Municipales.
Marquées par l’absence forcée des Frères musulmans, les
élections prévues le 8 avril seront disputées exclusivement
ou presque par des candidats affiliés au parti du pouvoir.
Le PND fait cavalier seul
Prévues
le 8 avril, les élections municipales sont, pour le moins,
sans enjeu vu la disproportion entre le nombre de candidats
(53 000) propulsés par le Parti national démocrate (PND, au
pouvoir) et le millier de ceux qui représentent toutes les
factions de l’opposition regroupée ... Et sans suspense
aussi, grâce aux « éliminations préventives » que les
autorités auraient pratiquées contre les candidats affiliés
aux Frères musulmans.
Avec ses 234 candidats, le parti du Rassemblement (gauche),
lance « la bataille » contre la mainmise du PND sur les
conseils municipaux et la corruption qui y règne. « Les
rapports publiés par l’Organisme central des comptes le long
des 30 dernières années font état de la dissipation d’une
somme de 4,5 milliards de livres à cause de la corruption
qui gangrène les conseils municipaux », affirme Abdel-Hamid
Kamal, responsable des municipalités au parti.
« 1 772 Wafdistes étaient prêts à participer aux élections,
dont 597 ont réussi à se faire inscrire. Finalement ce sont
528 candidatures qui ont été effectivement validées »,
affirme de son côté le secrétaire général du parti libéral
Al-Wafd, Mounir Fakhri Abdel-Nour. Des chiffres illustrent
la difficulté des démarches administratives décriées par
presque tous les candidats, y compris ceux du PND.
Le Wafd avait à un moment donné envisagé de boycotter les
élections à cause des pressions exercées sur ses candidats,
mais « l’expérience nous a appris que participer et perdre
est beaucoup mieux que de rester chez soi et pleurer. Si
malgré toutes ces restrictions la moitié de nos candidats
réussissent nous serons très satisfaits », ajoute Abdel-Nour.
Certains journaux ont fait état d’une concertation tacite
entre le PND et les partis du Wafd et du Rassemblement, ce
que ces derniers ont catégoriquement nié. En fait, une telle
concertation ne serait pas irréaliste, surtout si elle
s’inscrit dans l’objectif de battre un concurrent commun, à
savoir les Frères musulmans, très présents dans certaines
circonscriptions.
Mais c’est du côté des Frères que la différence entre les
candidats potentiels et ceux acceptés est la plus flagrante.
« Nous voulions présenter 6 000 candidats mais soumis à des
actes de violence et des agressions physiques, seuls 498
parmi eux ont réussi à présenter leurs dossiers. Finalement,
ce ne sont que 33 candidatures qui ont été retenues »,
affirme le numéro deux de la confrérie, Mohamad Habib.
Les élections municipales ont acquis une nouvelle importance
à la suite du récent amendement constitutionnel. Désormais
tout candidat indépendant à la présidence de la République
doit s’assurer le soutien de 250 membres élus de l’Assemblée
du peuple, du Conseil consultatif et des conseils
municipaux. Une ambition, à en croire les propos de Habib. «
Le programme de la confrérie est basé sur le changement de
la base au sommet et pas le contraire, les élections
municipales auraient été une occasion pour entrer en contact
avec les diverses couches de la population », insiste-t-il.
La Confrérie des Frères musulmans qui a organisé une série
de manifestations à travers le pays fait état de près d’un
millier de détentions parmi ses membres, depuis mi-février,
sur fond des élections.
Les élections municipales étaient censées avoir lieu deux
ans plus tôt. Le gouvernement avait décidé de les reporter
en attendant l’adoption d’une nouvelle loi sur la
gouvernance locale. Derrière la raison officielle, beaucoup
ont dans cet ajournement une crainte de voir se reproduire
le succès sans précédent des Frères musulmans aux
législatives de novembre 2005 qui leur a permis d’occuper le
cinquième des sièges du Parlement. La nouvelle loi est
toujours « en élaboration ».
Plusieurs ONG ont manifesté leur déception face aux
irrégularités ayant entaché les procédures d’inscription, et
ont décidé de s’abstenir de leur rôle d’observateurs. C’est
le cas de l’Organisation Egyptienne des Droits de l’Homme
(OEDH) qui émet des doutes sur l’intégrité des élections.
Son président, Hafez Abou-Seada, estime qu’il n’y a aucune
signification de jouer les observateurs. « Ceci ne ferait
que donner du crédit à ces prétendues élections et à leurrer
l’opinion publique », estime-t-il. Pour se faire inscrire,
les candidats devaient présenter une copie de leur casier
judiciaire, un document dont le ministère de l’Intérieur
aurait privé certains candidats. Une autre tactique décriée
est celle des interminables files d’attente composées de
badauds que les services de sécurité auraient engagés pour
empêcher les candidats de l’opposition de déposer leur
candidature.
Si pour le gouvernement, ces élections s’inscrivent dans un
programme de décentralisation du système politique, certains
observateurs estiment que cet objectif est difficilement
réalisable tant que les gouverneurs resteront nommés par le
président et non élus par le peuple. L’institution policière
échappe également au gouvernement local et les responsables
de sécurité dans les divers gouvernorats sont désignés
depuis Le Caire. Des questions qui ne sont pas envisagées.
« La nouvelle loi sur la gouvernance locale devra accorder
de nouvelles prérogatives aux conseils municipaux, notamment
le droit à prélever des taxes et à disposer d’une liberté de
les débourser. Cela sera déjà un bon pas en avant, même si
les gouverneurs restent nommés », estime Wahid Abdel-Méguid
du Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Chérif Albert