Initiative.
Connue de par le monde, la méthode d’apprentissage
Montessori est assez nouvelle pour les Egyptiens. Basée sur
la découverte du monde et le respect de l’individualité de
chaque enfant, elle commence à se faire connaître. Reportage
dans le seul centre d’Egypte.
Apprendre différemment
Tout
a commencé il y a plus d’un siècle lorsqu’une Italienne a
décidé de briser tous les tabous. Elle ne comprenait pas
pourquoi à son époque les études de médecine étaient
réservées aux hommes.
Née en 1870, dans un quartier pauvre de Rome, Maria
Montessori est l’une de celles qui ont voulu faire de ce
monde un monde meilleur. Première Italienne à être diplômée
en médecine, elle commence sa carrière dans les bourgs et
villages les plus éloignés pour servir les enfants démunis.
Dans un asile aux moyens précaires, isolé au fin fond de
l’Italie, elle regroupe des enfants des deux sexes, tous
âges confondus, handicapés et normaux. Elle passe son temps
à les observer et à apprendre comment ils découvrent le
monde. A partir de ses observations, Maria élabore une
méthode d’apprentissage basée sur la découverte et
l’exploration. Des gestes les plus simples, elle remarque
que chaque enfant est un cas à part. Et par conséquent, une
méthode d’apprentissage ne peut être appliquée de la même
manière à tous les enfants. C’est cette particularité et ce
respect de l’individualité de chaque enfant qui font de la
technique Montessori une exception.
Aujourd’hui et un siècle plus tard, sa pédagogie a contribué
à former des millions d’enfants partout dans le monde. Des
Etats-Unis jusqu’en Inde, en passant par l’Europe, l’idée
n’a pas cessé d’intéresser des gens. Et des professionnels
de toutes les nationalités n’ont pas hésité à l’utiliser en
travaillant avec des enfants des quatre coins du monde.
C’est ainsi que cette méthode a dépassé les frontières de
l’Italie.
En Egypte, l’histoire est tout aussi passionnante. Il s’agit
d’une Américaine qui a quitté son pays avec un rêve en tête.
Marguerite Richardt a décidé en 1981 de faire une courte
visite en Egypte. « Je suis venue apporter ma contribution
pour la fondation d’une école internationale à Maadi. Je
devais rester quelques mois, cela fait 27 ans que je suis là
», dit Marguerite avec un large sourire.
Cette femme qui a consacré sa vie à l’enseignement était
convaincue par l’idée d’introduire la méthode Montessori en
Egypte. « Lorsque j’ai pris connaissance de cette technique,
tout a changé en moi : mes gestes, mes priorités, bref ma
conception de la vie. J’ai senti que ma mission est de
permettre aux autres de vivre la même expérience et d’en
tirer les profits ». En parlant avec Marguerite, on a
l’impression qu’il s’agit de beaucoup plus qu’une pédagogie.
Pour elle, Montessori est presque une philosophie de vie.
Dans le centre Montessori qu’elle a fondé à Maadi, il suffit
d’observer comment les enfants se comportent pour comprendre
les effets. Ils ont entre 2 et 6 ans. Ils sont silencieux et
suivent avec attention les gestes de leurs enseignants. Ici,
on transmet aux enfants les bases de toutes les sciences,
mais la méthode est tout à fait unique. Tout est basé sur la
découverte. Pour s’initier à la géologie, les enfants
ramassent du sable et des échantillons de sol de différentes
profondeurs, les mettent dans des bocaux et les classent en
différentes catégories selon la couleur et la texture avant
de les examiner pour en apprendre la composition.
Pour
leur première leçon en chimie, ils ont devant eux plusieurs
liquides de différentes couleurs. Ils sont censés les verser
dans des récipients et donner à chacun un nom. Pour
découvrir les mathématiques, ils ont devant eux des
bûchettes en bois qui les aident à compter, à effectuer de
simples opérations. Quant à la géographie, ils apprennent
les noms des continents, et savent montrer les différents
pays et villes sur une carte. Et ce, sans oublier la
médecine, puisqu’ils peuvent énumérer toutes les parties du
corps humain en les identifiant sur un squelette. C’est ce
qu’on appelle en fait une pédagogie sensorielle, puisqu’elle
dépend surtout de l’exploration à travers les sens. C’est ce
qui explique pourquoi elle est très efficace avec les
enfants autistes.
Etrange mais vrai. Les enfants sont capables d’assimiler des
sciences qui paraissent compliquées et avec une facilité
incroyable. Ils savent faire une addition, une soustraction
et une multiplication dès l’âge de cinq ans. Mais, ils ont
le droit aussi de s’amuser et de jouir de leur temps.
