Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Apprendre différemment
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 Semaine du 7 au 13 mai 2008, numéro 713

 

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Nulle part ailleurs

Initiative. Connue de par le monde, la méthode d’apprentissage Montessori est assez nouvelle pour les Egyptiens. Basée sur la découverte du monde et le respect de l’individualité de chaque enfant, elle commence à se faire connaître. Reportage dans le seul centre d’Egypte.

Apprendre différemment

Tout a commencé il y a plus d’un siècle lorsqu’une Italienne a décidé de briser tous les tabous. Elle ne comprenait pas pourquoi à son époque les études de médecine étaient réservées aux hommes.

Née en 1870, dans un quartier pauvre de Rome, Maria Montessori est l’une de celles qui ont voulu faire de ce monde un monde meilleur. Première Italienne à être diplômée en médecine, elle commence sa carrière dans les bourgs et villages les plus éloignés pour servir les enfants démunis. Dans un asile aux moyens précaires, isolé au fin fond de l’Italie, elle regroupe des enfants des deux sexes, tous âges confondus, handicapés et normaux. Elle passe son temps à les observer et à apprendre comment ils découvrent le monde. A partir de ses observations, Maria élabore une méthode d’apprentissage basée sur la découverte et l’exploration. Des gestes les plus simples, elle remarque que chaque enfant est un cas à part. Et par conséquent, une méthode d’apprentissage ne peut être appliquée de la même manière à tous les enfants. C’est cette particularité et ce respect de l’individualité de chaque enfant qui font de la technique Montessori une exception.

Aujourd’hui et un siècle plus tard, sa pédagogie a contribué à former des millions d’enfants partout dans le monde. Des Etats-Unis jusqu’en Inde, en passant par l’Europe, l’idée n’a pas cessé d’intéresser des gens. Et des professionnels de toutes les nationalités n’ont pas hésité à l’utiliser en travaillant avec des enfants des quatre coins du monde. C’est ainsi que cette méthode a dépassé les frontières de l’Italie.

En Egypte, l’histoire est tout aussi passionnante. Il s’agit d’une Américaine qui a quitté son pays avec un rêve en tête. Marguerite Richardt a décidé en 1981 de faire une courte visite en Egypte. « Je suis venue apporter ma contribution pour la fondation d’une école internationale à Maadi. Je devais rester quelques mois, cela fait 27 ans que je suis là », dit Marguerite avec un large sourire.

Cette femme qui a consacré sa vie à l’enseignement était convaincue par l’idée d’introduire la méthode Montessori en Egypte. « Lorsque j’ai pris connaissance de cette technique, tout a changé en moi : mes gestes, mes priorités, bref ma conception de la vie. J’ai senti que ma mission est de permettre aux autres de vivre la même expérience et d’en tirer les profits ». En parlant avec Marguerite, on a l’impression qu’il s’agit de beaucoup plus qu’une pédagogie. Pour elle, Montessori est presque une philosophie de vie.

Dans le centre Montessori qu’elle a fondé à Maadi, il suffit d’observer comment les enfants se comportent pour comprendre les effets. Ils ont entre 2 et 6 ans. Ils sont silencieux et suivent avec attention les gestes de leurs enseignants. Ici, on transmet aux enfants les bases de toutes les sciences, mais la méthode est tout à fait unique. Tout est basé sur la découverte. Pour s’initier à la géologie, les enfants ramassent du sable et des échantillons de sol de différentes profondeurs, les mettent dans des bocaux et les classent en différentes catégories selon la couleur et la texture avant de les examiner pour en apprendre la composition.

Pour leur première leçon en chimie, ils ont devant eux plusieurs liquides de différentes couleurs. Ils sont censés les verser dans des récipients et donner à chacun un nom. Pour découvrir les mathématiques, ils ont devant eux des bûchettes en bois qui les aident à compter, à effectuer de simples opérations. Quant à la géographie, ils apprennent les noms des continents, et savent montrer les différents pays et villes sur une carte. Et ce, sans oublier la médecine, puisqu’ils peuvent énumérer toutes les parties du corps humain en les identifiant sur un squelette. C’est ce qu’on appelle en fait une pédagogie sensorielle, puisqu’elle dépend surtout de l’exploration à travers les sens. C’est ce qui explique pourquoi elle est très efficace avec les enfants autistes.

Etrange mais vrai. Les enfants sont capables d’assimiler des sciences qui paraissent compliquées et avec une facilité incroyable. Ils savent faire une addition, une soustraction et une multiplication dès l’âge de cinq ans. Mais, ils ont le droit aussi de s’amuser et de jouir de leur temps.

