Protection de l’Environnement.
Récemment en visite au Caire,
Monique Barbut, présidente et directrice générale du
Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), s’exprime sur la
mission et la gestion de cet organisme.
« Il faut que le FEM reste un mécanisme innovant »
Al-Ahram
Hebdo : Pour commencer, expliquez-nous comment est né le
Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) et quelle est sa
fonction.
Monique Barbut :
Le FEM est un organisme indépendant qui réunit 178 pays, en
partenariat avec des institutions internationales, des
Organisations Non Gouvernementales (ONG) et le secteur
privé, pour s’attaquer à des problèmes environnementaux à
caractère mondial. Il accorde des aides financières aux pays
en développement ou en transition pour réaliser des projets
dans les domaines de la biodiversité, du changement
climatique, des eaux internationales, de la dégradation des
sols, de la couche d’ozone et des polluants organiques
persistants. Ces projets profitent à l’environnement à
l’échelle de la planète. Ils sont le trait d’union des
enjeux écologiques à l’échelle locale, nationale et
mondiale, et favorisent l’adoption de moyens d’existence
viables. Créé en 1991, le FEM est aujourd’hui la première
source de financement des projets d’amélioration de l’état
environnemental du globe. Il a accordé des aides à hauteur
de 7,6 milliards de dollars sur ses fonds propres et
mobilisé plus de 30.6 milliards de dollars de cofinancement
à l’appui de quelque 2000 projets dans plus de 165 pays en
développement ou en transition. Dans le cadre de son
programme de microfinancements, il a également accordé plus
de 7 000 financements, en allouant chaque fois, sans
intermédiaire, jusqu’à 50 000 dollars à des ONG et à des
organismes de proximité. Son instance décisionnelle est le
Conseil du GEF, composé de 16 pays de l’OCDE (l’Organisation
de Coopération et de Développement Economiques), de 2 pays
en transition, et de 14 pays en développement. Le Conseil
s’appuie sur un Secrétariat, basé à Washington, géré
administrativement par la Banque mondiale. Le budget du FEM
est reconstitué tous les quatre ans par les pays donateurs :
en 1994, le Fonds avait été doté de deux milliards de
dollars ; son financement est passé à 2,75 milliards de
dollars en 1998, à 2,9 milliards en 2002, puis à 3,1
milliards de dollars en 2006.
— Cela fait maintenant deux ans que vous êtes à la tête du
FEM. Comment le voyez-vous dans les 10 prochaines années ?
— Je le vois comme l’instrument financier de la CCNUCC
(Convention Cadre des Nations-Unies sur les Changements
Climatiques), mais pas uniquement de cette convention. Le
FEM est aussi l’instrument financier de la biodiversité et
de la désertification, et je pense qu’il est important de
bien garder l’ensemble de ces synergies parce que c’est ce
qui fait la force du FEM. En effet, le FEM est une
institution internationale particulière : c’est la seule
institution qui finance aussi bien les banques que les
Nations-Unies. C’est donc une passerelle importante et il
faut conserver cette passerelle entre différentes
institutions, mais entre différents secteurs aussi, et donc
pour moi, je la vois comme une institution renforcée. Je
pense qu’il faudra d’ici quelque temps revoir son système de
gouvernance globale et son système de fonctionnement, mais
je pense que l’avenir est à une structure telle que
celle-ci. Elle est unique dans le contexte multilatéral et
la seule enceinte qui ne se consacre qu’au financement des
questions d’environnement. Donc, à mon avis, il est
important de la conserver.
— Lors de la dernière conférence sur le climat de l’Onu à
Bali, il a été décidé que le FEM gère un nouvel organisme,
le Fonds d’adaptation au changement climatique. En quoi
consiste ce Fonds ?
— L’idée de ce nouveau projet de Fonds d’adaptation est
d’engranger 2 % du montant du Mécanisme du Développement
Propre (MDP), soit 70 millions de dollars dès maintenant et
500 millions en 2012. Le MDP permet à un pays qui dépasse
ses quotas d’émissions de CO2 de les compenser en finançant
des projets verts de réduction des émissions dans des pays
en développement.
— Certains pays en développement craignent que la
surreprésentation des pays industrialisés au sein du FEM ne
leur soit défavorable. Qu’en dites-vous ?
— En ce qui concerne les craintes des pays en développement,
il faut savoir que le Fonds d’adaptation au changement
climatique a un conseil qui lui est propre, donc il n’est
pas le même que le conseil du FEM. Ce conseil, dont la
composition a été décidée à Bali par la Conférence des
parties à la CCNUCC, est à majorité de pays en développement
et le principe de vote est d’une voix pour un pays. Cela
veut dire que les pays en développement ont la majorité dans
ce conseil. Donc, je pense que ce problème de
représentativité a déjà été réglé.
— Comment ce Fonds d’adaptation au changement climatique
va-t-il être géré ?
— Nous avons tenu un premier conseil au mois de mars et il y
en aura un deuxième en juin prochain. Pour le moment, on a
regardé beaucoup de questions administratives. Au deuxième
conseil, l’on devrait aborder la question des lignes
directrices de ce Fonds et donc des priorités de
financement. C’est un Fonds qui, un jour, aura beaucoup
d’argent et donc il faut le gérer comme un conseil
d’administration et non comme une négociation des
Nations-Unies. Clairement, il va falloir que l’on se mette
d’accord sur les secteurs prioritaires, les pays
prioritaires et donc cette discussion, je pense qu’elle aura
lieu dans les conseils qui vont se tenir durant cette année.
— Le FEM gère déjà deux autres portefeuilles réservés à
l’adaptation qui sont le Fonds spécial pour les changements
climatiques et le Fonds pour les PMA (Pays les Moins
Avancés). N’est-ce pas un peu trop ?
— Alors effectivement, le FEM gère déjà deux Fonds sur
l’adaptation. Ces deux Fonds-là sont aussi issus de la
CCNUCC. Donc, si un jour l’on considère qu’il y en a trop,
ce n’est pas au FEM de décider de les supprimer, mais c’est
à la CCNUCC elle-même de le faire. Moi, je considère qu’ils
ont aussi une vie un petit peu différente. Par exemple pour
le Fonds pour les PMA, il est toujours utile d’avoir de
l’argent en plus pour les pays les plus pauvres. Quant à
l’autre Fonds, il contient par exemple un volet sur le
transfert de technologie ...
— Vous tentez de développer d’autres instruments de
financement comme les crédits, alors qu’auparavant, le FEM
ne faisait que des dons. Pourquoi ?
— A mon avis, il faut que le FEM reste aussi un mécanisme
innovant, un mécanisme qui essaye de nouvelles formules.
Cela ne veut pas dire qu’on les rend obligatoires. Cela veut
dire que l’on ouvre le champ du possible pour un tas de
choses. Donc, il ne faut pas le prendre comme une chose
restrictive. Au contraire, cela permet d’élargir le champ
d’activités du FEM. Et donc, on a effectivement fait adopter
par le conseil en avril un ensemble de séries d’autres
mécanismes de financement autres que les dons. On a aussi
fait adopter une stratégie du secteur privé avec des
lancements de prix internationaux pour les programmes
innovants. Donc, on avance et on aura certainement d’autres
problématiques à présenter. On a aussi fait adopter une
approche programmatique par le conseil qui est très
intéressante pour les pays qui ont le moins bénéficié du FEM.
Propos recueillis par
Dalia Abdel-Salam