Conférence.
Le Conseil National de la Maternité et de l’Enfance (CNME) a
organisé une conférence, les 31 mars et 1er avril, avec pour
thème « Les changements climatiques et leurs effets sur la
famille et l’enfant ». Les experts appellent à agir vite.
S’adapter au Pire
On
connaît déjà les impacts naturels du réchauffement de la
planète et des changements climatiques qu’il occasionne.
Mais connaît-on assez ses impacts sociaux ? Le sujet
commence en tout cas à faire l’objet de plusieurs
conférences en Egypte. Ministères concernés, ONG, ainsi que
le Conseil National de la Maternité et de l’Enfance (CNME)
se sont penchés sur la question. Ce dernier vient en effet
de tenir une conférence, le 31 mars et le 1er avril,
abordant les changements climatiques, sur la corniche de
Maadi, au Caire, siège du conseil.
« Le conseil a décidé de tenir cette conférence pour
plusieurs raisons, notamment pour mesurer les dimensions du
phénomène en Egypte, l’impact sur l’enfant et la maman, la
création d’une sorte de sensibilisation », explique le Dr
Omayma Kamel, chargée du comité de la culture scientifique
au sein du CNME.
Pour sa part, Mouchira Khattab, secrétaire générale du
conseil, a expliqué que l’objectif de cette conférence est
de se pencher sur l’enfant et la famille égyptienne et leurs
droits, parmi lesquels figure le droit à un environnement
propre et sain. « Les études scientifiques ont assuré que
l’impact du changement climatique sera majeur en Egypte,
surtout pour la région du Delta du Nil qui est menacée
d’inondation. Cette région abrite des milliers, voire des
millions de familles qui seront obligées de se déplacer, ce
qui ne manquera pas d’avoir des impacts économiques et
sociaux sur ces familles », a indiqué Khattab, tout en
ajoutant que partout dans le monde, le droit à un
environnement sain fait d’ores et déjà partie des droits de
l’homme. Pour sa part, le Dr Moustapha Kamal Tolba, expert
international et ancien directeur exécutif du Programme des
Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE), estime que l’on
ne peut pas parler d’impacts des changements climatiques sur
la famille et l’enfant sans parler de l’empreinte
écologique.
L’empreinte écologique est la surface de terre productive et
d’écosystèmes aquatiques nécessaires à produire les
ressources utilisées par la population, et à assimiler les
déchets produits par cette population, à un niveau de vie
matériel défini. « La surface disponible est de 11,3
milliards d’hectares, la population mondiale atteint plus de
6,2 milliards d’individus, donc la surface disponible par
individu est d’environ 1,8 hectare », indique le Dr Tolba.
L’empreinte a été calculée récemment. 62 des 144 pays qui
ont fait l’objet de l’étude dépassaient 1,8 hectare. Le pays
dont l’empreinte écologique est la plus élevée est les
Emirats arabes unis, avec 10,13 hectares par individu.
Viennent ensuite les Etats-Unis avec 9,70 hectares (soit
5,11 fois la moyenne mondiale ; 18,30 fois celle d’un
Bangladais ...). Le Dr Tolba continue que jusqu’en 1980, l’Egypte
avait une empreinte de 1,5 hectare, c’est-à-dire en dessous
des 1,8 hectare nécessaires à chaque individu. A partir de
1981, l’Egypte a commencé à utiliser plus de ressources.
Aujourd’hui, l’empreinte écologique de l’Egyptien est de 2,2
hectares par individu, avec donc un taux de 25 % au-delà de
l’empreinte moyenne. « Si nous continuons à abuser des
terres, cela veut dire que nous priverons les enfants de
leurs ressources élémentaires. Nous avons trop parlé, il est
temps d’agir. De trouver les moyens pour changer le sort des
générations futures », avertit le Dr Tolba.
