Initiative.
Un architecte égyptien lance une idée originale pour mettre
fin à la crise de logement. Construire des maisons en bois,
se passer de béton, de ciment et de fer dont les prix ont
flambé. Une nouveauté qui suscite un débat.
La cabane comme alternative
On
les voit dans les films américains, ça impressionne, ça fait
rêver avec un design tout à fait simple, des décors
flexibles, et des surfaces assez vastes. Cependant, est-ce
qu’on peut faire le choix de vivre dans de telles maisons
fabriquées en bois ? Tel est le défi de l’architecte Raafat
Ibrahim, qui a vécu une vingtaine d’années à l’étranger.
Lui, un architecte spécialisé dans la construction des
maisons et villas en bois au Canada et aux Etats-Unis, suit
attentivement les nouvelles de son pays natal. Il est au
courant de la crise de logement qui ne cesse de prendre de
l’ampleur. L’idée lui vient alors de construire de telles
maisons en Egypte. Une affaire qui pourrait, selon lui,
diminuer le coût de la construction et offrir un nouveau
style d’architecture, de haute qualité, hygiénique et bien
sécurisé, puisque ces logements seront construits
conformément aux normes internationales. Et pour concrétiser
l’idée et arriver à convaincre les responsables, il décide
d’exécuter une maison ou plutôt une villa de quatre étages à
la cité du 6 Octobre, en face de l’aéroport. Et aussi une
mosquée en bois. Il lui fallait un spécimen concret pour
expliquer aux gens son idée. Au milieu de cette région
désertique, se dresse sa villa de style différent. Il a
suivi lui-même sa construction, veillé à tous les détails
depuis 3 mois. Aujourd’hui, il est fier de son chef-d’œuvre.
Quatre étages avec une ossature en bois, recouverte de
plaques de plâtres, lesquelles ont été traitées avec des
substances résistant aux incendies et aux insectes, d’autres
matières pour isoler du bruit et de la chaleur. Le réseau
électrique intégré a été conçu selon les normes
internationales. Quant aux décors, une certaine flexibilité
est offerte au propriétaire pour les concevoir selon son
goût, son budget et utiliser les matériaux qui lui plaisent.
« Les façades peuvent être couvertes de pierres
pharaoniques, de briques, de ciment et même de granite …
Tout est possible, suivant les moyens de chaque client »,
explique Raafat qui ajoute que construire une maison en bois
ne coûte qu’environ le tiers d’une maison traditionnelle
fabriquée de fer et de briques et ne nécessite pas autant de
main-d’œuvre.
Cependant, il lui a fallu du temps pour chercher des
matériaux de bonne qualité et former des maçons pour ce
genre de construction. « En supposant que certains matériaux
soient importés, mais que l’on peut trouver en Egypte et que
le mètre cube de bois importé s’achète à 900 L.E., la
construction ne revient pas cher. Une maison en bois d’une
superficie de 125 m2 avec deux étages coûterait environ 160
000 L.E. », renchérit Raafat tout en précisant que la
construction du m2 revient à 700 L.E.
Quant à la main-d’œuvre, elle est composée de menuisiers, de
peintres et de maçons venus de différents gouvernorats, pour
travailler dans la capitale. Apprendre à couper du bois, à
utiliser les outils nécessaires pour exécuter tel ou tel
design en bois, des techniques que Raafat a tenu à
transmettre. Une tâche pas très compliquée comme le dit
Hicham, originaire de Louqsor, diplômé et qui travaille dans
la construction depuis qu’il a terminé ses études
universitaires.
Faire des convertis
Hicham explique que s’initier à ce style tout à fait nouveau
et constater le résultat d’une telle expérience nous ont
encouragés à assimiler les méthodes. Hicham est l’un des six
ouvriers qui ont contribué à la construction du spécimen en
bois, sous la vigilance et les instructions de Raafat.
