une médaille d’or, ce qui n’était pas arrivé
depuis 54 ans. De plus, les préparations des athlètes pour
Pékin 2008 ne sont pas comme celles d’Athènes 2004. Elles ne
sont pas les mêmes, surtout que, comme vous le savez, le
projet du champion olympique qui avait un grand rôle dans la
préparation des médaillés olympiques a été suspendu pour un
an et demi après Athènes 2004 ou plus précisément après le
départ de l’ancien ministre Alieddine
Hilal (ndlr : le projet a été stoppé en 2004, après
l’arrivée d’Anass Al-Fiqi
comme ministre de la Jeunesse). Cela a perturbé les
préparations des athlètes égyptiens qui avaient le plus de
chances de gagner des médailles, surtout dans les jeux
individuels comme la boxe, la lutte, l’athlétisme et le
taekwondo. Je crois que nous avions exagéré dans la
manifestation de notre joie après Athènes 2004, d’une
manière qui ne nous a pas permis de bien nous préparer pour
Pékin 2008. Mais pour moi, le problème majeur reste la
suspension de ce projet, à un moment où nous devrions bien
nous préparer pour remporter plus de médailles à Pékin.
— A moins de deux mois des JO de Pékin, comment évaluez-vous
concrètement les chances de
l’Egypte ?
— Notre mission ne sera pas facile à Pékin 2008. Pourtant,
nous ne pouvons pas dire qu’il n’y aura pas de médailles. Je
ne vais pas faire de promesses et dire que nous allons
remporter un tel nombre de médailles. Tout ce que je peux
dire, c’est que nous ferons de notre mieux. Nous avons le
potentiel humain capable de monter sur un podium olympique à
Pékin comme le lutteur Karam Gabr,
le nageur Al-Zanati, la
pentathlonienne Aya Medani, en
plus de plusieurs boxeurs et haltérophiles. Il y a aussi le
handball et à un degré moindre le volley-ball, même si la
compétition sera rude.
— Le projet du champion olympique a été créé par l’ancien
ministre de la Jeunesse, le Dr
Alieddine Hilal, et comme vous venez de le dire, ce
projet a donné ses fruits à Athènes 2004 et aux Championnats
du monde dans plusieurs disciplines. Pourquoi n’avez-vous
pas pensé à un autre projet du genre ?
— Le plus grand défaut que nous voulons éviter à tout prix
est qu’un nouveau projet dépende d’un ministre ou d’un
responsable quelconque et qu’il s’arrête après son départ
comme ce fut le cas avec le projet du champion olympique.
Nous avons bien étudié un nouveau projet, semblable à celui
du champion olympique, qui vise les Jeux olympiques 2016. Il
commence cette année et durera 8 ans en passant par les Jeux
olympiques de Londres 2012.
Ce projet a déjà été présenté au Conseil des ministres et
nous attendons son approbation.
En préparant ce projet, nous avons pris la tâche d’éviter
les problèmes et les défaillances du projet du champion
olympique.
— Le grand projet de l’Ecole des talents sportifs qui devait
assurer la formation des futurs athlètes est gangrené par la
bureaucratie. Où en est-on aujourd’hui ?
— Vous avez tout à fait raison, mais maintenant tout a
changé. Je vous assure que l’Ecole des talents sportifs du
Caire a beaucoup évolué. Elle a changé de peau depuis début
2008 pour éviter la bureaucratie. Et il y aura aussi une
nouvelle école de très haut niveau qui sera inaugurée à
Ismaïliya début 2009.
— Vous étiez sévèrement critiqué pour avoir payé une grosse
somme évaluée à un million de L.E. pour soutenir le lutteur
Mohamad Abdel-Fattah (Bougui),
suite à son problème de dopage, et qui a échoué à se
qualifier pour les JO. On vous a accusé de gaspillage ?
— Bougui est un champion du
monde et un des espoirs du sport égyptien. Dans les jeux
individuels comme la lutte et la boxe, ce n’est pas facile
de remporter un championnat du monde. Alors, même s’il n’a
pas réussi à se qualifier pour les Jeux olympiques, il est
déjà champion du monde. Ce champion égyptien était dans une
mauvaise situation. Il était confronté à une grande
injustice. Nous avions senti que c’était une manipulation
orchestrée contre lui à travers des agences étrangères.
Toute l’histoire est que Bougui
a demandé à celui qui lui a demandé l’échantillon pour
l’analyse sur le dopage aux Etats-Unis : « Qui êtes-vous ?
». Et il a refusé de lui donner l’échantillon sans savoir
qui il était. C’était normal de le soutenir dans sa crise.
