Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | La partie de pêche
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
Nos Archives

 Semaine du 23 au 29 avril 2008, numéro 711

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Nulle part ailleurs

Loisirs. Pêcher est un divertissement qui ne cesse d’attirer des amateurs. Un monde qui a son propre langage, ses outils et surtout son charme. Reportage à bord d’un bateau appareillant en mer Rouge.

La partie de pêche

Dès l’aube, un groupe de jeunes s’est donné rendez-vous sur le bateau Al-Mahroussa. C’est à bord de ce petit navire de 17 mètres d’envergure, qui tangue au gré des vagues de la mer Rouge, que va se dessiner leur quotidien. L’embarcation se dirige vers Hamata, située à 900 km du Caire, près de la ville Marsa Alam. Un endroit encore vierge, infesté encore de requins et qui ne cesse d’attirer les fans de la pêche. « La raréfaction des poissons dans plusieurs endroits, pris d’assaut par les pêcheurs et les amateurs de pêche, a fait que nous sommes constamment à la recherche d’eaux poissonneuses », lance Khaled, 26 ans, ingénieur et grand passionné de ce sport. Achraf, le batelier, sert de guide pour cette escapade en mer. Celui-ci semble comprendre le langage des flots. « Avant de me lancer dans ce métier, je travaillais comme ouvrier. La mer m’a toujours fasciné. Pour comprendre ses secrets, j’ai dû passer six mois sur une petite embarcation. L’occasion de découvrir les eaux poissonneuses, les différentes profondeurs, la façon de jeter l’ancre tout près des coraux, les saisons de pêche, etc. A chaque fois que je brave un danger, j’apprends quelque chose de nouveau et d’utile. La mer est comme une école dont les secrets sont interminables. Mais la leçon la plus importante que j’ai tirée de la mer, c’est qu’elle sait donner mais aussi prendre beaucoup », explique Achraf sans oublier d’enregistrer sur son appareil de navigation (GPS) les informations qui lui sont utiles comme sa position en mer et sa direction. Il contrôle le moindre mouvement, arrête parfois le moteur et observe l’eau avec beaucoup de concentration, même les bulles les plus minimes qui se forment en profondeur. Un indice que l’endroit est poissonneux.

Quant au groupe qui accompagne Achraf, il s’apprête à la pêche. Tenant sa ligne, Tareq, ingénieur de 26 ans, est occupé à mettre son hameçon, un petit poisson artificiel qu’il fixe au bout de sa ligne. Cela s’appelle le trolling, une méthode de pêche, la plus courante en Egypte. « Je tiens à ce que mon rapala (appât suivant le jargon) ait la même couleur que les poissons que je veux capturer. On utilise cette méthode pour pêcher les barracudas ou les poissons qui dépassent les 3 kg. Suivant les saisons, les bateliers savent quel genre de poissons ils auront dans leurs filets, les outils qu’ils vont utiliser et la méthode de pêche qu’ils vont choisir », explique-t-il. Khaled, à son tour, lance son fil avec un hameçon d’une autre forme et sur une distance plus éloignée. « On ne doit pas jeter notre ligne à des distances égales, on risque de voir son fil s’enrouler avec celui de son voisin. Et pour mieux tromper les poissons, les rapalas doivent être jetés à plusieurs profondeurs. Un bon rapala nous indique quelle profondeur il va atteindre ».

Hayssam, 38 ans, propriétaire d’une agence de publicité, a recours à une autre technique, celle d’utiliser de vrais poissons car leur odeur pourrait en attirer d’autres.

« Parfois je pêche la nuit et pour cela, j’utilise une lanterne pour regrouper les petits poissons que je garde vivants dans une ayacha et cela donne de bons résultats », ajoute-t-il.

A première vue, on a l’impression que ce groupe de jeunes se fait concurrence pour réaliser une bonne pêche. Ils recueillent les astuces que leur refilent les bateliers, les amateurs de pêche et les informations qu’ils ont pu rassembler lors des rencontres à l’Union égyptienne pour la pêche ou à travers Internet pour les fans de ce sport. (site egyfishingclub.com).

A l’autre bout du bateau, Omar utilise sa sebha. Une ligne sur laquelle est fixé un morceau de plomb. Ce métal lourd permet à la ligne de descendre plus loin pour pêcher les poissons qui vivent en profondeur. « Mais le problème en Egypte, c’est qu’il n’y a pas de réglementation concernant la pêche. Partout dans le monde, il est interdit de prendre les petits poissons. Dès qu’ils remontent dans les filets, il faut les rejeter dans la mer pour leur donner la chance de se reproduire. De plus, il ne faut pas pêcher au mois de mars car c’est la période de reproduction de toutes les espèces marines. Malheureusement, en Egypte, on ne respecte rien et c’est pourquoi la mer Rouge a perdu une grande partie de sa richesse marine », explique Tareq.