Hicham est séduit et convaincu par l’idée, il a même
l’intention de construire sa propre maison à Louqsor après
avoir saisi toutes les techniques. « C’est beaucoup moins
cher, facile à exécuter et en un temps record en utilisant
les matériaux adéquats, on est assuré de la sécurité. Nous
avons suivi de nos propres yeux toutes les étapes de la
construction et il n’y a pas de déficience en matière de
sécurité », assure Hicham, content d’avoir enfin trouvé une
solution à son problème de logement.
Une opinion qui peut être évidente de la part de quelqu’un
qui a participé à la construction de cette maison, mais pas
d’autres jeunes qui n’arrivent pas toujours à saisir l’idée
et s’interrogent sur l’idée de vivre dans une construction
en bois.
« Qui peut nous épargner des incendies, des changements de
climat et de l’humidité ? », s’interroge Karam, jeune
employé, qui représente une catégorie et qui n’arrive pas à
admettre l’idée de vivre dans des maisons en bois. D’autres
d’esprits plus ouverts demandent, cependant, des réponses à
leurs craintes en matière de sécurité pour encourager de
telles constructions. « Pourquoi pas, si la maison possède
les normes de sécurité nécessaires et convient à notre mode
de vie et climat. C’est une initiative digne de respect.
Pourquoi refuserait-on une solution pareille qui va atténuer
la crise du logement ? Au contraire, s’offrir une maison du
style américain, qui revient moins cher qu’une villa dans un
quartier huppé et construite traditionnellement, c’est
l’aubaine », dit Ahmad Moustapha, réalisateur à la
télévision.
Absence de réalisme ?
Akram Al-Magdoub, un autre architecte égyptien, pense que si
la maison est conçue selon les critères de sécurité et les
qualifications internationales, tout en économisant les
coûts, le gens pourraient bien apprécier l’idée.
Cependant, l’idée de ce projet n’échappe pas à la polémique.
« Je pense que le fait de construire de telles maisons n’est
pas conseillé en Egypte, puisque nous ne sommes pas un pays
producteur de bois. Les pierres et les briques sont
les plus disponibles sur le marché. Mais si cette expérience
est bien étudiée et qu’elle peut réduire le coût des
logements, pourquoi pas ? », explique Al-Magdoub tout en
ajoutant qu’il est trop tôt pour juger l’expérience. Il faut
attendre de voir le spécimen sous sa forme finale et bien
l’étudier. Avis d’un spécialiste qui mérite d’être pris en
considération. Or, Raafat est toujours là dans son nouveau
projet, prêt à répondre à toutes les questions, à présenter
les plans nécessaires. Bien convaincu de son projet, il
décide de construire d’autres maisons, toujours à la cité du
6 Octobre. Le but est d’initier et former de jeunes
architectes récemment diplômés quant à cette nouvelle
méthode de construction. Il confie avoir plusieurs demandes
de différentes sociétés et même des particuliers qui
désirent construire leurs villas suivant ce nouveau style.
Bien déterminé, Raafat attend que son idée soit exécutée
dans le cadre d’un grand projet au profit des jeunes qui
cherchent un appartement avec les moyens de bord. « Je ne
cherche guère à faire des profits, mon but est de participer
à lancer ce projet en Egypte, déjà retardé, et d’aider les
jeunes qui sont à la recherche de logements à des prix
modérés. J’ai répondu à l’appel du ministère de la Santé qui
m’a demandé de monter quelques centres de soins d’urgence
sur les routes, bien entendu en bois », explique Raafat qui
a l’intention de construire un compound sur la route Le
Caire-Alexandrie, à environ 90 km du Caire. Des unités qui
seront vendues à des prix raisonnables aux familles de
couche moyenne.
Un projet qui doit être bien étudié et expliqué
particulièrement aux gens fidèles au style classique et qui
ont du mal à changer de mentalité et de style de logement.
Cependant, Raafat reste très optimiste. « Il faut du temps
pour que les gens soient convaincus d’habiter des maisons
comme celles qu’ils voient dans les films américains et
pouvoir se sentir chez eux comme dans une maison en briques
», conclut Raafat,
Doaa
Khalifa