Mesures .
L’Assemblée du peuple vient de voter une augmentation des
prix des produits énergétiques pour trouver les ressources
nécessaires à la hausse des salaires de 30 % décidée par le
chef de l’Etat le 1er mai.
Après l’euphorie, le désenchantement
La
satisfaction n’aura duré que quelques jours. Le Parlement
vient d’approuver une forte hausse des prix des produits
pétroliers, ce qui réduirait à presque rien l’augmentation
salariale de 30 % destinée aux fonctionnaires et annoncée
par le président Hosni Moubarak. « Retirez les 60 L.E. que
vous allez ajouter à mon salaire mais gardez les prix tels
quels », cette réaction de Nermine, fonctionnaire au
ministère de la Culture est significative. Car la majoration
des prix énergétiques ne se limitera évidemment pas à ce
seul secteur et entraînera une augmentation devant toucher
tous les produits.
Le président avait réclamé au gouvernement que cette prime
exceptionnelle soit payée à la fin du mois de mai alors que
normalement, elle s’applique depuis le salaire de juillet,
date d’entrée en vigueur du nouvel exercice financier.
Pourtant, l’initiative présidentielle était venue couronner
plusieurs autres mesures, qui visent à calmer une tension
sociale en escalade, notamment à cause du renchérissement
des produits alimentaires. « Ces conditions exceptionnelles
imposent une augmentation exceptionnelle », avait souligné
le président. Elle exige des revenus supplémentaires pour
éviter que le déficit budgétaire ne se creuse davantage. Il
s’aligne déjà à 6,7 % du PIB en 2007-08, soit 67,7 milliards
de L.E.
Mais comment disposer de ces dépenses supplémentaires ? Un
plan proposé par le PND à cet égard est passé au Parlement,
comme une lettre à la poste, comme l’a formulé l’homme fort
du parti, Ahmad Ezz (président du comité du plan et du
budget, au sein du Parlement). Ce plan assure des revenus
supplémentaires à la hauteur de 12 milliards de L.E. Le
principal ingrédient du plan est la hausse des prix de
l’essence, du diesel ainsi que ceux du gaz naturel destiné à
l’industrie (voir graphique). Soit une baisse des
subventions allouées à l’énergie. Celles-ci s’élèvent à 56
milliards de L.E.
Pour
Ezz, cette hausse signifie donc « une redistribution de la
subvention qui profitait aux classes les plus aisées (qui
possèdent des voitures ou des usines dans les zones
franches) pour pouvoir hausser les salaires, préserver le
prix du pain subventionné et augmenter la quantité des
produits alimentaires subventionnés », a-t-il souligné lors
d’une conférence de presse. Et de donner l’exemple de
l’essence 80 octane, vendu à 0,9 L.E. la litre, qui n’a
connu aucune hausse, alors que l’essence 95 octane, utilisé
par les voitures de luxe, a connu une hausse de 57 %.
Quoi que l’argument présenté par Ezz paraisse généreux, il
ne représente qu’un seul côté de la vérité. Car l’impact le
plus pesant de la hausse des prix des carburants ne sera
autre que l’augmentation des prix de tous les produits.
L’expérience de 2004 et 2005 le prouve. Quand le
gouvernement avait effectué des hausses similaires,
l’inflation a considérablement augmenté pour atteindre près
de 18 % en 2005. Rien n’empêche que le même scénario se
répète. « Les prix des transports augmenteront, donc celui
de toutes les marchandises par suite », explique Abdallah
Chéhata, professeur d’économie à l’Université du Caire. Le
premier ministre, Ahmad Nazif, ne le nie pas. « Mais c’est
le moindre impact », selon un communiqué de presse distribué
par le comité du plan et du budget. « Vous devez imaginer la
situation si nous avons financé cette prime en augmentant le
déficit budgétaire. L’effet sur l’inflation aurait été
désastreux, ce qui aurait annulé l’effet de l’augmentation
des salaires », ajoute Nazif. En répondant à une question de
l’Hebdo, lors d’une conférence de presse, il a avoué que la
hausse du prix du diesel est celle qui pèse le plus. « Mais
ce sera un impact relativement limité, qui va être compensé
par la hausse des salaires ». Des arguments qui ne
convainquent pas Abdallah Chéhata. « En l’absence de règles
et de contrôle, les tarifs des transports augmentent à des
taux qui dépasseront de loin la majoration édictée »,
prévient-il.
Ragui Assaad note par ailleurs que « la prime ne concerne
que les fonctionnaires de l’Etat, soit le quart de la
main-d’œuvre, alors que chaque entreprise privée devra
définir la prime annuelle selon ses propres critères, la loi
du travail stipulant une augmentation annuelle de seulement
7 % ». Par ailleurs, une autre tranche, plus pauvre
travaille dans le secteur informel et dans le secteur
agricole.
Pour Ahmad Galal, directeur de l’Economic Research Forum,
c’est une mesure qui mène à davantage d’inflation. « Une
inflation galopante n’est pas souhaitable pour les
investissements, par extension pour l’emploi ». Il appelle
ainsi à prendre d’autres mesures en parallèle afin d’éviter
« que le pays n’entre dans un cercle vicieux : il s’agit de
réduire les dépenses publiques, et limiter les crédits
bancaires », ajoute Galal.
Une recette qui ne plaît pas au gouvernement qui vise à
maintenir un taux de croissance élevé, même au prix d’une
inflation élevée.
Salma
Hussein
Marwa Hussein