Politique .
Le gouvernement Nazif est
critiqué pour sa politique économique. Des rumeurs circulent
sur un éventuel remaniement.
Sous le feu des critiques
Partira, partira pas ? Les
rumeurs vont bon train sur un possible départ du
gouvernement d’Ahmad Nazif.
Depuis quelques semaines, le chef du gouvernement fait face
à une vague de critiques en raison de la flambée des prix et
la détérioration des conditions de vie des citoyens. La
presse officielle, qui fait habituellement l’éloge du
gouvernement, a brusquement changé de position et s’est
ralliée au cortège des « déçus ». L’hebdomadaire
Akhbar
Al-Yom publiait la semaine dernière un dessin du
célèbre caricaturiste Moustapha
Hussein, montrant deux citoyens parlant du premier ministre.
L’un d’eux affirme avoir envoyé des tonnes de messages SMS
sur le portable du chef du gouvernement mais celui-ci est
constamment fermé. Et l’autre de lui répondre qu’il
craignait que Nazif soit
définitivement hors service. Plusieurs éditorialistes de
journaux officiels ont critiqué ouvertement le gouvernement
pour son incapacité de gérer les événements des 6 et 7 avril
à Mahalla, où des heurts entre
les appareils de sécurité et des manifestants ont fait
officiellement 1 mort et des dizaines de blessés. L’annonce
cette semaine d’un remaniement au niveau des gouverneurs a
accentué les rumeurs sur une
possible démission du gouvernement. Ancien ministre des
Télécommunications, Ahmad Nazif
a été désigné comme chef du gouvernement en juillet 2004
après le départ de Atef
Ebeid. Il laisse alors derrière
lui un secteur des télécommunications en pleine croissance
et d’incontestables réussites. Nazif
s’était notamment illustré par sa politique d’accès gratuit
à Internet, qui a entraîné une hausse exponentielle du
nombre d’internautes égyptiens (3,5 millions en 2004, contre
400 000 en 1999). Reconduit dans ces fonctions le 30
décembre 2005, il se fixe comme priorité la réforme du
secteur économique. Près de deux ans après, les résultats
obtenus dans ce domaine sont
importants : réforme du secteur bancaire, privatisations,
diminution unilatérale des droits de douanes à
l’importation, signature de l’accord QIZ avec Israël.
Mais la hausse des prix des denrées alimentaires, notamment
le blé, due à une augmentation des prix des matières
premières, allait provoquer une véritable secousse.
Plusieurs citoyens meurent dans les longues files d’attente
devant la boulangerie en raison de la pénurie de pain.
D’autre part, le prix du riz a doublé au cours de l’année
écoulée et celui de l’huile de cuisine a presque quadruplé.
Le prix du poulet a augmenté de 40 %. Résultat : l’éventail
des couches sociales frappées par cette inflation galopante
s’est élargi. Ce qui explique les grèves successives
d’ouvriers, fonctionnaires, médecins et professeurs
d’université. Dans ce climat social tendu, la question d’un
départ du gouvernement actuel défraye la chronique. Des noms
comme Rachid Mohamad Rachid, le ministre du Commerce et de
l’Industrie, Farouq
Al-Oqda, gouverneur de la Banque
Centrale ou même Ahmad Goweili,
l’ancien ministre de l’Approvisionnement
ont été évoqués comme de possibles successeurs. Rien
n’est évidemment sûr mais les observateurs s’attendent à un
remaniement limité au cours des prochains mois pour absorber
la colère populaire.
Un nouveau gouvernement serait alors nommé où le premier
ministre serait maintenu dans ses fonctions et où le poids
des hommes d’affaires serait revu à la baisse. « On peut
dire que le gouvernement Nazif
est celui des hommes d’affaires. Il a poursuivi la
libéralisation de l’économie et diminué les taxes, ce qui a
profité à la classe aisée. Ainsi au cours des précédentes
années, a-t-on noté une extension des quartiers huppés dans
les grandes villes, tandis qu’au même moment les pauvres ne
trouvaient pas à boire à cause de la pénurie d’eau »,
explique Magdi
Sobhi, chercheur au Centre des
Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Pourtant, le gouvernement Nazif
a réalisé un certain nombre de succès sur le plan
économique. Le volume des investissements en Egypte est
passé de 18,7 % du PNB en 2005 à 22,2 % en 2007. De même, le
taux de croissance est passé à 7,1 %. Mais le problème est
que ces richesses n’ont profité qu’à la classe aisée.
Mohamad Khalil Qoweita, député
du parti du Rassemblement unioniste progressiste (RPU,
gauche) estime, lui, que le maintien ou le départ d’un
gouvernement ne sont pas la vraie
question. « La vraie question est qu’il n’y a pas de
véritable politique sociale en Egypte », estime
Qoweita. Et de noter que Ahmad
Nazif s’inscrit dans la même
lignée que ces prédécesseurs Kamal
Al-Ganzouri et Atef
Ebeid. « Cette libéralisation
accrue de l’économie sans remédier aux problèmes sociaux est
une orientation générale de l’Etat. Les gouvernements en
Egypte ne sont que des boucs émissaires », note
Qoweita. Et de souligner que le
taux de croissance avancé par le gouvernement n’est pas réel
puisqu’en calculant celui-ci le gouvernement a inclus les
fonds des assurances sociales. Qoweita
ne s’attend pas à des changements majeurs. « Les attaques
dans la presse gouvernementale contre le gouvernement visent
seulement à résorber la colère populaire », estime-t-il.
Même son de cloche chez Essam
Chiha, membre du haut comité du
néo-Wafd, pour qui les gouvernements successifs ne font
qu’appliquer des politiques supérieures. « Les gouvernements
en Egypte sont formés de technocrates et non pas de
politiques. Le problème du gouvernement
Nazif est qu’il n’a pas été en mesure de réagir
correctement face à la hausse des prix ». Pour
Abdel-Ghaffar
Choukr, du parti du
Rassemblement, que le gouvernement parte ou reste peu de
choses vont changer.
May
Atta