Une image qui contraste nettement avec la scène classique des enfants des autres écoles, enfermés pendant des heures dans des classes étroites, face à un professeur qui ne fait rien pour les stimuler. Ici, dans le centre Montessori, l’ambiance est différente. Un personnel compétent travaille avec des petits groupes d’enfants dans des locaux vastes et accueillants. Une ambiance calme et sécurisante permet à chaque enfant de s’épanouir, de mettre en valeur ses talents. « Tout ce qui compte pour nous c’est l’autonomie, l’autodiscipline de l’enfant. Une liberté qui ne signifie ni laisser faire ni laisser aller », explique Marie-Thérèse, vice-présidente du centre Montessori. Et d’ajouter : « Les enfants apprennent à manger, à se servir seuls, à nettoyer leurs tables une fois le repas terminé et à remettre leur classe en ordre en fin de journée. C’est ainsi que l’enfant apprend à être autonome, à corriger ses erreurs et à développer son estime de soi-même ».

Aide-moi à avancer seul

Des locaux clairs et aérés, des activités sportives en plein air, les particularités de cette méthode sont l’éducation par le mouvement, le respect du rythme de l’enfant et de sa singularité, l’expérimentation des choses, bref, comment découvrir le monde. On l’appelle la méthode ouverte, l’école de la vie, sans cartable ni punition. « Aide-moi à avancer seul, donne-moi les clés pour comprendre le monde », tel est l’objectif de cette éducation fondée sur la volonté de l’enfant à se construire.

Apprendre différemment, c’est là où réside tout le charme de cette méthode. Une petite fille de 4 ans passera sa journée à examiner les feuilles d’une plante. Elle plonge quelques-unes dans l’eau pour voir l’effet que cela produit. « Le but de cette expérience est de faire comprendre à l’enfant que même les feuilles d’une seule plante peuvent être différentes les unes des autres. Tout comme les êtres humains, elles peuvent avoir des points communs, mais cela ne veut pas dire qu’elles ne possèdent pas de différences », explique Marguerite.

Mais, le mérite revient au personnel enseignant. Motivés, dynamiques, ils utilisent les matériaux disponibles dans l’environnement de l’enfant et s’en servent pour lui apprendre de nouvelles choses. Mona Moustapha a rassemblé dans sa classe des petits pois, des éponges, des assiettes en plastique, des boutons, des pinces à linge, des pièces de monnaie. Chaque jour, elle aborde un thème différent et ne va jamais au tableau pour expliquer sa leçon. « J’ai un sujet très intéressant à vous exposer aujourd’hui », c’est ainsi qu’elle commence son cours, captant ainsi l’attention de toute la classe.

Les enseignants travaillent aussi en collaboration avec les parents et ils sont en contact permanent avec eux. Il est tout à fait normal de voir des mères venir au centre et demander de rester un petit moment avec leurs enfants ou de les observer de loin pour voir comment ils réagissent en groupe. « La méthode Montessori est efficace. Elle m’a permis de comprendre beaucoup de choses sur le développement mental de ma fille et comment lui introduire à chaque âge de nouvelles activités qui vont contribuer à développer son esprit. A l’âge de 6 ans, ma fille était dynamique et bien plus brillante que ses camarades qui n’ont pas eu cette chance de suivre la méthode Montessori », explique Soha.

D’autres mères ont décidé de suivre un stage pour mieux comprendre cette pédagogie. Des cours spécialisés destinés aux parents, mais aussi au corps enseignant. C’est grâce à ces cours qui s’étendent sur 720 heures qu’ils peuvent obtenir un diplôme leur permettant d’exercer la technique Montessori dans les différentes écoles en Egypte.

Aujourd’hui, cette méthode est de plus en plus appréciée. De bouche à oreille, les parents ne cessent de parler de l’impact qu’elle a eu sur leurs enfants. Certaines écoles l’ont introduite dans les classes de maternelle en se servant d’enseignants qui ont suivi ce stage. Quelques propriétaires de garderies ont aussi décidé de l’appliquer dans leurs établissements.

Le seul inconvénient est que tout doit s’arrêter à l’âge de 6 ans. Car à cet âge, l’enfant en Egypte doit suivre le cursus imposé par le ministère de l’Education. Un cursus surchargé qui ne laisse aucun répit à l’enfant. C’est seulement au cours de la maternelle que des enfants peuvent suivre la méthode Montessori avant de se laisser bouffer par le système d’enseignement traditionnel à partir du cycle primaire. Une chose qui ne semble guère déranger Marguerite. « En Occident, la méthode Montessori est appliquée depuis la maternelle jusqu’au bac. Certaines universités américaines l’ont même intégrée dans leurs cursus en tant que méthode qui facilite l’apprentissage des sciences. Mais, l’important pour moi est déjà fait. Pendant les premières années de la vie de l’enfant, son esprit capte le plus d’informations et de connaissances. Il quitte notre centre avec une expérience qui le marquera à jamais et fera de lui un enfant tout à fait singulier. Notre mission est accomplie : on lui a appris à faire face au monde », conclut Marguerite.

Amira Doss

 




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