Nakba. Il y a 60
ans, ce fut une guerre d’occupation et de colonisation, la Palestine fut prise
à ses habitants. Israël fête un anniversaire qui marque pour les Palestiniens,
celui de leur catastrophe. De plus, à l’heure actuelle, il n’y a pas de
perspective visible de règlement. Etat des lieux.
Une NAKBA qui se pérennise
Il
était une fois un peuple ... une nuit, « les avions sont arrivés et ont
bombardé les routes, puis les tanks sont entrés dans la ville et l’ont occupée.
Nous nous sommes enfuis dans les champs d’oliviers. Je me suis caché là avec 50
autres personnes »... les témoignages ne manquent pas et les souvenirs
affolent. Souvenirs de journées noire de cette année 1948. Les choses ont
commencé quelques mois auparavant. En novembre 1947, les Nations-Unies votent
le plan de partage d’une terre qui s’appelait Palestine, l’objectif est de
créer un foyer pour les juifs (lire encadré ci-dessous). La Haganah, bande
paramilitaire sioniste, attaque les villes et villages palestiniens, expulse
une grande partie de la population et en tue une autre. Les atrocités étaient
importantes aussi bien que les rumeurs les accompagnant. Le massacre du village
de Deir Yassine n’est qu’un simple exemple de ces événements qui ont précédé la
Nakba. « La génération des adultes de 1948 qui avait combattu au front ou était
des officiers de la machine de guerre israélienne savait plus au moins ce qui
s’était passé, mais avait pour ainsi dire refoulé cette vérité », écrit Benny
Morris, historien israélien, qui précise que « nombreux étaient ceux qui
croyaient encore dans les années 1980 et 90 que c’étaient les dirigeants arabes
qui avaient demandé aux Palestiniens de fuir ». La théorie d’un exode
palestinien « volontaire » que beaucoup d’Israéliens tentent de véhiculer pour
rejeter le droit de retour des réfugiés Palestiniens. Des réfugiés qui sont
devenus synonyme de la catastrophe ou de la création de l’Etat d’Israël. C’était
un vendredi, il y a 60 ans, David Ben-Gourion, alors président du Conseil
national juif, proclame la création de l’Etat d’Eretz Israël, 8 heures avant la
fin du mandant britannique sur la Palestine.
Le
bruit des avions et des armes fournis à la Haganah, par les Tchèques ou les
Français, s’est encore prolongé. Des appareils de l’armée survolent les
territoires israéliens et palestiniens, des dizaines de parachutistes sautent
au large d’une plage de Tel-Aviv pour être ensuite récupérés par des vedettes
de la marine. Si ce n’est pas pour marquer les célébrités de la naissance d’un
Etat uniquement pour les juifs, le bourdonnement des appareils du Tsahal
retentit dans les alentours de la bande de Gaza, à Ramallah, partout où se
trouve la population palestinienne, la Nakba s’est prolongée. Les scènes et
images en noir et blanc trouvent facilement leurs similaires en couleurs et les
témoignages expressifs de la division du pays et l’expulsion de son peuple se
répercutent d’une génération à l’autre.
Sur un
sentier longeant l’autoroute, les manifestants agitent des drapeaux
palestiniens, en chantant : « Avec notre sang, avec notre âme, nous nous
sacrifions pour la Palestine ... il n’y a pas d’alternative au droit au retour
». Des milliers d’Arabes israéliens manifestent pour réclamer le droit au
retour sur les terres desquelles ils avaient été chassés à la création d’Israël.
A
Ramallah et pour marquer leur attachement à leur terres, les Palestiniens ont
inauguré un « camp du retour », abritant une exposition de photos et de
documents retraçant la Nakba, et à Bethléem, des centaines de Palestiniens ont
marché depuis trois camps de réfugiés autour d’un camion transportant une
énorme clé métallique pesant dix tonnes et d’une longueur de dix mètres,
symbolisant l’attachement de chaque réfugié à sa maison quittée en 1948. Quelque
760 000 Palestiniens cette année-là ; aujourd’hui avec leurs descendants, ils
sont au total près de 4,5 millions de personnes. Symbole de la perte de leur
patrie parce que si un peuple est privé de sa terre, son existence même en tant
que peuple est menacée. La volonté de la communauté internationale de permettre
le retour des réfugiés dans le cadre de la résolution 194 de l’Onu a été
complètement ignorée, juste pour le fait qu’Israël s’y oppose sous couvert
qu’il n’existe pas de place pour les Palestiniens en Palestine. Voire selon un
démographe palestinien Salam Abou-Setta, la plupart des 500 villes et villages
palestiniens démolis à l’époque de l’occupation restent inoccupés aujourd’hui. Ils
ont été détruits et leurs habitants chassés pour des raisons exclusivement
politiques : créer un Etat exclusiviste.
Une
Nakba qui se poursuit depuis. C’est ce qui explique pourquoi les choses en sont
arrivées là. A l’heure actuelle, la négation de l’autre, le Palestinien,
devient de plus en plus courante. Et ce, suite à une série d’échecs délibérés
de tout ce qu’on a imaginé comme processus de paix et tentatives de règlement. Les
guerres se sont suivies : 1956, où Israël a été le partenaire de deux empires
coloniaux sur leur déclin, 1967 où il a élargi son territoire, occupant la
Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est, et même le Golan syrien. Une agression qui
a aussi exacerbé les sentiments religieux en faisant de l’emblématique cité un
lieu de conflit politique. Et les choses se sont poursuivies. Qu’attendre à
l’heure actuelle ? La Cisjordanie ressemble à un bantoustan morcelé par 121
colonies juives et des centaines de barrages militaires.
La «
barrière de sécurité » israélienne est en voie d’achèvement, Gaza qui est aux
mains du Hamas est assiégée, alors que le Fatah règne théoriquement en maître à
Ramallah, en Cisjordanie qui sont sous occupation. Les espoirs d’un accord de
paix et de l’établissement d’un Etat sont plus minces que jamais, malgré les
assurances de l’Administration américaine qui répète vouloir un règlement du
conflit avant la fin de la présidence de George W. Bush, en janvier 2009.
Quelques
démarches politiques d’apaisement, un souhait américain de trouver un règlement
au contour vague avant la fin du mandat du président Bush. Rien n’annonce une
lumière au bout du tunnel.
Samar Al-Gamal