La mer Rouge, le paradis du pêcheur

En effet, la pêche comme divertissement a commencé à attirer du monde dès le début des années 1980 et suite à la libération de tout le Sinaï. Depuis, les bateaux de pêche sillonnent paisiblement la mer Rouge. A Ras Ghareb, distante de 100 km de Hurghada, à Wadi Al-Dom près d’Al-Aïn Al-Sokhna, Ras Banas située près de Safaga, ou bien à Hamata, non loin de Marsa Alam, on trouve des boutiques pour articles de pêche. Des aquariums à ciel ouvert pour les amateurs de faune et flore marines. « Les parties de pêche en Egypte se déroulent le plus souvent à la mer Rouge car la Méditerranée est une mer ouverte. Une escapade dans cette dernière pourrait être dangereuse, si la mer se déchaîne. La situation diffère à la mer Rouge. Les bateliers connaissent les zones calmes les plus proches de leurs endroits et où ils peuvent passer la nuit si la mer devient agitée. La mer rouge riche en faune et en flore regorge de poissons et d’autres espèces marines », explique Gamil Abdel-Alim, propriétaire d’une boutique d’articles de pêche. Il organise des parties de pêche à la mer Rouge depuis 1983. Celui-ci prend contact avec les amateurs et leur offre toutes les commodités nécessaires pour une telle escapade (outils de pêche, amorce, etc. ainsi que les informations utiles à travers son site fishermanpro.com).

Et bien que ce sport existe en Egypte depuis plus de deux décennies, il ne cesse d’attirer des fans. « C’est un moyen de se défouler, de se débarrasser de sa fatigue et de fuir des pressions, surtout récemment où les fardeaux du quotidien deviennent de plus en plus pesants. Une journée en pleine mer est une véritable détente », assure Gamil, qui organise environ une quinzaine d’escapades par semaine durant l’été.

Une activité qui revient cher. « Une escapade de 36 heures sur un navire de 15 mètres revient à 1 500 L.E. Les articles de pêche à la traîne à 1 000 L.E., les cannes à 150 L.E. et un fil de sebha entre 30 à 50 L.E. suivant la grosseur du plomb », ajoute Hayssam qui fait de la pêche depuis 11 ans.

Un kif pour beaucoup d’entre eux, comme l’explique Achraf. « On peut comparer la pêche à un jeu de hasard. Goût du risque, de l’aventure, bonne ou mauvaise pêche il faut s’attendre à tout », avance-t-il. Quant à Omar, 35 ans, il estime que la pêche lui donne la chance de travailler, de s’amuser et de jouir en équipe. Un esprit de groupe qui manque en Egypte. « Avant chaque partie de pêche, chacun sait ce qu’il doit faire pour que tout aille pour le mieux. L’un est chargé de rassembler les boîtes de conserves, l’eau nécessaire pour tout l’équipage, un autre doit préparer les appâts, un troisième se procure la glace pour garder au frais les poissons, un quatrième suit la météo pour connaître la direction du vent, etc. Et tous collaborent quand il s’agit de sortir de l’eau un gros poisson », poursuit Keréidi, dont la responsabilité est d’obtenir les licences, délivrées par des institutions concernées.

En fin d’après-midi, l’équipage se prépare à déjeuner. Le menu est varié puisque la pêche a été fructueuse : soupe de poisson, gratin de fruits de mer et du poisson grillé. « C’est ici que l’on peut goûter au meilleur poisson, car il est très frais », renchérit l’un des jeunes. Il ajoute que le reste de la pêche doit être conservé dans des glacières. Ainsi en rentrant, chacun pourra avoir sa part.

A l’aventure

Après le déjeuner, tout l’équipage se rassemble pour se préparer à une nouvelle expédition dangereuse et qui probablement ne manquera pas de surprises. Tareq s’attelle à couper des morceaux de poulets et  de viande qui serviront d’appâts aux requins. « Il faut éparpiller du sang pour attirer les requins. Ce butin va nous garantir un déjeuner copieux. Sa viande est savoureuse », comme le dit Omar. Et pour goûter au miel, il faut supporter les piqûres d’abeilles comme dit le proverbe. Une pêche qui exige beaucoup de concentration et d’efforts car la moindre erreur peut coûter la vie. Tous sont à pied d’œuvre pour tirer cette proie de 15 kg. Avec un énorme couteau bien tranchant, Tareq pique le poisson pour réduire sa résistance. A ce moment, l’angoisse règne à bord. Dès que le requin est remonté, tout le monde s’éloigne et cède la place au batelier qui coupe sa tête avec le couteau. L’équipage est soulagé dès qu’il voit que le poisson est sans mouvement.

C’est la joie, le joueur a triomphé.

Dina Darwich

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.