Zimbabwe.
Robert Mugabe
qui dirige le pays d’une main de fer depuis plus d’un quart
de siècle, sort affaibli d’un scrutin qui donnerait
l’avantage à une opposition qui se voit déjà à la tête du
pouvoir.
Vent de défaite pour Mugabe
Mugabe
l’avait promis : « de son vivant, jamais l’opposition
n’arrivera au pouvoir ». Mais pour les presque 6 millions
d’électeurs appelés aux urnes ce samedi à Harare, capitale
du Zimbabwe, le destin politique de Robert Mugabe, 84 ans,
semble sérieusement remis en cause.
Dès l’annonce des premiers résultats, lundi dernier,
l’opposition dirigée par le parti de Morgan Tsvangirai, le
Mouvement pour le changement démocratique (MDC), clamait
déjà la victoire. Selon des premiers résultats officiels
communiqués par la commission électorale, le MDC et la
ZANU-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe- Front
patriotique), parti de Mugabe, il y avait égalité entre les
deux formations, chacune ayant remporté, sur 24
circonscriptions, 12 sièges. L’opposition, elle, se dit
néanmoins être en tête des suffrages avec deux fois plus de
voix que le parti de Mugabe.
Morgan Tsvangirai, rival confirmé du pouvoir, n’a pas été le
seul parti à défier celui du président Mugabe. En effet, un
autre concurrent qui n’est autre que l’ancien ministre des
Finances, Simba Makoni, était en lice dans cette course à la
présidentielle. Makoni avait quitté le gouvernement de
Mugabe en 2002 après le scandale des élections
présidentielles considérées comme frauduleuses par la
Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’Union européenne. Après
ces élections et une vague de violences importantes, ils
avaient décidé d’infliger des sanctions à l’encontre de
Mugabe en suspendant le Zimbabwe de l’organisation du
Commonwealth. Cette décision très mal reçue par Mugabe
l’avait lui-même conduit à se retirer totalement de
l’organisation en 2003. Ce nouveau dissident montre
clairement qu’il existe une crise interne au sein du ZANU-PF
au pouvoir. Makoni n’envisageait même pas de second tour et
estimait avoir « de très bonnes chances » de l’emporter. Il
prévoyait, en cas de victoire, de faire front commun contre
Mugabe, avec l’opposition et même des membres de la ZANU-PF,
en formant un gouvernement de coalition.
Transparence du scrutin montrée du doigt
Ce scrutin unique regroupant des élections présidentielles,
législatives, sénatoriales et locales a semble-t-il remis en
cause la transparence du scrutin. L’opposition a accusé la
commission électorale de retarder délibérément l’annonce des
résultats pour les manipuler en faveur de Mugabe. Accusé par
l’opposition et l’Occident de fraude électorale, Mugabe
s‘est défendu de vouloir fausser le scrutin : « Il n’est pas
dans nos habitudes de frauder aux élections. Ma conscience
ne me laisserait pas en paix si j’avais triché », avait-il
dit. Makoni avait manifesté ses craintes s’indignant de ne
pas avoir pu consulter le registre électoral définitif.
Cette crainte de fraude électorale a incité l’opposition à
déclarer sa victoire, avant même la parution des résultats
partiels. Très tôt dimanche, des partisans de l’opposition
étaient sortis dans les rues scandant des slogans qui
revendiquaient déjà la victoire sur Mugabe : « La victoire
du peuple est en cours. Nous n’avons absolument aucun doute
sur le fait que nous sommes en train de remporter cette
élection », a déclaré lors d’une conférence de presse,
Tendai Biti, secrétaire générale du MDC. Selon Biti, il
s’agit de dénoncer également le manque d’indépendance de la
commission électorale à l’égard du pouvoir. La commission
électorale zimbabwéenne a mis en garde contre une annonce
prématurée de la victoire de l’opposition indiquant que «
les résultats officiels seront annoncés à la nation par la
commission », avait souligné le directeur exécutif, Lovemore
Sekeramayi. Par ailleurs, le régime avait refusé la présence
d’observateurs européens et américains, préférant la
Communauté de développement d’Afrique australe (SADC),
l’Union Africaine (UA) et des pays amis comme la Chine,
l’Iran, le Venezuela ou la Russie. Les accréditations des
journalistes avaient été sérieusement filtrées interdisant
ainsi les chaînes de télévision BBC et CNN ou encore
l’agence Associated Press.
Malgré ces précautions, une équipe d’observateurs africains
avait, dès samedi, exprimé sa profonde inquiétude après la
découverte de quelques 8 000 électeurs fantômes dans un
district du nord de Harare.
Aujourd’hui, plusieurs analystes et observateurs
internationaux craignent que Mugabe ne quitte son pouvoir
aussi facilement, disparaissant ainsi de la scène politique.
Même si son régime et son parti sont fortement critiqués du
fait de sa politique économique chaotique, Mugabe reste un
héros de l’indépendance pour une bonne partie de la
population au Zimbabwe et ailleurs en Afrique. De plus, la
répression sévère, les intimidations à l’encontre des partis
rivaux, le soutien sans faille de la part de la police et de
l’armée continuent de dissuader ceux qui espèrent le voir
disparaître.
Finalement, quelle que soit l’issue de ces élections, le
pays sera certainement confronté à une crise politique post-
électorale : le régime ou l’opposition n’acceptant pas les
résultats d’une part, et la communauté internationale qui
s’empressera certainement de dénoncer la victoire de Mugabe
s’il en venait à briguer un sixième mandat.
Lynda
Kartout