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 Semaine du 23 au 29 avril 2008, numéro 711

 

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Iran . Mahmoud Ahmadinejad est ouvertement critiqué sur sa politique économique et le dossier nucléaire par des proches de l’ex-chef d’Etat Rafsandjani, à un an de la présidentielle. 

Remous locaux 

La bataille est désormais ouverte au sein du gouvernement iranien autour de la politique économique et financière, au moment où la hausse des prix semble de moins en moins contrôlable. Le ministre de l’Economie, Davoud Danesh-Jafari, dont le limogeage a été annoncé le 9 avril, a expliqué dimanche que son départ était motivé par ces tensions. De son côté, le ministre iranien du Travail, Mohammad Jahromi, a écrit dimanche une lettre ouverte au président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad pour empêcher l’application de mesures annoncées par le directeur de la Banque Centrale, Tahmasb Mazaheri, pour contrôler l’inflation et la hausse de la masse monétaire. « Cette politique n’aide en rien à faire baisser l’inflation mais pousse à une hausse des prix », a affirmé M. Jahromi dans sa lettre.

Elu en juin 2005 sur un programme de « justice sociale » et de redistribution de l’argent du pétrole aux pauvres, Mahmoud Ahmadinejad s’est engagé dans une politique d’injection massive d’argent, grâce aux revenus pétroliers, pour financer des projets d’infrastructure locaux, provoquant une hausse du volume des liquidités et entraînant une hausse de l’inflation. M. Ahmadinejad a ainsi mené une politique dépensière, distribuant de l’argent sous forme d’aide ou de prêts à faible taux aux couches défavorisées des grandes villes et des régions rurales, qui avaient largement voté pour lui. De nombreux économistes réformateurs mais aussi conservateurs ont critiqué cette politique qui a provoqué une hausse importante de la masse monétaire (40 %) et une inflation galopante, véritable talon d’Achille du régime d’Ahmadinejad. Selon les chiffres officiels, l’inflation a atteint 18,4 % au cours des douze derniers mois, mais des experts économiques estiment qu’elle dépasse en réalité largement les 20 %, en raison notamment de l’injection massive de pétrodollars dans l’économie.

Le président a rejeté à plusieurs reprises les critiques en affirmant que la hausse des prix était due à des « facteurs extérieurs », notamment l’augmentation du prix du pétrole et la baisse du dollar. M. Ahmadinejad, qui a remplacé ces derniers mois presque tous les ministres liés à l’Economie, rend régulièrement responsable de l’inflation les « ennemis de l’intérieur » et les campagnes médiatiques de ses opposants. Ils les accusent de chercher à renverser son gouvernement en coordination avec les ennemis de l’Iran. Il les a accusés de contrôler une mafia économique et de l’empêcher d’appliquer son programme économique. « Leur objectif est clair. Certains, à l’intérieur, pensent accompagner les ennemis (de l’extérieur) dans les pressions économiques et les menaces pour faire tomber le gouvernement », a-t-il dit. L’Iran fait l’objet de sanctions du Conseil de sécurité de l’Onu et de pressions américaines pour suspendre son programme nucléaire controversé.

La politique d’Ahmadinejad en matière nucléaire est critiquée par une frange de l’élite gouvernante. Un haut responsable iranien, proche du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a violemment critiqué la politique étrangère du président, en affirmant que l’Iran devait chercher à s’entendre avec le reste du monde au lieu de l’affronter. « Nous avons besoin d’une politique étrangère positive, c’est-à-dire prononcer des paroles qui suscitent l’approbation. Est-ce que la politique étrangère signifie dire des grossièretés et fanfaronner ? », a demandé Hassan Rohani dans une claire allusion aux propos habituellement tenus par le président. M. Ahmadinejad a toujours tenu un discours intransigeant sur le dossier nucléaire, allant jusqu’à qualifier de « bouts de papiers » sans conséquences les résolutions du Conseil de sécurité des Nations-Unies contre l’Iran.

« Cela n’est pas de la politique étrangère. Il faut choisir un comportement accommodant pour faire baisser les menaces et assurer les intérêts » du pays. Hassan Rohani, un proche de l’ancien président Akbar Hachemi Rafsandjani, est actuellement l’un des deux représentants du guide suprême, l’ayatollah Khamenei, au sein du Conseil suprême de la sécurité nationale. Il a lancé ces deux dernières années plusieurs attaques virulentes contre le président Ahmadinejad, critiquant notamment sa politique de confrontation avec l’Occident dans le dossier nucléaire.