N’importe quel autre pays aurait agi de la sorte. Moi,
j’étais sportif et je sais bien à quel point un sportif est
déçu lorsqu’il fait l’objet d’une injustice.
Puis, je veux expliquer que le fait de payer une grande
somme pour protéger un champion ne peut pas être considéré
comme gaspillage de l’argent de l’Etat. Prenons comme
exemple les footballeurs, lorsqu’ils se blessent, on les
envoie se faire opérer et se soigner en Europe avec des
milliers de L.E. et parfois ces footballeurs-là ne peuvent
plus jouer de nouveau et personne ne qualifie cela de
gaspillage d’argent.
— Votre dernière décision de privatiser l’enceinte du Stade
international du Caire pour une durée de 30 ans a créé un
tollé de critique …
— Je veux profiter de cet entretien pour expliquer que ce
n’est pas une « privatisation » du Stade international du
Caire. Les médias répètent et utilisent toujours le mot «
privatisation » bien que je ne l’aie jamais utilisé. C’est
seulement un droit d’exploitation que nous allons donner à
des sociétés pour gérer financièrement les lieux en
question. C’est comme une sorte de partenariat dans la
gestion et le marketing pour 30 ans et la propriété restera
à 100 % égyptienne. Nous n’allons ni vendre, ni abandonner
nos droits. Et je répète : je refuse en bloc les mots «
privatisation » et « vente » utilisés par les médias.
Signer avec des grandes sociétés spécialisées en marketing
est un grand avantage, pour acquérir le « savoir-faire ». En
plus de cela, ce sera une bonne occasion de fournir des
emplois. D’après les études faites, ce projet de gérer
certains sites du stade en BOT fournira près de six à sept
mille emplois aux Egyptiens, soit 10 fois plus que le nombre
d’employés aujourd’hui au stade. Ajoutons à cela que nous
n’avons pas exigé que cette société soit forcément
européenne ou américaine, elle peut être égyptienne ou
arabe. C’est un appel d’offres que nous avons lancé et nous
allons choisir la meilleure offre présentée.
— La presse a annoncé que la somme de l’offre est fixée à 50
millions de dollars. N’est-ce pas très peu pour une enceinte
qui renferme plus de 10 stades sur une superficie de 226 000
m2 ?
— Je ne sais pas vraiment d’où on a sorti ce chiffre. Nous
n’avons pas donné de chiffres à la presse, car jusqu’à
l’heure actuelle, nous ne savons pas à combien se chiffre la
meilleure offre.
— L’autre sujet qui a, ces derniers temps, alimenté les
débats est celui des modifications des règlements qui gèrent
les fédérations sportives. Ne voyez-vous pas que ce n’était
pas le bon moment, surtout que nous sommes à quelques
semaines des Jeux olympiques ?
— Ces modifications sont dans l’intérêt du sport égyptien.
Je devais faire ces modifications avant les élections des
fédérations qui ont lieu tous les 4 ans. Vous savez que
selon la loi égyptienne, les élections des fédérations
sportives se déroulent la même année que les Jeux
olympiques. Le problème est que si j’avais procédé à ces
modifications après les Jeux olympiques, il y aurait
toujours un débat et les gens auraient dit que nous faisons
ces modifications pour chercher des prétextes contre les
fédérations qui auraient échoué à Pékin 2008. Je veux
clarifier quelque chose à ce sujet : ces modifications n’ont
été faites qu’après huit réunions tenues avec toutes les
fédérations sportives égyptiennes. De longues discussions
ont eu lieu et la décision a été prise à une majorité
supérieure à 90 % des membres des conseils d’administration
des fédérations. Vous ne pouvez jamais prendre une décision
qui plaise à 100 % des concernés. C’est normal.
— Après les 3 années que vous avez passées à la tête du
sport égyptien, êtes-vous satisfait de ce que vous avez
réalisé jusque-là ?
— Sur le plan personnel, je suis satisfait de ce que j’ai
fait jusqu’à maintenant. J’ai fait de mon mieux pour
améliorer le sport et pour faire mon travail comme il faut.
Comme vous le savez, je ne suis pas un fonctionnaire du
gouvernement qui essaye de garder sa place, je suis un homme
d’affaires et j’ai mon propre business, la fin de mon mandat
à la tête du Conseil national du sport ne sera pas la fin du
chemin pour moi, car je vais retrouver mon business.
— Quel est votre rêve avant votre départ ?
— Mon grand rêve est en train de se réaliser, c’est la
nouvelle loi du sport que le Conseil des ministres est en
train d’étudier. Une fois que cette loi est appliquée, elle
améliorera beaucoup l’état du sport et des sportifs en
Egypte.
Propos recueillis par
Amr Moheb