Palestine.
Après plusieurs tentatives pour se débarrasser du Hamas,
Israël a opté pour la manière forte, faisant un usage
excessif de la violence et ne faisant aucune distinction
entre activistes et civils.
Israël extermine, le monde se tait
Les
négociations de paix entre l’Autorité palestinienne et
Israël ne sont plus. Le président palestinien Mahmoud Abbass
a en effet décidé de suspendre les pourparlers avec Tel-Aviv
en réponse à l’offensive en cours dans la bande de Gaza qui
a entraîné la mort de plus d’une centaine de Palestiniens,
dont de nombreux civils, en cinq jours.
Après avoir proclamé dimanche jour de deuil national, M.
Abbass a ordonné « la suspension des négociations (...)
jusqu’à l’arrêt de l’agression (israélienne) », a déclaré un
collaborateur du président palestinien à Ramallah, en
Cisjordanie. Dénonçant un « holocauste », il n’est néanmoins
pas allé jusqu’à proclamer la rupture des négociations
menées sous l’égide des Etats-Unis et auxquelles le Hamas,
qui a pris le contrôle de la bande de Gaza en juin, est
hostile. Saëb Eraqat, chef des négociateurs palestiniens, a
affirmé que les négociations de paix avec Israël étaient,
pour l’heure, « enterrées sous les maisons détruites de Gaza
».
En brouille avec M. Abbass, le Hamas a appelé à la formation
d’un cabinet d’union nationale d’urgence.
Côté israélien, Arye Mekel, porte-parole de la ministre
israélienne des Affaires étrangères Tzipi Levni, qui conduit
les négociations, a déclaré que la décision des Palestiniens
était « une erreur » et a exprimé l’espoir que les
discussions reprennent « dans un très proche avenir ». Mais
Israël est loin d’arrêter ses incursions pour faire cesser
les tirs de roquettes sur son territoire qui ont provoqué la
mort, mercredi dernier, d’un habitant de Sderot, dans le sud
du pays. Bien qu’accusé de faire un usage excessif de la
force, il a menacé d’intensifier son offensive terrestre et
aérienne. « Israël n’a pas l’intention d’arrêter le combat
contre les organisations terroristes, ne serait-ce qu’une
seule minute », a dit le premier ministre Ehud Olmert lors
du conseil des ministres. « Cela ne se fera pas dans les
deux jours, mais nous poursuivrons nos activités de toutes
nos forces et nous devons nous préparer à l’escalade, parce
que la grande opération terrestre est une réalité tangible
», a de son côté assuré le ministre de la Défense Ehud
Barak. M. Barak a avisé des pays amis qu’Israël préparait
une offensive contre les activistes palestiniens à Gaza et
son adjoint Matan Vilnaï a prévenu ces derniers qu’ils
s’exposaient à une « shoah » s’ils poursuivaient leurs tirs
de roquettes contre l’Etat hébreu.
Les agressions israéliennes ont été dénoncées par presque
toute la communauté internationale. A New York, Ban Ki-moon,
secrétaire général de l’Onu, avait déploré un usage «
excessif » de la force et réclamé l’arrêt de l’offensive de
Tsahal. Dans une déclaration adoptée après cinq heures de
débats, les membres du Conseil de sécurité ont, quant à eux,
exprimé leur profonde inquiétude au sujet des pertes civiles
et réclamé l’arrêt des violences. La Slovénie, qui assure la
présidence de l’Union européenne, a condamné l’offensive
israélienne jugée disproportionnée et contraire au droit
international. Un communiqué de la présidence réclame aussi
l’arrêt immédiat des tirs de roquettes. « La présidence
(européenne) rejette la punition collective de la population
de Gaza », dit notamment un communiqué publié peu avant le
départ précipité du porte-parole de la diplomatie
européenne, Javier Solana, pour Israël et la Cisjordanie.
Le processus de paix menacé
Devant la dégradation de la situation et les menaces pesant
sur un processus relancé sous l’égide du président George W.
Bush, la Maison Blanche a appelé dimanche à la fin des
violences. La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice,
arrivée mardi dans la région, tâche pour sa part d’arrêter
un engrenage qui pourrait broyer les nouvelles négociations
de paix lancées en grande pompe à Annapolis (Etats-Unis) fin
novembre. Profitant de sa visite, des voix se sont élevées
pour demander à Mme Rice de s’impliquer davantage dans les
pourparlers de paix, comme celle du roi Abdallah II de
Jordanie. « Le temps presse et nous avons besoin que les
Etats-Unis soient complètement impliqués, qu’ils influencent
le cours des discussions, qu’ils surveillent les progrès et
qu’ils aident à réduire les divergences afin de parvenir à
un accord final avant fin 2008 », a-t-il déclaré vendredi.
Mais les Etats-Unis ont-ils vraiment l’intention de
s’engager davantage ? Pour Scott Lasensky, un expert du
Proche-Orient à l’USIP (United States Institute of Peace),
la réponse est à la négative. « Sur le terrain, nous
apparaissons n’offrir aucune idée utile pour résoudre le
problème de Gaza. Et aux plus hauts niveaux, en termes de
diplomatie, nous ne sommes même pas dans la même pièce »,
explique-t-il. Selon lui, « l’une des principales leçons des
négociations passées est qu’Israéliens et Palestiniens ne
peuvent pas être livrés à eux-mêmes, parce qu’il y a trop
d’asymétries de pouvoir. Ça ne fonctionne tout simplement
pas ».
Les analystes s’accordent sur le fait qu’aucune pression ne
sera vraiment exercée sur Israël pour qu’il arrête son
opération « hiver chaud ». Reste à savoir pour combien de
temps durera cette agression israélienne ? De nombreuses
raisons conduisent à penser que l’escalade actuelle entre
Israël et le Hamas à Gaza va perdurer. L’Etat hébreu
poursuivant des objectifs politiques à la fois à court et à
long termes dans cette escalade.
Séparer Gaza de la Cisjordanie, à la fois de facto et de
jure, constitue l’élément majeur de la stratégie unilatérale
israélienne, qui avait débuté avec l’évacuation de Gaza.
Israël espère ainsi miner les aspirations palestiniennes
quant à la constitution d’un Etat sur tous les territoires
palestiniens occupés y compris en Cisjordanie et à
Jérusalem. Cet objectif était derrière le blocus imposé dès
l’accession au pouvoir du Hamas ; mais lorsqu’une brèche a
été ouverte sur la frontière avec l’Egypte, la visée
d’Israël a échoué, ce qui a contraint les Israéliens à
repenser les choses, d’où l’escalade actuelle d’Israël sur
Gaza. Mais le dilemme dans lequel se retrouvera bientôt
Israël, c’est que s’il veut écraser le Hamas, le prix à
payer sera une réoccupation complète de la totalité de la
bande de Gaza, ce dont Israël a déjà une longue et amère
expérience.
Rania
Adel