Al-Ahram Hebdo, Monde | Revers pour les islamistes
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 Semaine du 11 au 17 juin 2008, numéro 718

 

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Turquie. La décision de la Cour constitutionnelle d’annuler un amendement à la Constitution permettant le port du foulard relance la bataille entre les islamistes et les laïcs. Ce jugement pourrait préfigurer une interdiction de l’AKP dans les mois à venir. 

Revers pour les islamistes 

La crise s’embrase de nouveau entre les farouches gardiens de la laïcité en Turquie et le parti au pouvoir créé sur les cendres de partis pro-islamistes interdits, dirigé par Recep Tayyip Erdogan (AKP). Adressant le coup le plus dur au parti au pouvoir, la Cour constitutionnelle, la plus haute instance judiciaire du pays, s’est prononcée, cette semaine, contre le port du foulard islamique sur les campus universitaires, un amendement à la Constitution introduit par l’AKP, qu’elle a estimé contraire aux principes immuables de la loi fondamentale.

Dans son jugement, la Cour a estimé que le projet de loi présenté par l’AKP entrait en contradiction avec trois articles de la Constitution turque, dont l’un spécifie que la Turquie est une République laïque. Selon les experts, le désaveu de cette réforme sonne comme une victoire pour l’opposition, qui accuse le parti d’Erdogan de suivre un agenda secret dans le but d’introduire un système de lois islamiques. Malgré les mille et une tentatives de l’AKP de se défendre en affirmant que l’interdiction du voile contrevenait à la liberté de conscience et au droit à l’éducation, les forces laïques, en premier lieu l’armée, les juges et les universitaires, étaient fort inquiets à l’annonce de cet amendement en février et ils redoutaient qu’une telle révision n’entraîne une légalisation du voile dans les administrations, collèges et lycées, où il reste interdit.

Soulagé à l’annonce de la décision de la Cour, le camp laïque, avec à sa pointe l’armée, les juges et les recteurs des universités, a salué l’abandon de cette réforme. Pour sa part, le chef d’état-major, le général Yasar Büyükanit, a exhorté au respect de la décision tandis que le chef de l’armée de l’air, le général Aydogan Babaoglu, a déclaré qu’« un autre verdict aurait été anormal ».

 

Contre-attaque de l’AKP

Rejetant le verdict comme anticonstitutionnel, l’AKP est passé, cette semaine, à la contre-attaque, estimant samedi, au terme d’une longue réunion extraordinaire, que la Cour constitutionnelle avait violé la Constitution en invalidant la réforme qui levait l’interdiction de porter le foulard islamique dans les universités. A l’issue de cette réunion de six heures de la direction du parti, présidée par le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, le vice-président de l’AKP a déclaré que la Cour constitutionnelle n’était habilitée qu’à examiner les questions de procédure d’adoption des lois par le Parlement et ne pouvait pas se prononcer sur leur contenu. « La décision de la Cour constitutionnelle représente une ingérence directe dans le travail du pouvoir législatif et une violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs », a estimé le vice-président de l’AKP. Samedi, le président du Parlement, Koksal Toptan, a estimé pour sa part que la Turquie a besoin d’une révision de sa Constitution et de son système parlementaire, déplorant la décision de justice qui interdit le voile à l’université. « La Cour constitutionnelle a outrepassé ses fonctions en annulant un amendement proposé par l’AKP et largement approuvé par le Parlement en février dernier », a affirmé M. Toptan.

Pour soutenir le parti au pouvoir, des centaines de femmes voilées ont manifesté après les prières du vendredi à Istanbul ainsi qu’à Diyarbakir, dans le sud-est du pays. « Maudits soient ceux qui sont derrière les juges, Allah est le plus grand », scandaient les manifestantes à Istanbul. Selon de récents sondages, les deux tiers des femmes turques portent d’une façon ou d’une autre une forme de voile et la même proportion est favorable à la levée de son interdiction pour les étudiantes.

Analysant la situation actuelle en Turquie, Hani Raslane, expert politique, explique : « Ces dernières évolutions vont envenimer de plus en plus les relations entre les laïcs et les partisans de l’AKP. La décision de la Cour constitutionnelle est fort grave car elle a donné aux clauses de la Constitution une hégémonie plus grande que celle de la volonté du peuple turc. Cette atteinte aux principes démocratiques dans le pays ne répond pas aux revendications de l’Union européenne en vue de l’adhésion de la Turquie ».

 

L’AKP en voie de disparition ?

Il semble que la décision de la Cour constitutionnelle n’est qu’une goutte qui annonce la pluie. Un scénario beaucoup plus grave risque de menacer l’existence même du parti du premier ministre. Car l’amendement controversé figure à la tête d’une liste dressée dans un long réquisitoire du procureur de la Cour constitutionnelle, affirmant que l’AKP islamise la société turque et doit être dissous. Selon les experts, une décision en faveur d’une interdiction de l’AKP est désormais « inévitable » car cette question du voile joue un rôle central dans la tentative de dissoudre l’AKP pour menées anti-laïques et de suspendre pour cinq ans de la vie politique 71 de ses membres, dont le chef de l’Etat Abdullah Gül et le premier ministre. La Cour constitutionnelle doit se prononcer dans les mois qui viennent sur la dissolution de l’AKP. Plusieurs dirigeants du parti pensent qu’elle décidera effectivement l’interdiction et ils se préparent déjà à créer une nouvelle formation. « C’est vraiment le scénario le plus probable à l’heure actuelle. Les gardiens de la laïcité ont décidé de mener une guerre sans merci contre Erdogan et Gül pour leurs racines islamistes. Et déjà ils ont gagné la bataille. Tôt ou tard, l’AKP va être dissous et supplanté par une autre formation ayant un nom différent mais toujours avec les mêmes principes comme c’était le cas à la formation de l’AKP même. Ceci dit, des élections anticipées pourraient intervenir à tout moment », pronostique Hani Raslane, expert politique.

L’AKP, arrivé au pouvoir en 2002, a remporté une large victoire aux élections législatives de juillet 2007 avec 47 % des suffrages. Au soir de sa victoire, le premier ministre avait voulu rassurer une partie de la population, inquiète d’une islamisation progressive du pays. Mais son parti s’est ensuite attaqué à l’interdiction du voile, parvenant à amender la Constitution grâce à sa confortable majorité au Parlement, au grand dam des laïcs.

Selon les experts, le jugement de la Cour n’augure rien de bon pour le processus de réformes revendiqué par l’Union européenne car il porte une grave atteinte aux principes de la liberté et de la démocratie. D’ores et déjà, les femmes qui portent le foulard en Turquie auront à choisir entre leur religion et leur éducation. Un choix qui s’avère fort difficile ... .

Maha Al-Cherbini

 




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