 

Rafsandjani visé

M. Ahmadinejad accuse ses opposants d’être directement responsables de l’inflation galopante en introduisant, par exemple, « des sommes colossales sur le marché immobilier, avec l’aide de certaines banques privées et d’Etat ». Les prix des logements ont plus que doublé en un an, mais selon les adversaires du président, c’est parce que les capitaux se sont dirigés vers le marché immobilier en raison de la politique du gouvernement qui défavorise la production.

Par ses propos, le président Ahmadinejad vise clairement des franges du pouvoir qui contrôlent des postes-clés et qui sont proches de Rafsandjani. Ce dernier dirige le Conseil de discernement du régime, le plus haut organe d’arbitrage politique, et l’Assemblée des experts religieux, chargée de nommer, contrôler et éventuellement démettre le guide suprême. Il a lancé une mise en garde en affirmant que « la hausse du prix des produits alimentaires touche plus particulièrement les pauvres ». « Aujourd’hui, les gens dans le monde sont conscients ; si l’injustice augmente, ils se révoltent et c’est leur droit car ils n’ont pas d’autres choix », a déclaré M. Rafsandjani, dont l’hostilité envers le président Ahmadinejad n’est un secret pour personne.

Ces attaques interviennent à un peu plus d’un an de l’élection présidentielle et alors que les critiques montent non seulement contre la politique économique du gouvernement, mais aussi contre le limogeage de membres du gouvernement, signe des désaccords croissants au sein du gouvernement. Quelque 150 députés ont ainsi écrit une lettre pour demander au président de revenir sur le renvoi du ministre de l’Intérieur, Mostapha Pour Mohammadi. Le parti conservateur Motalefeh, proche des grands commerçants du bazar de Téhéran, a jugé de tels changements « dommageables ». Revenant sur ces limogeages, le président a refusé de faire marche arrière. « J’irai jusqu’au bout pour changer et déraciner toutes les personnes corrompues ou qui font preuve de manque de détermination. Je n’ai peur de rien », a-t-il lancé. Depuis son élection en 2005, M. Ahmadinejad a déjà remplacé cinq ministres, notamment ceux du Pétrole et de l’Industrie, mais aussi le président de la Banque Centrale et le vice-président responsable de l’Organisation du plan et du budget. Le prochain départ des ministres de l’Economie et de l’Intérieur portent au total à neuf le nombre de membres du cabinet remplacés par des fidèles, en deux ans et demi, dont sept qui occupaient des postes économiques.

Le gouvernement de M. Ahmadinejad a parallèlement accentué sa politique de contrôle de la société, qualifiée de « répressive » par les rares défenseurs des droits de l’homme. Une campagne visant officiellement à améliorer la sécurité des citoyens s’est traduite par une accélération du nombre d’exécutions pour divers crimes, l’emprisonnement d’étudiants contestataires et d’activistes féminines, et des contrôles plus fréquents pour faire respecter le code vestimentaire islamique.

Dans ce contexte, les adversaires de M. Ahmadinejad, des conservateurs pragmatiques de l’ex-président Rafsandjani aux réformateurs de l’ancien président Mohammad Khatami, critiquent de plus en plus ouvertement sa politique. Notamment en s’inquiétant des risques croissants d’une attaque contre l’Iran, mais aussi du coût économique que ses défis à l’Occident impliquent. Le président iranien reste sourd aux critiques. Il a annoncé il y a quelques jours un vaste plan économique, dont il n’a pas dévoilé les détails. Selon la presse, il veut notamment supprimer les subventions pour le pain, l’essence et d’autres produits énergétiques, qui représentent près de 100 milliards de dollars, et verser directement de l’argent aux Iraniens pour compenser la fin des subventions. Plusieurs économistes ont mis en garde le gouvernement contre les risques inflationnistes d’une telle décision.

Le danger pour le président est que sa politique de subventions et de dépenses publiques n’arrive plus à compenser une inflation qui touche prioritairement les classes les plus pauvres. Or, ces dernières constituent le cœur de l’électorat qui a porté M. Ahmadinejad au pouvoir en 2005 et dont le mandat expire l’année prochaine .

Hicham Mourad

 




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