En effet, sur le Delta du Nil, on comptait 4 à 6 millions
d’habitants en 2008, mais en 2050, ils seront beaucoup plus,
20 millions à peu près. Une fois le Delta noyé, même
partiellement, cela impliquera le déplacement de tous ces
individus. « C’est un vrai cauchemar pour l’Egypte, les
vagues de chaleur qui ont envahi l’Europe en 2003 et qui ont
fait 15 000 morts en France vont bientôt menacer l’Egypte,
ce qui aura des effets catastrophiques, notamment sur les
enfants et les vieillards. Autre point très important, les
maladies qui ont disparu de l’Egypte comme le paludisme vont
réapparaître de nouveau », prévient le Dr Tolba, tout en
expliquant : L’Est de l’Afrique sera plus chaud, et, à la
recherche d’un climat plus frais, le paludisme montera vers
le haut pour arriver en Egypte, traverser la Méditerranée et
atteindre l’Europe. « Les Européens sont en train de se
préparer aujourd’hui pour contrer le paludisme si jamais il
envahit leurs territoires dans 10 ans. En revanche, chez
nous, le Dr Hamdi Al-Sayed, président de l’Ordre des
médecins, m’a avoué que l’Egypte manque d’hôpitaux et de
plans pour contrer le paludisme ».
Un centre virtuel pour définir une stratégie nationale
Conscients du défi qui est à relever, les experts de la
conférence ont tenté d’exposer les nombreux impacts du
changement climatique sur la société, sur le Delta et les
côtes, sur le développement agricole, sur les ressources en
eau, ainsi que sur l’économie, l’énergie, la santé, etc.
La conférence a passé de l’abstrait au concret en consacrant
des sessions qui ont tenté d’apporter des alternatives pour
permettre l’adaptation, les lois nécessaires, la production
propre, l’éducation environnementale, la sensibilisation,
etc. « Notre but est non seulement de montrer à la famille
égyptienne l’ampleur du problème dans le pays, mais aussi
lui donner des solutions, donc de l’espoir. C’est pourquoi
le deuxième jour de la conférence s’est orienté vers les
solutions, l’ingénieur international Mamdouh Hamza a
présenté son projet, une solution scientifique pour éviter
l’inondation des côtes égyptiennes par exemple », explique
le Dr Omayma Kamel.
Sécheresse, insuffisance alimentaire, déplacement des
populations, problèmes économiques, telle serait notre
Egypte de 2050, voire probablement en 2035, c’est-à-dire
demain. « Le Dr Qassas et moi tirons la sonnette d’alarme
depuis dix ans maintenant et personne ne bouge. Tout ce que
l’on fait, c’est rabâcher encore et encore ! Mais c’est
fini, tout ce qui doit être dit, ça y est, nous l’avons dit.
Il faut agir », souligne le Dr Tolba. Mais avant d’agir, il
faudrait définir des plans. Le Dr Tolba suggère de former un
centre virtuel chargé de préparer les politiques de l’Etat
relatives au changement climatique. Il n’est pas question de
construire un centre et de dépenser des millions de livres
égyptiennes, l’idée c’est de choisir 15 à 20 experts dans
les différents domaines. Ces experts prendront la
responsabilité de collecter les informations pour créer une
base de données.
Selon l’idée du Dr Tolba, ces experts se réuniraient tous
les trois mois pour se mettre d’accord sur les actions qui
suivront et cela pourrait avoir lieu au Centre
d’informations et de prise de décision dépendant du Conseil
des ministres ou bien à la Bibliothèque d’Alexandrie. Ces
experts auront jusqu’à fin 2010 pour préparer une base de
données par la collecte d’informations des dizaines de
centres et de services qui travaillent sur le changement
climatique. Ensuite, il faudrait leur laisser une période de
6 mois pour définir les grandes lignes des politiques de l’Etat
concernant ce sujet et envoyer ce document au Conseil des
ministres. Une fois le document approuvé, il revient de
nouveau auprès du groupe d’experts qui seront responsables
de préparer 5 plans quinquennaux différents pour les
présenter au gouvernement. Ce dernier devra fixer les
priorités d’exécution et décider de la somme qui devrait
être versée par l’Etat. « Les bailleurs de fonds et les
organisations internationales peuvent intervenir pour aider
les pays en développement pour s’adapter aux impacts du
changement climatique, mais personne n’est prêt à aider un
pays si ce pays ne veut pas s’aider lui-même. En d’autres
termes, personne ne nous donnera un dollar si nous n’avons
pas nous-mêmes consacré une part du budget de l’Etat »,
assure le Dr Tolba.
Dalia
Abdel-Salam