Une image qui contraste nettement avec la scène classique
des enfants des autres écoles, enfermés pendant des heures
dans des classes étroites, face à un professeur qui ne fait
rien pour les stimuler. Ici, dans le centre Montessori,
l’ambiance est différente. Un personnel compétent travaille
avec des petits groupes d’enfants dans des locaux vastes et
accueillants. Une ambiance calme et sécurisante permet à
chaque enfant de s’épanouir, de mettre en valeur ses
talents. « Tout ce qui compte pour nous c’est l’autonomie,
l’autodiscipline de l’enfant. Une liberté qui ne signifie ni
laisser faire ni laisser aller », explique Marie-Thérèse,
vice-présidente du centre Montessori. Et d’ajouter : « Les
enfants apprennent à manger, à se servir seuls, à nettoyer
leurs tables une fois le repas terminé et à remettre leur
classe en ordre en fin de journée. C’est ainsi que l’enfant
apprend à être autonome, à corriger ses erreurs et à
développer son estime de soi-même ».
Aide-moi à avancer seul
Des
locaux clairs et aérés, des activités sportives en plein
air, les particularités de cette méthode sont l’éducation
par le mouvement, le respect du rythme de l’enfant et de sa
singularité, l’expérimentation des choses, bref, comment
découvrir le monde. On l’appelle la méthode ouverte, l’école
de la vie, sans cartable ni punition. « Aide-moi à avancer
seul, donne-moi les clés pour comprendre le monde », tel est
l’objectif de cette éducation fondée sur la volonté de
l’enfant à se construire.
Apprendre différemment, c’est là où réside tout le charme de
cette méthode. Une petite fille de 4 ans passera sa journée
à examiner les feuilles d’une plante. Elle plonge
quelques-unes dans l’eau pour voir l’effet que cela produit.
« Le but de cette expérience est de faire comprendre à
l’enfant que même les feuilles d’une seule plante peuvent
être différentes les unes des autres. Tout comme les êtres
humains, elles peuvent avoir des points communs, mais cela
ne veut pas dire qu’elles ne possèdent pas de différences »,
explique Marguerite.
Mais, le mérite revient au personnel enseignant. Motivés,
dynamiques, ils utilisent les matériaux disponibles dans
l’environnement de l’enfant et s’en servent pour lui
apprendre de nouvelles choses. Mona Moustapha a rassemblé
dans sa classe des petits pois, des éponges, des assiettes
en plastique, des boutons, des pinces à linge, des pièces de
monnaie. Chaque jour, elle aborde un thème différent et ne
va jamais au tableau pour expliquer sa leçon. « J’ai un
sujet très intéressant à vous exposer aujourd’hui », c’est
ainsi qu’elle commence son cours, captant ainsi l’attention
de toute la classe.
Les enseignants travaillent aussi en collaboration avec les
parents et ils sont en contact permanent avec eux. Il est
tout à fait normal de voir des mères venir au centre et
demander de rester un petit moment avec leurs enfants ou de
les observer de loin pour voir comment ils réagissent en
groupe. « La méthode Montessori est efficace. Elle m’a
permis de comprendre beaucoup de choses sur le développement
mental de ma fille et comment lui introduire à chaque âge de
nouvelles activités qui vont contribuer à développer son
esprit. A l’âge de 6 ans, ma fille était dynamique et bien
plus brillante que ses camarades qui n’ont pas eu cette
chance de suivre la méthode Montessori », explique Soha.
D’autres mères ont décidé de suivre un stage pour mieux
comprendre cette pédagogie. Des cours spécialisés destinés
aux parents, mais aussi au corps enseignant. C’est grâce à
ces cours qui s’étendent sur 720 heures qu’ils peuvent
obtenir un diplôme leur permettant d’exercer la technique
Montessori dans les différentes écoles en Egypte.
Aujourd’hui, cette méthode est de plus en plus appréciée. De
bouche à oreille, les parents ne cessent de parler de
l’impact qu’elle a eu sur leurs enfants. Certaines écoles
l’ont introduite dans les classes de maternelle en se
servant d’enseignants qui ont suivi ce stage. Quelques
propriétaires de garderies ont aussi décidé de l’appliquer
dans leurs établissements.
Le seul inconvénient est que tout doit s’arrêter à l’âge de
6 ans. Car à cet âge, l’enfant en Egypte doit suivre le
cursus imposé par le ministère de l’Education. Un cursus
surchargé qui ne laisse aucun répit à l’enfant. C’est
seulement au cours de la maternelle que des enfants peuvent
suivre la méthode Montessori avant de se laisser bouffer par
le système d’enseignement traditionnel à partir du cycle
primaire. Une chose qui ne semble guère déranger Marguerite.
« En Occident, la méthode Montessori est appliquée depuis la
maternelle jusqu’au bac. Certaines universités américaines
l’ont même intégrée dans leurs cursus en tant que méthode
qui facilite l’apprentissage des sciences. Mais, l’important
pour moi est déjà fait. Pendant les premières années de la
vie de l’enfant, son esprit capte le plus d’informations et
de connaissances. Il quitte notre centre avec une expérience
qui le marquera à jamais et fera de lui un enfant tout à
fait singulier. Notre mission est accomplie : on lui a
appris à faire face au monde », conclut Marguerite.
Amira
Doss